Otages : les familles craignent que le projet d’accord n’abandonne une grande partie des leurs
Suite aux rumeurs d'une liste du Hamas de 34 otages libérables lors d'une trêve, les proches de Netanyahu le pressent de conclure un accord pour faire libérer les 100 otages
Le forum sous la bannière de laquelle se battent les proches de la grande majorité des 100 derniers otages de Gaza a demandé lundi au gouvernement du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, de conclure un accord global permettant la libération de leurs proches et de de renoncer au projet actuel négocié par Jérusalem, en vertu duquel seul un tiers des otages retrouveraient la liberté dans le cadre d’un cessez-le-feu temporaire.
Le Forum des otages a donc tenu une conférence de presse à Tel Aviv avec quatre proches d’otages de Gaza, suite à des rumeurs faisant état de l’accord du Hamas sur une liste de 34 otages libérables sous peu.
Plus tôt lundi, un média saoudien avait en effet publié ce qu’il a présenté comme étant le nom des otages figurant sur cette liste, et que le cabinet de Netanyahu a ensuite relié à une liste issue des précédents cycles de négociations.
Un haut responsable du Hamas a déclaré dimanche à l’AFP que le Hamas avait besoin d’une « semaine de répit » pour retrouver tous les otages et s’assurer de leur état de santé.
Lundi toujours, le porte-parole de Netanyahu a rejeté cette demande, affirmant que l’organisation terroriste savait pertinemment où elle en était vis-à-vis des otages.
Le haut-responsable du Hamas a maintenu que le groupe avait besoin de temps « pour communiquer avec les ravisseurs et savoir qui était vivants et qui était mort », et que « le Hamas avait accepté de libérer 34 captifs, vivants ou morts ».
Israël tente d’obtenir la libération du plus grand nombre possible d’otages en vie et le Hamas d’en garder le plus possible dans la mesure où Israël pour se prémunir contre la reprise des frappes israéliennes à l’issue du cessez-le-feu temporaire. Selon les services de renseignement israéliens, la moitié des otages seraient encore en vie.
L’accord en cours de discussion pourrait prévoir une trêve de l’ordre de six à sept semaines et permettre la libération des femmes, des personnes âgées et des blessés en échange de centaines de prisonniers de sécurité palestiniens et d’un retrait partiel de Tsahal de Gaza.
Les services de Netanyahu évoquent une préférence pour un cessez-le-feu temporaire, le Premier ministre estimant que la fin des combats et l’échange de tous les otages contre des prisonniers de sécurité permettrait au Hamas de reprendre le contrôle de la bande de Gaza. Plusieurs sondages montrent que l’opinion publique israélienne rejette, dans sa grande majorité, l’approche de Netanyahu.
Une grande partie de la haute-hiérarchie des services de défense et de sécurité israéliens sont d’avis que la stratégie militaire de Netanyahu est dépourvue de toute solution de sortie, dans la mesure où il refuse toute alternative au Hamas, ce qui a d’ores et déjà permis au groupe terroriste de revenir dans des zones dans lesquelles Tsahal avait fait porter son effort.
A l’instar de la communauté internationale, ils souhaitent que l’Autorité palestinienne, qui jouit de pouvoirs gouvernementaux limités sur certaines parties de la Cisjordanie, prenne pied à Gaza pour y succéder au Hamas.
Netanyahu ne veut pas en entendre parler, car il assimile l’Autorité palestinienne – favorable à la solution à deux États – au Hamas. Ses partenaires de coalition d’extrême droite sont eux aussi favorables à la fin de l’Autorité palestinienne et il est fort probable qu’ils menaceraient de faire tomber le gouvernement s’il était envisagé de renforcer Ramallah.
La haute-hiérarchie des services de défense et de sécurité israéliens est par ailleurs favorable à un accord global sur les otages : elle estime en effet que l’armée israélienne pourra toujours revenir à Gaza en cas de besoin et que le fait de laisser les 2/3 des otages en captivité, dans le cadre d’un accord temporaire, équivaudrait sans doute pour eux à une sentence de mort.
Cet argument a été repris lors de la conférence de presse du Forum des otages, lundi, à Tel Aviv.
Le frère de l’otage Nimrod Cohen, Yotam, a déclaré que les Israéliens avaient appris ce matin-là que leur gouvernement avait dressé une « liste de Schindler » de 34 otages qui « pourraient à nouveau embrasser leurs proches, alors que pour 68 autres, le sort en serait jeté ».
« Mon frère Nimrod et les autres luttent pour rester en vie. Personne n’a le droit de les laisser souffrir ainsi ; on ne devrait pas avoir à choisir qui va vivre ou qui va mourir », a dit Cohen.
« Nous sommes tous des êtres vivants. Il est hors de question de se demander quelle vie a plus d’importance que les autres », a-t-il ajouté. « Tous les otages doivent être libérés. »
Cohen a ajouté que l’accord actuellement en discussion aurait pu être mis en œuvre il y a de cela des mois, mais que « le gouvernement israélien continue de refuser de faire ce qu’il faut pour sauver ses concitoyens ».
En effet, l’accord en cours de discussion est sensiblement le même que la première phase du projet d’accord en trois étapes proposé par Israël a en mai dernier.
Selon des responsables arabes et américains qui se sont confiés au Times of Israel, Netanyahu y aurait par la suite ajouté des conditions concernant le retrait d’Israël de la bande de Gaza, ce qui aurait mis fin aux pourparlers. Toutefois, le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a redit ce week-end que le Hamas avait, à plusieurs reprises, fait échouer les négociations.
Blinken a par ailleurs laissé entendre que son administration n’avait pas souhaité reprocher officiellement à Netanyahu de s’être opposé à un accord, alors même que c’était le cas, de crainte que cela n’encourage le Hamas à durcir ses positions.
