Les Palestiniens et les ONG décrient la zone de sécurité désignée par Israël à Gaza
Selon l'UNRWA, entre autres, la zone d'al-Mawasi n'est pas adaptée ; Israël blâme l'ONU pour les mauvaises conditions et affirme que le Hamas tire des roquettes depuis cette zone

AL-MAWASI, bande de Gaza – Israël a désigné une petite parcelle de terre en grande partie non exploitée le long de la côte méditerranéenne de Gaza comme zone de sécurité, un endroit où les vagues de personnes fuyant la guerre peuvent se réfugier des frappes aériennes et recevoir des denrées humanitaires pour leurs familles.
La zone d’al-Mawasi est un camp de tentes de fortune où des milliers de Palestiniens épuisés vivent dans des conditions sordides, dans des champs agricoles éparpillés et sur des chemins de terre gorgés d’eau. Leur nombre a augmenté ces derniers jours, les gens fuyant l’incursion militaire israélienne dans les zones voisines du sud de la bande de Gaza.
Israël a étendu son opération terrestre ces derniers jours, cherchant à détruire le Hamas, le groupe terroriste palestinien qui contrôle la bande de Gaza. Israël a déclaré la guerre au Hamas le 7 octobre, après que 3 000 terroristes dirigés par le Hamas ont franchi la barrière frontalière et massacré 1 200 personnes dans le sud d’Israël, la plupart d’entre elles étant des civils massacrés dans leurs maisons et lors d’un festival de musique en plein air, nombre d’entre elles ayant été exécutées et certaines brûlées et violées. Les terroristes ont enlevé plus de 240 otages, dont au moins 138 sont toujours détenus à Gaza.
Située dans le sud-ouest de la bande de Gaza, sur une superficie d’environ 20 kilomètres carrés, al-Mawasi se trouve au cœur d’un débat animé entre Israël et les organisations humanitaires internationales au sujet de la sécurité des civils du territoire.
Israël a proposé al-Mawasi comme solution pour protéger les personnes déracinées de leurs maisons et cherchant à se mettre à l’abri des violents combats entre ses troupes et les terroristes du Hamas.
Les Nations unies et les ONG affirment qu’al-Mawasi est une tentative mal planifiée d’imposer une solution aux personnes qui ont été déplacées, et elles doutent de la garantie de sûreté, car des frappes aériennes israéliennes auraient ciblé d’autres zones où des civils palestiniens s’étaient abrités. Tsahal a appelé la population civile gazaouie à se diriger vers al-Mawasi et d’autres « abris reconnus » dans la bande, qu’elle affirme ne pas cibler.

« Comment une zone peut-elle être sûre dans une zone de guerre si elle n’est décidée unilatéralement que par une partie du conflit ? », a fait remarquer Philippe Lazzarini, commissaire général de l’Office controversé de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). « Cela ne peut que favoriser le sentiment fallacieux qu’elle sera sûre. »
L’UNRWA et d’autres organisations d’aide internationale ne reconnaissent pas le camp et n’y fournissent pas de services.
Israël a affirmé que le groupe terroriste palestinien du Hamas a tiré des roquettes depuis la zone d’al-Mawasi, en utilisant la couverture des réfugiés qui s’y trouvent.
La zone n’a ni eau courante ni sanitaires, l’assistance et les groupes humanitaires internationaux sont absents, sans compter que les tentes n’offrent que peu de protection contre le temps frais et pluvieux de l’hiver qui commence.
« Il fait très froid et il n’y a pas de produits de première nécessité », a déploré Moneer Nabrees, qui a fui la ville de Gaza avec une trentaine de membres de sa famille. Il est arrivé récemment à al-Mawasi et vit maintenant dans une tente en nylon avec des membres de sa famille déplacés. « Il y a des files d’attente pour tout, même pour obtenir de l’eau potable », a-t-il affirmé.
Certains n’ont même pas assez de matériaux pour construire une tente.
« La nuit, nous sommes gelés », a rapporté Saada Hothut, une mère de quatre enfants de la ville de Gaza qui a dû affronter une nuit de plus avec peu de protection contre Mère Nature.
« Nous nous sommes couverts avec du plastique. »

