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Les criminels juifs français utilisent-ils Israël pour échapper à la justice ?

Le film sur le fugitif français vivant libre à Ashdod souligne partiellement le manque de coopération de la justice israélienne

Vincent Elbaz, à gauche, et Ludovik Day pendant une pause sur le tournage de "Je compte sur vous" à Tel-Aviv, en mai 2015. (Crédit : autorisation de Pascal Elbe / via JTA)
Vincent Elbaz, à gauche, et Ludovik Day pendant une pause sur le tournage de "Je compte sur vous" à Tel-Aviv, en mai 2015. (Crédit : autorisation de Pascal Elbe / via JTA)

PARIS (JTA) – Une voix autoritaire et un téléphone, voilà ce dont avait besoin Gilbert Chikli pour voler des millions d’euros à des banquiers et des hommes d’affaires chevronnés dans sa France natale.

L’un des criminels les plus célèbres de France, Chikli, 50 ans, a été condamné en mai par un tribunal de Paris à sept ans de prison pour avoir escroqué avec un simple téléphone des dizaines de victimes de plus de 8 millions de dollars entre 2005 et 2006 alors qu’il vivait en Israël.

Mais Chikli est en liberté en Israël – le pays n’ayant pas signé de traité d’extradition avec la France.

Mais aujourd’hui, son histoire attire à nouveau l’attention à cause d’un nouveau film français controversé, qui met en vedette la compagne du président François Hollande, Julie Gayet, basé sur la saga Chikli.

En une période où l’on note une nette hausse de l’émigration juive de France en Israël, « Je compte sur vous » attire l’attention des deux pays sur la frange criminelle des Juifs français pour qui l’alyah, ou l’immigration en Israël, sert de porte de sortie afin d’éviter la case prison.

Dans le cas de Chikli, il a arnaqué ses victimes depuis Israël en se présentant comme un agent des services secrets qui a besoin d’aide ou comme le président de l’entreprise financière où ils ont travaillé. Après avoir gagné la confiance de ses victimes en jouant sur leurs insécurités ou leur vanité, il les persuadait de vider les comptes appartenant à leurs clients.

Dans un cas, Chikli avait obtenu d’une de ses victimes qu’elle donne à un complice à Paris 400 000 dollars en liquide dans un sac qu’elle a fait passer sous un mur séparant les toilettes publiques. Ces techniques rocambolesques étaient nécessaires, lui avait assuré Chikli, pour protéger l’identité de l’ « agent secret » qui s’est chargé de récupérer l’argent.

Dans d’autres cas, il a demandé aux victimes de mettre l’argent des clients sur un « compte temporaire » de telle sorte que la DSGE puisse « tracer » l’argent avant de le retourner à son propriétaire. En réalité, Chikli vidait les comptes fictifs et gardait l’argent.

‘Je ne suis pas un escroc, je suis un joueur et c’était un jeu pour moi’

Chikli, a fui la France en 2009 pour s’installer en Israël en passant par un pays tiers alors que la police française cherchait à l’inculper.

Il avait déjà passé trois ans en prison en attente de sa mise en accusation, mais a été libéré cette année-là en raison d’un manque de preuves. L’accusation n’a présenté sa preuve qu’en 2011.

Loin de contester sa condamnation de 2015, Chikli a vanté auprès des médias sa technique, qu’il a appelée « l’arnaque au président » dans une interview qu’il a donnée en décembre dernier à i24.

« Quand cela fonctionne, s’est-il vanté, ça vous excite. Parce que vous êtes à 5 000 kilomètres de Paris et avec un téléphone et une carte téléphonique de 100 euros et vous pouvez vous faire 10 millions d’euros ». Sûr de lui, Chikli a déclaré sur France 2 : « je ne suis pas un escroc. Je suis un joueur et c’était un jeu pour moi ».

Les responsables du ministère de la Justice en France et en Israël ont signalé qu’il y avait des discussions en cours à propos de l’extradition de Chikli, que la police israélienne a interrogé à plusieurs reprises et brièvement arrêté en septembre dans le cadre d’une enquête liée à une bagarre.

Chikli estime qu’il a une bonne vie en Israël, où il travaille dans l’immobilier. Il a même récemment gagné une somme d’argent non dévoilée, estimée à plusieurs milliers d’euros, en travaillant pour une compagnie conseillant Pascal Elbé, le réalisateur français juif qui a filmé « Je compte sur vous ».

Pascal Elbé (Crédit : capture d'écran vidéo YouTube)
Pascal Elbé (Crédit : capture d’écran vidéo YouTube)

Sorti en France en décembre, le film a généré une attention sans précédent sur Chikli dans les médias comme symbole d’un monde souterrain israélo-français qui est hors d’atteinte des autorités françaises à cause de la complexité pour extrader des Français d’Israël.

De même, les suspects en France sont hors de portée d’Israël parce que la loi française restreint l’extradition de ses citoyens aux états membres de l’Union européenne.

