Les entreprises technologiques israéliennes épargnées par les droits de douane de Trump ?
La plupart des entreprises fondées en Israël vendent des logiciels exemptés de taxes, mais les investissements et autres marchés sont touchés
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël

NEW YORK — Les entreprises technologiques israéliennes installées aux États-Unis devraient être épargnées par les droits de douane de l’administration Trump, mais elles devraient subir leur impact économique indirect, estiment plusieurs experts.
Les droits de douane sont en effet applicables aux importations matérielles alors que les principales entreprises israéliennes aux États-Unis commercialisent des logiciels – aussi leurs produits sont-ils pour la plupart exemptés de ces taxes, même si la volatilité des marchés et les incertitudes les affectent, tour à tour porteuses de contraintes et d’opportunités.
« Comme la plupart des start-ups développent des logiciels et non des biens, des matériels ou des produits physiques qui requièrent une chaîne d’approvisionnement, l’impact direct des droits de douane est minimal », explique Guy Franklin, partenaire chez Israeli Mapped in NY, une société d’investissement spécialisée dans les start-ups israéliennes à New York.
Pourtant, les entreprises vont devoir supporter les conséquences indirectes des droits de douane, estime Aaron Kaplowitz, responsable de la US-Israel Business Alliance, une organisation spécialisée dans la promotion des relations commerciales entre les deux pays.
Des conséquences qui devraient être « la volatilité des devises, l’augmentation des prix des équipements et les nouvelles dynamiques commerciales, pour n’en nommer que quelques-unes », poursuit Kaplowitz.
Nombre d’entreprises dépendent de certains matériels pour la Recherche et le Développement – comme par exemple de serveurs, de routeurs et de capteurs, détaille Franklin. Ces produits, souvent produits en Chine ou dans d’autres pays soumis à de forts droits de douane, vont voir leur prix augmenter, et avec eux, les prix des infrastructures et autres produits israéliens.
Les entreprises utilisent également des services comme ceux d’Amazon Web Services, Google Cloud ou encore Microsoft Azure. Si ces entreprises relèvent leur prix à hauteur des droits de douane, ces dépenses affecteront également les résultats des entreprises israéliennes, ajoute Franklin, qui est installé à New York depuis 13 ans.
Les incertitudes économiques induites par les droits de douane ont un impact sur ces entreprises et elles ébranlent la confiance des investisseurs. Par exemple, l’entreprise israélienne de technologies financières eToro a retardé son introduction en bourse aux États-Unis, ce mois-ci, à cause de la volatilité du marché.
« On constate un véritable impact sur les entreprises et leurs projets de levée de fonds. Comme par exemple, eToro, qui a retardé son introduction en bourse en raison des conditions de marché et des incertitudes », poursuit Franklin.
« Les entreprises technologiques cotées en bourse sont prises dans les montagnes russes des marchés publics », ajoute Kaplowitz. La communauté des start-ups sera très touchée si les investisseurs ont moins de fonds ou moins d’appétit pour les investissements à haut risque et à un stade précoce, souligne-t-il.
Selon Amir Zilberstein, investisseur israélien à New York au sein de la société de capital-risque Team8, certaines entreprises ont ralenti leurs opérations en attendant de voir comment évolue la question des droits de douane. Il estime que 70 % des exportations high-tech israéliennes sont composées de logiciels et de services. Dans des domaines comme par exemple celui de la cybersécurité, « je ne vois aucun effet direct. Il y a très peu de biens physiques », assure-t-il.
Il estime qu’il est bien trop tôt pour dire de quelle manière tout ceci va évoluer.
« C’est un projet complexe qui va prendre du temps à mettre en oeuvre : et même une fois mis en oeuvre, il faudra du temps pour en voir les conséquences », ajoute Zilberstein.
