Les Israéliens critiquent la poste, mais cela pourrait être bien pire
Une étude internationale a classé la poste israélienne à la 35e place sur 159 pays, après les Etats-Unis et l'Algérie, mais avant la France et le Royaume-Uni

A quel point la poste israélienne est-elle mauvaise ? Assez mauvaise, si vous jugez les messages sur les médias sociaux israéliens.
« Est-ce la Russie de 1991 ou Israël de 2015 ? » peut-on lire dans un message accompagné d’une photo d’une longue queue devant un bureau de poste.
La photo d’une tortue postée sur Facebook avec la légende « Ai commandé sur eBay des vêtements pour ma fille de 3 ans et les ai reçus quand elle a 4 ans » a été ‘aimée’ plus de 12 000 fois.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
L’acteur Gadi Wilcherski a récemment campé à l’intérieur d’un bureau de poste avec une tente, un sac de couchage et un barbecue pour protester contre les longues queues.
« Depuis combien de temps attendez-vous ici ? » demande-t-il aux usagers.
« 40 minutes », dit l’un.
« Trop longtemps, » répond un autre.
גדי מקים אוהל בסניף דואר!(הקטע ששודר אתמול בצינור-לילה)החזית
Posted by Gadi Wilcherski גדי וילצ'רסקי on Wednesday, 20 May 2015
Il y a même une page Facebook avec 5 000 fans, « La poste israélienne a franchi toutes les bornes », consacrée exclusivement aux plaintes contre la société appartenant au gouvernement.

Il y a quelques semaines un nouveau scandale a éclaté lorsque des usagers ont signalé que certains vendeurs sur eBay refusent de vendre aux Israéliens, pas par boycott politique, mais parce que leurs colis n’arrivent pas à destination.
« Je suis vraiment désolé, je ne livre plus en Israël. Trop de problèmes avec les acheteurs qui ne reçoivent pas leurs colis, » aurait dit un vendeur à un client qui a posté une capture d’écran sur la page Facebook de la poste israélienne.
La révolution des achats en ligne
Maya Avishai, une porte-parole de la poste israélienne, reconnaît qu’il y a eu « un ou deux » cas isolés de vendeurs qui ont refusé de livrer en Israël, mais pour remettre les choses dans leur contexte, c’était « un parmi les dizaines de milliers de vendeurs à travers le monde. »
En fait, dit Avishai, le nombre de colis qui entrent dans le pays a augmenté de 30 % l’an dernier, et ce fait « prouve qu’il n’y a pas de boycott. » La poste israélienne délivre deux millions d’articles par jour, dit-elle, et, oui, parfois il y a des cafouillages.
« Mais ce n’est pas l’essentiel, » dit-elle au Times of Israel.
Une augmentation de 30 % en une seule année est un nombre impressionnant, qui explique peut-être les longues queues et les plaintes concernant les services dans les bureaux de poste.
Avec la montée de l’e-mail et du paiement en ligne des factures, les services postaux sont en déclin dans le monde entier, et celui d’Israël a degraissé le personnel et réduit les jours de distribution du courrier. Certains experts font valoir que les services postaux n’ont plus aucune raison d’exister.
Mais la vague mondiale du commerce électronique (croissance mondiale de 25 % en 2015) leur donne un nouveau souffle.

En fait, une étude récente d’Ipsos, commandée par PayPal, sur 29 pays, a révélé que 71 % des Israéliens avaient commandé quelque chose à l’etranger l’année dernière, un pourcentage uniquement dépassé par l’Irlande et l’Autriche.
Arik Bismut, un coiffeur de Petah Tikva, est l’un de ces Israéliens. Il y a quatre ans, il a defilé dans les grandes manifestations de justice sociale contre le coût élevé de la vie en Israël. Aujourd’hui, il manifeste à l’aide de sa carte de crédit.
« Vous voyez ce sweat-shirt ? Il m’a coûté 15 livres sterling, sur Asos. C’est-à-dire 90 shekels. En Israël, il m’aurait coûté 300 shekels. Ces jeans m’ont coûté 20 livres sterling, également sur Asos ».