« C’est un phénomène mineur qui fait partie du sujet plus vaste de la criminalité à l’ère de la mondialisation », a déclaré Elbé à JTA.

Le film d’Elbé a mené les médias français, y compris TF1 et France 2, à couvrir plus que d’habitude ces derniers mois ce qu’ils appellent la « mafia franco-israélienne ».

Cette attention a troublé beaucoup de juifs français, dont Avi Zana, directeur de l’association Ami Israël, qui aide les immigrants français en Israël à intégrer leur nouvelle société.

Des immigrants juifs de France arrivent à Tel Aviv, le 28 juillet 2015. (Crédit : Zed Films)
Des immigrants juifs de France arrivent à Tel Aviv, le 28 juillet 2015. (Crédit : Zed Films)

Parlant d’une couverture « disproportionnée », Zana a déclaré que la présence apparente de quelques dizaines de criminels français en Israël est le « résultat normal de l’augmentation de l’alyah française et de la diversification du spectre des nouveaux arrivants. Cela ne suggère aucune inclinaison à la criminalité » parmi les immigrants français en Israël.

Les escrocs parmi les nouveaux arrivants, a déclaré Zana, « sont détestés par le reste d’entre nous, qui ont le sentiment qu’ils nous font, à nous et à Israël, une mauvaise réputation ».

Le film d’Elbé, a-t-il précisé, « expose regrettablement des choses hors de leurs contextes à une époque où les juifs français ont déjà suffisamment de problèmes à cause des stéréotypes antisémites que ce film risque de faire augmenter ».

Elbé, qui est juif, a déclaré qu’il avait anticipé que le film « diviserait » les juifs français, mais a décidé de le réaliser quand même parce que « le sujet est fascinant et l’antisémitisme ne peut pas être autorisé pour nous intimider vers l’auto-censure ».

L’année dernière, les procureurs israéliens ont accusé 10 nouveaux immigrants de France pour présomption d’arnaques téléphoniques, de crimes informatiques et de fraude à l’immobilier.

L’année dernière, les procureurs israéliens ont accusé 10 nouveaux immigrants de France pour présomption d’arnaques téléphoniques, de crimes informatiques et de fraude à l’immobilier – impliquant tous des victimes résidant en France.

Le nombre exact de citoyens français qui échapperaient aux autorités en Israël est inconnu, mais la France a envoyé en Israël au mois 70 demandes officielles d’assistance judiciaire dans des affaires impliquant des suspects de fraude par des personnes ayant la double nationalité et résidant dans l’Etat juif, selon un article de 2014 de l’hebdomadaire Challenges. La réponse du côté israélien a été partielle.

Alors que certains suspects ont été extradés, dont, Thierry Chemla un arnaqueur à l’assurance qui a tué quelqu’un dans un incendie volontaire à Paris, Israël rechigne à extrader parce que Paris n’agira pas réciproquement, a déclaré Sammy Ghozlan, un ancien commissaire de police français qui a déménagé en Israël l’année dernière.

Ghozlan a souligné le refus de la France de remettre deux citoyens français aux autorités israéliennes qui les poursuivent dans le cadre d’un délit de fuite à Tel Aviv en 2011 qui a causé la mort de Lee Zeitouni, une professeur de fitness de 25 ans.

Ignorant la requête d’extradition d’Israël, un tribunal parisien a condamné en 2014 ses assassins, Eric Robic et Claude Khayat, à des peines de prison de respectivement cinq ans et 15 mois, pour avoir abandonné Zeitouni morte avant de fuir le pays.

Sammy Ghozlan en charge du BNVCA à son domicile à Netanya, en octobre 2015 (Crédit : Ricky Ben David/Times of Israel)
Sammy Ghozlan en charge du BNVCA à son domicile à Netanya, en octobre 2015 (Crédit : Ricky Ben David/Times of Israel)

Les fonctionnaires de la justice israélienne soulignent qu’ils maintiennent « une coopération étroite sur la prévention des crimes » avec la France, a déclaré au JTA un fonctionnaire du ministère de la Justice.

Mais l’absence de traité d’extradition, a déclaré Ghozlan, signifie que certains escrocs « utilisent l’alyah comme un moyen d’installer une affaire hors de vue et de portée de la police française qui les connaît
bien ».

Cependant, a-t-il ajouté, les 10 arrestations de l’année dernière en Israël « montre que les autorités judiciaires françaises et israéliennes ont appris à coopérer et à partager des informations malgré les complications ».

En parallèle, les autorités israéliennes ont rendu plus difficile pour les citoyens étrangers l’ouverture des comptes bancaires en Israël dans le cadre d’un effort plus vaste contre le blanchiment d’argent en 2010.

L’alyah française a constamment augmenté. Les 7 238 nouveaux arrivants de 2014 ont triplé le nombre d’immigrants français de 2013, et l’alyah a encore augmenté en 2015, avec presque 8 000 immigrants. Les experts attribuent la croissance aux violentes attaques antisémites et à l’économie stagnante de la France.

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