Les États-Unis et l’Europe déconseillent au Hezbollah de se lancer dans une guerre
Alors que le monde tente d'éviter un conflit généralisé, des médiateurs avertissent le groupe terroriste qu'il est peut-être trop sûr de ses capacités face à la puissance d'Israël
WASHINGTON – Les médiateurs américains, européens et arabes font pression pour éviter que la multiplication des attaques transfrontalières entre Israël et le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah ne dégénère en une guerre plus vaste au Moyen-Orient, que le monde redoute depuis plusieurs mois.
L’espoir d’une trêve dans le conflit entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza se fait attendre, un cessez-le-feu qui permettrait de calmer les attaques du Hezbollah et d’autres milices alliées à l’Iran. Compte tenu de l’enlisement des négociations, les responsables américains et européens mettent en garde le Hezbollah, bien plus puissant que le Hamas mais considéré comme trop sûr de lui, contre la puissance militaire d’Israël, selon des diplomates actuels et anciens.
Ils avertissent le Hezbollah qu’il ne doit pas compter sur la capacité des États-Unis ou de quiconque à retenir les dirigeants israéliens s’ils décident de mettre en œuvre des plans prêts au combat pour une incursion au Liban. Le groupe terroriste ne doit pas compter sur la capacité de ses membres à faire face à la suite des événements.
Des deux côtés de la frontière libanaise, l’escalade des frappes entre Israël et le Hezbollah, l’un des groupes terroristes les mieux armés de la région, a semblé au moins se stabiliser la semaine dernière. Bien que les frappes quotidiennes continuent de pilonner la zone frontalière, ce léger changement laisse d’espérer un apaisement des craintes immédiates, qui ont incité les États-Unis à envoyer un navire d’assaut amphibie avec un corps expéditionnaire de marines pour rejoindre d’autres navires de guerre dans la région, dans l’espoir de dissuader un conflit plus large.
Selon Gerald Feierstein, ancien haut diplomate américain au Moyen-Orient, il n’est pas certain qu’Israël ou le Hezbollah aient décidé de réduire leurs attaques pour éviter de déclencher une opération israélienne au Liban. Malgré l’arrêt des hostilités la semaine dernière, « il semble que les Israéliens continuent à se préparer dans la perspective d’un conflit […] d’une ampleur totalement différente », a-t-il déclaré.
Le message envoyé au Hezbollah est le suivant : « Ne pensez pas que vous êtes aussi capables que vous le pensez », a-t-il ajouté.
Dès le lendemain de l’assaut barbare et sadique du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre, au cours duquel quelques 3 000 terroristes ont tué près de 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et en ont enlevé 251 autres, le Hezbollah a lancé des roquettes et des missiles sur le nord d’Israël et a promis de continuer à le faire jusqu’à l’instauration d’un cessez-le-feu à Gaza. Israël a riposté, les affrontements forçant des dizaines de milliers de civils à quitter les zones frontalières des deux pays. Les attaques se sont intensifiées ce mois-ci après qu’Israël a tué un haut commandant du Hezbollah et que ce dernier a riposter par certains de ses barrages de missiles les plus importants lancés à ce jour.
Martin Griffiths, secrétaire général adjoint du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), a qualifié « d’apocalyptique » la guerre qui pourrait en résulter. Israël et le Hezbollah, la force dominante dans un Liban politiquement fracturé, ont tous deux le pouvoir de causer de lourdes pertes.
« Une telle guerre serait une catastrophe pour le Liban », a déclaré le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, lors de sa récente rencontre avec son homologue israélien, Yoav Gallant, au Pentagone.
« Une autre guerre entre Israël et le Hezbollah pourrait facilement devenir une guerre régionale, avec des conséquences terribles pour le Moyen-Orient. »
« Nous travaillons en étroite collaboration pour parvenir à un accord, mais nous devons également discuter de la préparation à tous les scénarios possibles », a répondu Gallant.
Les analystes s’attendent à ce que d’autres milices alliées à l’Iran dans la région réagissent beaucoup plus vigoureusement qu’elles ne l’ont fait pour le Hamas, et certains experts mettent en garde contre l’afflux de terroristes idéologiquement motivés dans la région pour s’y joindre. Les Européens craignent des flux de réfugiés déstabilisants.
L’Iran, qui est préoccupé par la transition politique dans son pays, ne montre aucun signe de vouloir une guerre maintenant, mais il considère le Hezbollah comme son partenaire stratégiquement vital dans la région – bien plus que le Hamas – et pourrait être entraîné dans cette guerre. La mission iranienne auprès des Nations unies a déclaré, dans un message publié samedi sur le réseau social X, qu’une guerre « d’anéantissement » s’ensuivrait si Israël lançait une attaque de grande envergure au Liban.