Bismut montre tout ce qu’il porte et dit que tout a été acheté auprès de vendeurs chinois ou européens sur Internet. Il achète aussi des vêtements et des jouets pour bébés ainsi que des lampes pour son appartement. En moyenne, lui et sa femme reçoivent 10 colis par mois.
Kinneret Friedman, une mère de trois enfants de Tel Aviv, reçoit environ un paquet par mois.
« Pourquoi devrais-je payer deux fois plus pour des collants dans un centre commercial israélien quand je peux les acheter sur Internet ?» demande t-elle. « Comme de toute façon tous les vêtements sont fabriqués en Chine, je ne vois pas la différence. Je veux bien soutenir l’économie israélienne, mais pas si cela me coûte deux fois plus cher ».
Friedman dit qu’elle achète des vêtements pour ses enfants sur Next, des vêtements pour elle-même sur Asos, des jouets pour son fils sur eBay et des accessoires pour smartphone sur AliExpress.
En effet, Maya Avishai, la porte-parole de la poste, distingue Next et AliExpress comme des entreprises qui envoient un énorme volume de colis vers Israël.
« Nous avons constaté une augmentation de 40 % dans les envois de Next, » confirme-t-elle, « et les gens achètent toutes sortes de choses liées aux téléphones portables sur AliExpress. »
Avishai dit que la poste y fait face par l’ajout de plus de 120 nouveaux centres de distribution de colis, la prolongation des heures d’ouverture jusqu’à 20 h, l’envoi de notifications par SMS concernant les colis, et en laissant les gens prendre rendez-vous pour récupérer le courrier plutôt que de faire la queue, entre autres améliorations.
Mais les usagers demeurent sceptiques. Bismut dit que son bureau de poste de Petah Tikva est toujours submergé. « Il y a 22 guichetiers et il y a toute la journée entre 200 et 250 personnes qui attendent dans la salle. Ils croulent sous la pression ».
À son crédit, la poste ne lui a perdu qu’un seul paquet depuis qu’il a commencé à commander en ligne. Lorsqu’on lui a demandé de donner une note à la poste, Bismut a repondu, « 7 sur 10. »
Comment la poste israélienne se classe-t-elle ?
Dans un article de 2014 intitulé « Letter Grading Government Efficiency » les professeurs Andrei Shleifer de l’université d’Harvard, Florencio Lopez-de-Silanes de l’école de commerce EDHEC, Alberto Chong et Rafael La Porta ont classé les services postaux de 159 pays.
Tous ces pays ont signé le traité de l’Union postale universelle, qui les oblige à retourner les lettres envoyées à une mauvaise adresse. Les professeurs ont envoyé des lettres de Harvard Square à Cambridge, dans le Massachusetts, à 10 fausses adresses dans chaque pays et attendaient de voir combien de ces lettres leur sont revenues.

La poste israélienne a été classée 35e dans le monde, avec 9 des 10 lettres renvoyées à l’expéditeur après 107 jours en moyenne.
Outre la lettre qui a été perdue, trois des lettres ont pris plus de temps pour revenir que les trois mois règlementaires. Israël a été classée après des pays comme les États-Unis, la Finlande, le Maroc et la Roumanie, mais avant la France et le Royaume-Uni.
« Le classement d’Israël n’est pas catastrophique », a dit Lopez-de-Silanes au Times of Israel depuis son bureau en France. « Mais étant donné le niveau de développement du pays, il est un peu faible. Si vous regardez la liste, des pays en voie de développement comme le Mexique et le Nicaragua font mieux qu’Israël. Cela peut être amélioré. »
A la question pourquoi certains pays en voie de développement font mieux que certains pays industrialisés, Lopez-de-Silanes dit que les résultats ne s’expliquent pas seulement par la richesse du pays, mais aussi par l’efficacité du gouvernement.

En fait, dit-il, le courrier c’est plus que juste du courrier.
« Cela reflète quelque chose de beaucoup plus vaste. Dans nos données, la quantité de ressources dans un système postal à un impact sur le retour des lettres. Mais en plus de cela, nous avons trouvé que la qualité de la gestion, et la qualité de l’organisation, ont un grand effet ».
En d’autres termes, dans certaines postes dans le monde, une lettre pourrait tomber par terre et ne jamais être ramassée tandis que d’autres ont des systèmes pour s’assurer que cela n’arrive pas. Et l’efficacité de ces systèmes en dit beaucoup sur le pays dans son ensemble.
Israël, dit Lopez-de-Silanes, n’est pas aussi mauvais que la Russie, d’où « pas une seule lettre n’est revenue dans les 400 jours que nous avons attendu. »
Suite à l’étude, la télévision russe a diffusé un reportage de 10 minutes montrant des grands-mères pleurant devant un bureau de poste pendant que des chats mangeaient des lettres dans un entrepôt.
De son côté, « le gouvernement de Nouvelle-Zélande nous a appelé pour nous demander comment il se fait qu’ils sont le numéro 7 et pas le numéro 1? ‘Qu’est ce qui ne va pas?' »
L’Australie, classée 31e, a aussi appelé.
Lopez-de-Silanes dit que ces pays avec une forte tendance à l’auto-critique sont plus susceptibles de s’améliorer. Serait-ce une bonne nouvelle pour Israël, où se plaindre de la poste est un passe-temps national ?
« Ces pays [dotés d’auto-critique] essaient de s’améliorer », dit Lopez-de-Silanes. « Les pays en bas de classement ne s’en soucient même pas. »
Comptez-vous sur le Times of Israël en français pour vous informer de manière précise et pertinente sur Israël, le Moyen Orient et le Monde juif ? Si la réponse est oui, n'attendez plus pour rejoindre la Communauté du Times of Israël !
En contribuant avec la somme de votre choix, une fois par mois ou une fois par an, vous pouvez :
- soutenir un journalisme indépendant et de qualité
- profiter d'une lecture sans publicité sur le site, la version mobile et les e-mails
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cela que nous travaillons chaque jour : pour offrir aux lecteurs avisés, comme vous, une couverture médiatique pertinente sur Israël, le Moyen Orient et le Monde juif. Contrairement à de nombreux autres médias, notre contenu est accessible gratuitement - sans paywall surgissant dès le premier paragraphe. Mais notre travail s'avère de plus en plus coûteux. C'est pourquoi, nous invitons les lecteurs, qui le peuvent et pour qui le Times of Israël en français est devenu important, à nous soutenir en rejoignant la Communauté du Times of Israël en français. Pour la somme de votre choix, une fois par mois ou une fois par an, vous pouvez vous aussi contribuer à ce journalisme indépendant de qualité et profiter d'une lecture sans publicité.