L’exploitation du champ de gaz Leviathan fera d’Israël une puissance énergétique
L'afflux de carburant devrait apporter une autonomie énergétique et permettre des exportations, mais aussi une baisse des prix et des préoccupations environnementales
Le gaz naturel devrait commencer à affluer du gigantesque champ de Leviathan situé au large des rives israéliennes, un jour ou l’autre – un tournant économique pour le pays qui ouvrira la voie à « l’indépendance énergétique », à des exportations et à des liens plus forts entre Israël et ses voisins.
La production commerciale de gaz naturel dans le champ gazier devrait commencer avant la fin de l’année sur le marché local et les exportations débuter peu après.
Lundi, le ministre de l’Energie Yuval Steinitz a signé des permis d’exportation de gaz à l’Egypte, a fait savoir le ministère dans un communiqué. « C’est un tournant historique pour l’Etat d’Israël », a commenté Steinitz.
Avec l’afflux du gaz, « Israël atteindra un niveau d’indépendance énergétique et deviendra exportateur de gaz », avait déclaré George Hatfield, vice-président des projets majeurs au sein de Noble Energy, lors d’une conférence énergétique organisée au début du mois à Tel Aviv, au moment où les partenaires de Leviathan ont confirmé que l’approvisionnement commercial commencerait « d’ici deux ou trois semaines ».
« Ce sont des moments excitants pour Israël », avait ajouté Hatfield.
Situé dans la mer Méditerranée, à 125 kilomètres à l’ouest de Haïfa, le champ de Leviathan est formé, selon les estimations, de 22 trillions de pieds-cubes de gaz naturel et de potentiellement un demi-million de barils de pétrole, ont fait savoir les partenaires associés dans l’exploitation du champ gazier.
« Le début de l’exploitation du gaz de Leviathan est un événement significatif pour Israël », a affirmé Terence Klingman, chef des investissements au sein de l’entreprise Heritage Family Office Partners Ltd., qui conseille de riches familles sur leurs investissements. Klingman est également ancien chef de la recherche dans le secteur des ventes de la Psagot Investment House, un investisseur institutionnel.
L’exploitation du gaz aidera à supprimer progressivement les importations de charbon onéreux et polluants, a-t-il noté, et ouvrira la porte aux exportations. Ce qui abaissera les coûts énergétiques, rendra les industries israéliennes plus compétitives et fera entrer des revenus issus de la vente du gaz aux pays voisins, stimulant le compte actuel du pays dans le secteur qui est un important indicateur de la santé de l’économie, a-t-il expliqué.
C’est Noble Energy Inc., entreprise située à Houston, et ses partenaires de Leviathan — notamment Delek Drilling LP, une unité du Delek Group Ltd., et la Ratio Oil Exploration 1992 LP — qui ont découvert le champ, l’un des plus importants en eaux profondes dans le monde entier, en 2010. Il s’agit du plus grand projet à avoir été financé par des capitaux privés au sein de l’Etat juif.
« Leviathan est très important pour Israël car il donne au pays le potentiel de devenir un pays exportateur », explique Simon Henderson, de l’Institut politique du Proche-Orient de Washington, qui travaille dans le cadre du programme Bernstein sur la politique énergétique dans le Golfe.
Noble et ses partenaires ont investi la somme de 3,75 milliards à ce jour dans la première phase du développement du réservoir, ont fait savoir les entreprises. Le champ gazier de Tamar avoisinant – qui est le second le plus important en taille d’Israël et qui appartient également à Noble, à Delek et à la firme israélienne Negev 2, LP — a commencé à produire du gaz en 2013 et approvisionne le pays. Il détient 10 trilliards de pieds-cubes (tcf) de gaz naturel, soit la moitié de la quantité de Leviathan.
Ces deux champs, aux côtés des champs – de taille plus modeste – de Karish et de Tanin dont la production devrait débuter en 2021, sont considérés comme une aubaine pour une nation qui manque traditionnellement de ressources naturelles. Ils offrent également une source stable d’énergie produite localement en provenance de quatre champs différents – ce qui entraîne un approvisionnement plus sûr et qui suffira à répondre pendant des décennies aux besoins d’Israël en électricité.
Selon les données fournies par l’Autorité du gaz naturel, depuis que le gaz naturel de Tamar a commencé à être exploité, le marché israélien a économisé plus de 18 milliards de dollars en faisant la transition du charbon au gaz naturel, qui est à la fois moins cher et plus propre.
La nation commencera également à obtenir des royalties des champs, qui vont augmenter au fil des années une fois les coûts de développement déduits, estime Noam Pincu, analyste chez Psagot Securities Ltd., un investisseur institutionnel israélien.
Il y a quatre puits de production dans le champ Leviathan, avec une profondeur moyenne de cinq kilomètres en-dessous du niveau de la mer, et chacun présente une capacité de production de 300 millions de pieds-cubes par jour, avec une capacité de production totale de 12 milliards de mètres-cubes par an. Ce qui représente le double de la quantité de gaz produite au sein de l’Etat juif aujourd’hui et ce qui sera suffisant pour approvisionner le marché local et laisser un surplus pour les exportations.
« La connexion du champ Leviathan est réellement révolutionnaire pour le marché de l’énergie israélien. C’est le plus important réservoir au large de la côte d’Israël, un réservoir immense même à l’échelle internationale », explique Sarah Hadar, économiste en chef à l’Autorité du gaz naturel du ministère de l’Energie, au cours d’un entretien téléphonique.
La consommation annuelle, au sein de l’Etat juif, en ce qui concerne le gaz naturel, est d’environ 11,3 milliards de mètres-cubes, dit-elle. Le champ de Tamar fournit à lui seul 10 milliards de mètres-cubes sur ce total – ou 92 % du combustible consommé sur le marché local – et Leviathan apportera le reste, avec les excédents qui iront à l’exportation, note-t-elle. La pénurie actuelle en gaz naturel pour la production de l’électricité est gérée par des importations de gaz sous forme liquide.
« Le marché israélien de l’énergie s’appuie sur une seule connexion à la rive de Tamar et cette connexion est la principale source d’énergie pour l’électricité en Israël », ajoute Hader. « Maintenant, nous allons avoir deux connexions depuis les champs gaziers israéliens qui seront reliées au système de transport de gaz naturel et nous en prévoyons trois, à l’avenir, avec les champs de Karish et de Tanin, qui devraient être mis en service en 2021 ».
En 2018, 42 % de la consommation d’énergie totale en Israël provenait du pétrole et des produits pétroliers, 39 % du gaz naturel, 18 % du charbon et 1 % des énergies renouvelables, selon les dernières données diffusées par le ministère de l’Energie. La production d’électricité était assurée par le gaz naturel (64 %); le charbon (30 %); les énergies renouvelables (5 %) et autres (1 %) en 2019, selon ces données.