L’ex-chef de l’armée de l’air, inquiet, condamne l’attitude des réservistes
Pour Eliezer Shkedi, il faut arrêter le processus législatif et trouver un compromis pour empêcher une rupture fatale dans la société

Un ex-commandant de l’armée de l’air israélienne a dénoncé l’attitude de certains réservistes ayant menacé de ne pas faire leur période de réserve, tout en affirmant que la réforme judiciaire devait être stoppée net.
Dans une longue interview accordée lundi à la Douzième chaine, le major-général Eliezer Shkedi a déclaré que le refus de service en signe de protestation contre le gouvernement établissait un « précédent dangereux » susceptible de mener le pays à la catastrophe.
Il a également demandé au gouvernement de mettre fin au sprint législatif sur la réforme judiciaire et de rechercher le compromis avec l’opposition, mettant en garde contre des conséquences « folles » et un « véritable chaos juridique » en l’absence d’accord.
Cette semaine, 37 des 40 pilotes d’un escadron de combat de l’armée de l’air israélienne ont annoncé leur intention de ne pas effectuer leur entraînement en signe de mécontentement envers la réforme, a déclaré une source militaire.
Il s’agit des opposants les plus en vue au sein de Tsahal, où de plus en plus d’unités – voire certaines unités d’élite – menacent de désobéir, en signe de protestation contre les projets du gouvernement qui, selon les critiques, nuisent à la démocratie, à l’économie et à la sécurité d’Israël.
À la question de savoir si ces pilotes effectueraient des missions importantes comme des frappes en Syrie ou en Iran, Shkedi a répondu sans hésiter.
« Il n’y a aucun risque qu’ils ne le fassent pas », a-t-il affirmé.

« Il y a deux questions centrales », a déclaré Shkedi.
« Premièrement, le projet de loi doit être stoppé et un compromis doit être trouvé. C’est indispensable. Immédiatement, demain, aujourd’hui. Et deuxièmement, je pense qu’en ce moment, il ne faut pas menacer de désobéir. Parce que cela fait le jeu de l’ennemi », a-t-il ajouté.
Il a mis en garde contre le scénario « insensé » où aucun compromis ne serait trouvé et où la réforme judiciaire serait adoptée par la Knesset avant d’être invalidée par la Cour suprême, plongeant le pays dans le « chaos ».
« La population, et les dirigeants d’organisations, devraient décider ce qu’ils vont faire », a-t-il précisé.

« Qui sait ce qui adviendra si nous nous retrouvons dans ce chaos juridique. Je n’ai jamais connu de situation où le commandant de l’armée de l’air, le chef d’état-major, le chef du Mossad ou le chef de la police doivent décider s’ils obéissent à l’exécutif ou au judiciaire », a-t-il ajouté.
En pareille situation, a-t-il assuré, « si j’étais à la tête de l’armée de l’air, je ne pourrais pas ignorer une décision de justice ».
« Je préfère ne pas imaginer ce qui pourrait arriver. Si quelqu’un veut se faire une idée, qu’il pense à ce qui s’est passé au moment de la destruction du Second Temple, à ce qui s’est passé à Jérusalem. »
La période du Second Temple s’est terminée avec la destruction du Temple de Jérusalem en l’an 70 de l’ère commune, au cours d’une période de violentes luttes intestines entre factions israélites qui ont entravé leurs capacités à se défendre contre les envahisseurs romains.
« Je suis persuadé qu’il pourrait se produire quelque chose que personne ne veut imaginer », a ajouté Shkedi.
« Je ne veux pas en dire plus, parce que cela me choque rien que d’y penser. »

Il a balayé d’un revers de main les comparaisons esquissées avec le retrait unilatéral de la bande de Gaza, en 2005, auquel s’était opposée une partie de la société, mais qui était accepté par les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
« Ce n’est pas du tout la même situation », a-t-il assuré.
Shkedi n’a ni confirmé ni nié avoir eu des consultations avec l’actuel commandant de l’armée de l’air, Tomer Bar.
Mais Bar devrait faire pression sur les plus hauts échelons militaires et politiques pour indiquer clairement « qu’il est inquiet », a conseillé Shkedi.
« Après tout, a-t-il ajouté, personne n’est tranquille en ce moment. Même le Premier ministre n’est pas serein. Il comprend que c’est une affaire des plus sérieuses et en même temps, complètement folle. »
Shkedi est l’un des 10 anciens commandants de l’armée de l’air signataires d’une lettre adressée à Netanyahu et au ministre de la Défense, Yoav Gallant, cette semaine, exprimant leur inquiétude face aux pressions du gouvernement en matière de réforme judiciaire.
« En raison de notre profonde connaissance du caractère central et spécial de l’armée [de l’air] dans la sécurité du pays, dont vous n’ignorez rien, nous craignons les conséquences de ces processus et les dangers qu’ils constituent pour la sécurité de l’État d’Israël », explique la lettre.
Le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, doit s’entretenir avec des pilotes, officiers et autres réservistes de l’armée de l’air, cette semaine, pour évoquer le refus de certains d’effectuer leur période de réserve.
Halevi a mis en garde Netanyahu contre le risque de laisser les manifestations se frayer un chemin au sein de l’armée, ce qui pourrait obérer ses capacités opérationnelles.