Pourtant, al-Mawasi est sur le point de jouer un rôle de plus en plus important dans la protection des civils de Gaza, ce que les alliés d’Israël l’ont imploré de faire alors qu’il tente d’éradiquer le Hamas.
Environ trois quarts des 2,3 millions d’habitants du territoire ont été déplacés, parfois plusieurs fois, depuis qu’Israël a lancé sa guerre en réponse aux massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël. Plus de 17 000 personnes serait mortes. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. Selon les estimations de l’armée israélienne, 5 000 membres du Hamas auraient été tués dans la bande de Gaza, auxquels s’ajoutent plus de 1 000 terroristes tués en Israël lors de l’assaut du 7 octobre.
Des centaines de milliers de personnes se sont déplacées du nord vers le sud de la bande de Gaza après l’entrée des troupes terrestres israéliennes dans la région. Aujourd’hui, alors qu’Israël élargit son incursion vers le sud, des dizaines de milliers de personnes se retrouvent à nouveau en mouvement – avec peu d’endroits sûrs où aller.
Israël avait mentionné pour la première fois al-Mawasi comme zone humanitaire à la fin du mois d’octobre. Le nombre de personnes qu’Israël estime pouvoir y vivre n’est pas connu, et le pays accuse les Nations unies d’être à l’origine des mauvaises conditions de vie.
Le colonel Elad Goren, haut responsable du COGAT (Coordinateur des activités gouvernementales dans les Territoires palestiniens), a annoncé qu’Israël avait autorisé l’entrée d’abris temporaires et d’équipements d’hiver.
« En fin de compte, il s’agit de biens de l’ONU. Il en va de leur responsabilité de collecter les biens et de les distribuer à la population », a-t-il affirmé.
Il a précisé qu’Israël ne s’attend pas à ce que toute la population de Gaza s’entasse à al-Mawasi et qu’il existe 150 autres « zones de refuge », dont des écoles et des dispensaires médicaux, qui sont coordonnées avec l’ONU et d’autres organisations. Mais l’armée considère al-Mawasi comme une zone de sécurité permanente. Il a noté que l’armée n’a pas répondu à deux tirs de roquettes du Hamas depuis al-Mawasi mercredi.
« Nous comprenons que la population a besoin d’une solution pour savoir où se réfugier. Nous voulons encourager la population à se rendre dans cette zone où l’aide sera distribuée », a-t-il déclaré.

Mais les responsables de l’aide internationale ont prévenu qu’Israël n’avait rien fait pour créer une véritable zone sécurisée. Les États-Unis, le plus proche allié d’Israël, ont déclaré à maintes reprises que les civils palestiniens avaient besoin de plus de protection.
Une déclaration commune signée le mois dernier par les dirigeants de certains des plus grands groupes humanitaires du monde, y compris les principales agences des Nations unies, Care International, Mercy Corps et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a affirmé que la région ne pouvait pas fonctionner comme une zone sécurisée tant que toutes les parties ne s’engageaient pas à s’abstenir de se battre dans cette zone. Elle a également exigé des provisions de nourriture et d’eau et des garanties que les gens seront autorisés à rentrer chez eux dès que possible.
À al-Mawasi, il y a peu de signes que tout cela se produise, du moins d’une manière susceptible de convenir à des centaines de milliers de personnes.
« Si les conditions ne sont pas réunies, la concentration de civils dans de telles zones dans le contexte de combats actifs peut augmenter le risque d’attaques et de préjudices supplémentaires », indique le communiqué du 16 novembre des groupes humanitaires.
Jeudi, un certain nombre de groupes humanitaires internationaux ont condamné les appels d’Israël à ce que les Palestiniens déplacés se dirigent vers al-Mawasi, le décrivant comme inadapté.
« Soixante-dix pour cent de la surface de cette zone est déserte », a déclaré Danila Zizi, du bureau de Handicap International dans les Territoires palestiniens. « Il n’y a pas de services, il n’y a pas d’écoles, il n’y a pas de services de santé. Il n’y a rien. »
Au lieu de cela, les gens se débrouillent par eux-mêmes. Beaucoup dorment dans leur voiture ou montent leur propre tente. Comme presque partout à Gaza, l’aide n’est pas suffisante pour tout le monde et beaucoup sont obligés d’acheter leur propre nourriture, leur eau et leur bois pour se chauffer.
Alors qu’Israël a intensifié son opération terrestre ces derniers jours, le nombre de personnes déplacées se dirigeant vers cette zone côtière a fortement augmenté. Beaucoup ont fui la ville voisine de Khan Younès et d’autres zones du sud qui sont devenues des lignes de front du conflit. Khan Younès est un bastion du Hamas où Israël pense que des dirigeants du groupe terroriste palestinien pourraient se cacher et où des otages pourraient être détenus.

Bien qu’elle ait été déclarée zone humanitaire, rien à al-Mawasi n’est donné gratuitement et un marché noir s’est développé. De nombreuses denrées alimentaires de première nécessité coûtent 13 ou 14 fois plus cher qu’avant le 7 octobre.
Comme aucune aide alimentaire n’arrive, les gens sont obligés de se débrouiller et d’acheter ce qu’ils trouvent. Il reste surtout des conserves comme le thon, mais aussi du riz et des tomates que les gens font cuire sur le feu dans le camp.
Les tentes doivent être intégralement construites, ce qui représente un coût. Les familles déplacées doivent acheter du bois et du nylon, puis assembler leur nouvelle « maison ». Celles qui n’ont pas d’argent espèrent que l’UNRWA et d’autres organisations apporteront de l’aide.
Les résidents disent que l’un des aspects les plus humiliants de la vie est le manque d’intimité et le manque d’hygiène. Il n’y a pas de sanitaires, alors les gens font leurs besoins là où ils le peuvent. Certains quittent le camp et se rendent dans les hôpitaux voisins pour utiliser leurs commodités.
Les tentes ne seront pas d’un grand secours pendant les mois d’hiver à venir, où les températures peuvent descendre jusqu’à 10 °C.