Il existe par ailleurs une zone grise concernant la définition de ce qu’est une entreprise israélienne aux États-Unis. Certaines entreprises sont basées en Israël mais elles ont des bureaux aux États-Unis, d’autres sont basées aux États-Unis avec leur R&D menée en Israël. Il arrive aussi que des Israéliens installés aux États-Unis fondent des entreprises – des restaurants par exemple – qui ne sont pas directement liées à Israël ou à l’industrie technologique. Aucune entreprise ne sera affectée par ces droits de douane de la même manière.
Les droits de douane pourraient également ouvrir de nouvelles perspectives aux entreprises technologiques israéliennes. Les investisseurs pourraient préférer déployer des capitaux pour des investissements à plus long terme, en particulier dans les entreprises de logiciels de services (SaaS), structurellement moins exposées aux droits de douanes et dynamiques du marché, explique Kaplowitz. Les droits de douanes vont par ailleurs éloigner les États-Unis de la Chine sur le plan commercial, ce qui va laisser une place dont les entreprises israéliennes pourraient se saisir avec des exportations, poursuit-il.
Zilberstein ajoute que les différences de taux de ces droits de douane pourraient présenter un avantage si Israël avait un taux plus bas que d’autres pays, mais « il est difficile de prédire quoi que ce soit », admet-il. Ainsi, des négociations pourraient permettre de réduire le taux des droits de douane imposés à Israël mais l’administration Trump pourrait également supprimer les exemptions accordées aux logiciels. Les décisions finales pourraient s’avérer plus ou moins avantageuses, souligne-t-il.
« S’il y a des changements significatifs et que le marché les croit pérennes, alors il y aura du changement », ajoute-t-il.

Les mesures relatives aux visas prises par l’administration Trump ne représentent pas un grand danger pour les entreprises. En effet, en général, les entrepreneurs israéliens se rendent aux États-Unis avec un visa L-1, puis ils embauchent des employés américains, alors que les incertitudes pèsent sur les visas H-1B. Nombre d’entrepreneurs se sont installés à New York depuis le début de la guerre en raison de la rareté des vols entre les deux pays, précise Franklin.
La semaine dernière, l’Autorité israélienne pour l’innovation a déclaré qu’au cours des neuf premiers mois de la guerre d’Israël contre le groupe terroriste du Hamas, 8 300 employés de la Tech ont quitté le pays pour s’installer à l’étranger un an ou deux, voire plus, ce qui représente 2,1 % de la main-d’œuvre locale de haute technologie. Elle a par ailleurs expliqué que le nombre de travailleurs du secteur technologique israélien avait diminué, l’an dernier, pour la première fois depuis une dizaine d’années, ce qui faisait craindre une fuite des cerveaux et des pertes fiscales dans le secteur technologique, crucial pour Israël. L’information donnée par l’Autorité israélienne pour l’innovation ne précise pas dans quels pays ces travailleurs sont partis s’installer.
« La fuite des cerveaux, qui affecte depuis longtemps la technologie israélienne, pourrait poser une menace majeure pour l’écosystème des start-ups en Israël », estime Kaplowitz. « Cela pourrait se traduire par un plus grand nombre d’emplois basés aux États-Unis, même si les études montrent que le commerce crée plus d’emplois que les investissements directs étrangers. »
Israël espérait être épargné par le décret de Trump sur les droits de douane à l’import, annoncé ce mois-ci. Il écope au final de droits de douane de 17 %, et ce malgré la levée de la totalité des droits de douane applicables aux importations américaines dans une tentative d’apaisement de dernière minute prise par le gouvernement israélien.
Il y a plus de 400 start-ups israéliennes à New York, selon Israeli Mapped in NY, avec des secteurs leaders comme la cybersécurité, les technologies financières ou encore les logiciels d’entreprise.
New York compte une trentaine de licornes israéliennes – des entreprises évaluées à au moins 1 milliard de dollars -, ce qui en fait le deuxième écosystème des États-Unis en la matière après la Californie, qui compte 35 licornes, conclut la US-Israel Business Alliance.