Le cessez-le-feu que les médiateurs américains, qataris et égyptiens tentent de faire conclure s’articule toujours autour de trois étapes, mais cette fois, Israël est moins opposé à l’idée que les deuxième et troisième phases ne succèdent pas immédiatement à la première.
Le Hamas a exigé des médiateurs que la première phase soit effectivement liée aux suivantes, dans sa recherche d’un cessez-le-feu permanent. Le Qatar a accueilli des délégations israéliennes et du Hamas ce week-end, sans succès notable à ce jour.
« Netanyahu s’accroche à un accord partiel qui condamne les otages restants à une mort certaine des plus effroyables », a déclaré Cohen lors de la conférence de presse.
« Mon frère Nimrod, tout comme les soldats hommes kidnappés dans le cadre de leurs fonctions, sans oublier les jeunes hommes du festival de musique Nova qui ont pourtant sauvé tellement de monde avant leur capture, mourront dans les tunnels [du Hamas]. »
« Le gouvernement israélien n’est pas habilité, pas plus qu’il n’a le droit légal ou moral, de choisir qui doit vivre et qui doit mourir », a ajouté Cohen.
Yaron Or, dont le fils Avinatan Or, 30 ans, a été enlevé par des terroristes du Hamas lors de la rave Nova, le 7 octobre 2023, s’est adressé à son fils pour lui dire que le gouvernement l’avait abandonné, car les pères, jeunes hommes et soldats ne sont pas prioritaires sur la liste des otages en cours d’examen.
« Il n’y aura pas d’autre accord », s’est écrié Or. « Soit ils reviennent tous maintenant, soit le Hamas va continuer de jouer avec nos nerfs des années durant, comme ils le font avec Hadar Goldin et d’autres. »
Goldin est cet officier de Tsahal mort au combat lors de l’opération Bordure protectrice en 2014, et dont la dépouille est détenue par le Hamas à Gaza depuis cette époque.
En larmes, sa soeur, Ayelet Goldin a supplié le gouvernement de faire enfin quelque chose pour les otages et de ne surtout pas choisir parmi les 100 derniers otages lesquels auront le droit de retrouver la liberté.
« Cela fait 3 811 jours », a rappelé Goldin en comptant depuis le 1er août 2014, date à laquelle son frère a été abattu et kidnappé par des terroristes du Hamas à Gaza.
« C’est un moment charnière. Comprenez qu’il y a là un seul objectif ici – juif, israélien, international – qui tient à la libération de tous les otages. Il faut profiter de cette opportunité. Sinon, les otages restants seront les nouveaux Ron Arad et Hadar Goldin », allusion à son frère et à Arad, pilote de Tsahal toujours porté disparu depuis sa capture en Syrie en 1986.
« Cela fait dix ans que je me bats, pour le droit de mon frère Hadar d’être inhumé en Israël… Nous disons depuis une dizaine d’années que ceux qui abandonnent les morts abandonneront un jour les vivants. Si l’on ne saisit pas cette opportunité historique, alors nous serons tous de possibles Hadar Goldin… Regardez-moi, cela fait 3 800 jours que je tire le signal d’alarme. »
Meirav Leshem Gonen, dont la fille Romi Gonen a été capturée par des terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 lors de la rave Nova, a demandé au gouvernement israélien et au président élu des États-Unis, Donald Trump, de faire en sorte que tout accord potentiel sur les otages inclue bien les 100 derniers otages encore aux mains de Gaza.
S’exprimant en anglais lors d’une conférence de presse au siège du Forum des otages à Tel Aviv, Leshem Gonen a dit à l’adresse de Trump : « Vous êtes le dirigeant le plus puissant du monde… Assurez-vous que tous les otages soient libérés, du premier au dernier. S’il vous plaît, n’abandonnez aucun otage, faites en sorte que tous rentrent chez eux. »
Le Forum des familles d’otages a publié lundi sur X la liste des 100 otages détenus à Gaza, avec le commentaire : « La véritable liste des otages humanitaires enfin révélée ».
100 חטופים.
100 שמות.
כולם הומניטריים. #עדהחטוףהאחרון#מחזיריםאותםהביתהעכשיו#הגיעהזמן#אתכולםעכשיו pic.twitter.com/8Ec53xe9sA— מטה המשפחות להחזרת החטופים והנעדרים (@BringThemHome23) January 6, 2025
Lundi, Trump avait réitéré sa menace d’un « déchaînement infernal » si les otages n’étaient pas libérés d’ici sa prise de fonctions le 20 janvier prochain.
Lors d’une interview radio avec l’animateur conservateur Hugh Hewitt, questionné sur le sens profond de ces menaces, le président élu a refusé de donner plus de détails, se bornant à dire : « Cela veut dire exactement ce que cela veut dire, à savoir que si les otages ne sont pas libérés au moment où j’arrive au pouvoir, il faudra en payer le prix – et il sera élevé. »
« Je n’ai pas besoin d’en dire plus… Mais je ne me contenterai pas de dire ‘Ne faites pas ça’, vous voyez », a-t-il ajouté, en guise d’allusion à la mise en garde du président américain Joe Biden, le 10 octobre 2023, dans un discours promettant de soutenir Israël suite aux atrocités commises par le Hamas le 7 octobre.
« Le prix à payer sera très élevé », a-t-il répété, « Les otages doivent être libérés, ils doivent être libérés immédiatement. »
Lors de la même interview, Trump a déclaré : « Je suis avec Israël. Je crois que c’est évident pour tout le monde… Je suis que aussi pour la paix. L’heure a sonné. Ce combat dure depuis longtemps, bien plus longtemps que ce que l’on pense. »