« Il est évident que si les choses semblent se dégrader sérieusement pour les Israéliens, les États-Unis interviendront », a assuré Feierstein. « Je ne pense pas qu’ils puissent envisager une autre solution. »
Si les États-Unis ont aidé Israël à repousser un barrage de missiles et de drones iraniens en avril, il est peu probable qu’ils fassent aussi bien pour aider Israël à se défendre contre des attaques plus puissantes du Hezbollah, a déclaré le général CQ Brown, président de l’état-major interarmées. Il est plus difficile de repousser les roquettes à courte portée que le Hezbollah tire régulièrement de l’autre côté de la frontière, a-t-il souligné.
L’armée israélienne est éprouvée par une guerre de près de neuf mois à Gaza, et le Hezbollah possède un arsenal estimé à quelque 150 000 roquettes et missiles capables de frapper n’importe où en Israël. Les dirigeants israéliens, quant à eux, se sont engagés à déclencher des scènes de dévastation semblables à celles de Gaza sur le Liban si une guerre de grande ampleur devait éclater.
Amos Hochstein, conseiller principal de la Maison Blanche et interlocuteur du président américain Joe Biden pour les tensions entre Israël et le groupe terroriste chiite libanais, n’a pas réussi jusqu’à présent à amener les deux parties à freiner leurs attaques.
Les Français, qui ont des liens avec le Liban en tant qu’ancienne puissance coloniale, et d’autres Européens jouent également un rôle de médiateur, de même que les Qataris et les Égyptiens.
Les responsables de la Maison Blanche ont accusé le Hezbollah d’être à l’origine de l’escalade des tensions et ont déclaré qu’ils soutenaient le droit d’Israël à se défendre. L’administration Biden a également fait savoir aux Israéliens que l’ouverture d’un second front n’était pas dans leur intérêt.
C’est ce qu’a répété Gallant lors de ses derniers entretiens à Washington avec le secrétaire d’État Antony Blinken, Austin, le directeur de la CIA William Burns, le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan, et Hochstein entre autres personnalités.
« Nous continuerons à aider Israël à se défendre, cela ne changera pas », a assuré John Kirby, porte-parole de la Maison Blanche pour la sécurité nationale. « Mais concernant une théorie hypothétique – en particulier en ce qui concerne la frontière nord […] encore une fois, nous ne voulons pas qu’un deuxième front soit ouvert, et nous voulons voir si nous ne pouvons pas résoudre les tensions là-bas par des processus diplomatiques. »
Les responsables de la Maison Blanche n’écartent cependant pas la possibilité réelle d’ouvrir un second front dans le conflit du Proche-Orient.
Lors de conversations avec des responsables israéliens et libanais, ainsi qu’avec d’autres acteurs régionaux, il a été convenu « qu’une escalade majeure n’est dans l’intérêt de personne », a déclaré un haut fonctionnaire de l’administration Biden.
Ce responsable, qui n’est pas autorisé à commenter publiquement les délibérations de la Maison Blanche et qui s’est exprimé sous le couvert de l’anonymat, s’est insurgé contre la « prétendue logique » du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui soutient qu’Israël verrait la fin des attaques du groupe terroriste chiite libanais en concluant un accord de cessez-le-feu avec le Hamas dans la bande de Gaza.
Mais le responsable a également reconnu qu’un accord de cessez-le-feu insaisissable à Gaza contribuerait grandement à apaiser les tensions à la frontière israélo-libanaise.
Le 31 mai, Biden a présenté un accord en trois phases qui conduirait à une trêve prolongée et à la libération d’otages israéliens et de prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël, mais les négociations entre Israël et le groupe terroriste palestinien semblent dans l’impasse. Un haut fonctionnaire de l’administration Biden a déclaré samedi que les États-Unis avaient présenté une nouvelle proposition aux intermédiaires égyptiens et qataris afin d’essayer de relancer les négociations. Ce responsable a parlé sous le couvert de l’anonymat pour évoquer une initiative que la Maison Blanche n’a pas encore dévoilée publiquement.
Selon Randa Slim, chercheuse au Middle East Institute (MEI), il y a encore de l’espoir que les plans israéliens de ralentissement des combats dans la ville méridionale de Rafah et ailleurs dans la bande de Gaza puissent amener le Hezbollah à modérer ses tirs de roquettes sur Israël.
Mais sans cessez-le-feu à Gaza, toute accalmie temporaire à la frontière israélo-libanaise « n’est pas suffisante », a affirmé Slim.
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