Israël en guerre - Jour 364

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Peut-on rire de tout ?

L’explosion des bipeurs du Hezbollah alimente les plaisanteries sur les réseaux sociaux

Suite aux attaques imputées à Israël, des Juifs raillent le groupe terroriste libanais ; d'autres rappellent que le judaïsme rejette l'idée de se réjouir de la mort de l'ennemi

Les restes de bipeurs explosés utilisés par le Hezbollah et dont l'attaque a été imputée à Israël dans un lieu non divulgué, sur une photo prise dans la banlieue sud de Beyrouth le 18 septembre 2024. (Crédit : AFP)
Les restes de bipeurs explosés utilisés par le Hezbollah et dont l'attaque a été imputée à Israël dans un lieu non divulgué, sur une photo prise dans la banlieue sud de Beyrouth le 18 septembre 2024. (Crédit : AFP)

JTA – Il y a d’abord eu les explosions. Puis vinrent les plaisanteries.

Quelques minutes après avoir appris que plusieurs éléments du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah avaient été tués et des centaines blessés par l’explosion de leurs bipeurs qui avaient été piégés pour imploser simultanément -une attaque largement attribuée à Israël mais non revendiquée par l’Etat hébreu – des Juifs sur les réseaux sociaux ont partagé des mèmes saluant l’opération et se moquant de ses cibles.

Voici quelques exemples :

Un homme habillé en juif orthodoxe, assis derrière une table sur laquelle on peut lire « Honest Shlomo’s discount pagers » (« Les bipeurs à prix réduit de l’honnête Shlomo »).

Le message d’un bipeur, qui indique « 72 vierges », une référence au concept selon lequel les martyrs musulmans seront récompensés par 72 jeunes filles au paradis. Certains ont attribué le message à « Moti Rola », un faux nom israélien inspiré de la marque Motorola.

Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui reçoit un appel d’un de ses partisans qui se vante d’avoir fait une bonne affaire sur les appareils électroniques.

Et comme les bipeurs se trouvaient manifestement dans les poches des terroristes du Hezbollah, la castration était un thème populaire. Une caricature montre un homme mort du Hezbollah arrivant au paradis pour accueillir ses vierges, qui s’étonnent de l’absence de ses organes génitaux.

Les plaisanteries se sont poursuivies mercredi, avec l’annonce que l’explosion des talkies-walkies avait fait au moins 25 morts supplémentaires au Liban.

« Plus de talkie-walkie. Plus de talkie-walkie », a écrit David Hazony, directeur et membre de l’Institut Z3 pour les priorités juives, sur le réseau social X.

Les mèmes et les blagues sont apparus alors que la guerre se poursuit sur un autre front, à Gaza, que les pourparlers en vue d’un cessez-le-feu et les efforts pour libérer les otages israéliens sont au point mort et qu’Israël est encore sous le choc de la brutale exécution, le mois dernier, de six otages qui semblaient sur le point d’être secourus. Pour certains, l’humour est une soupape de décompression, célébrant ce qui ressemble à une rare et nette « victoire » israélienne dans sa deuxième bataille contre un ennemi qui a tiré des roquettes sur le nord du pays évacué presque quotidiennement depuis le 8 octobre.

Pour d’autres, cependant, ces moqueries dépassent les bornes et violent une éthique juive traditionnelle qui décourage les réjouissances excessives sur la mort de l’ennemi. Le rire est également devenu plus difficile pour certains lorsqu’il est apparu clairement que si ces attaques étaient une opération planifiée de longue date et destinée à cibler des terroristes du Hezbollah, d’autres personnes avaient été blessées, et des enfants tués.

Parfois, les deux sentiments sont ressentis simultanément. Pour le rabbin Ariel Rackovsky, de la Congrégation Shaare Tefilla, une synagogue orthodoxe de Dallas, les mèmes étaient à la fois humoristiques et troublants.

« Honnêtement, je les ai trouvés hilarants », a-t-il déclaré lors d’une interview.

« Du point de vue de la tradition juive, il est certain que pour les Israéliens, se livrer à l’humour noir est clairement un moyen légitime de gérer le stress. »

Il a cité des rabbins, notamment le pionnier de la mouvance Modern Orthodox du 19e siècle Raphael Samson Hirsch et Daniel Z. Feldman, grand rabbin du séminaire rabbinique de la Yeshiva University, qui ont déclaré que l’humour est une réponse appropriée au stress.

« Mais en même temps, après cette réaction peut-être initiale, je pense que cela vaut la peine d’être un peu plus circonspect », a poursuivi Rackovsky, qui a fait part de son ambivalence sur Facebook.

« Après tout, notre tradition nous enseigne qu’il ne faut pas se réjouir excessivement de la chute de nos ennemis. »

L’émotion qu’il a exprimée dans son message sur Facebook est la « gratitude » à l’égard de Dieu pour le succès de l’opération. « Nous devrions absolument être reconnaissants envers Dieu, mais peut-être ne pas distribuer de bonbons, et pas seulement parce que ce n’est pas très bien vu », a-t-il déclaré.

Rackovsky faisait probablement référence à une autre vidéo largement partagée, montrant des Israéliens distribuant des bonbons à Jérusalem après l’opération au Liban – un geste souvent rapporté dans les communautés arabes après des attaques terroristes en Israël. En réponse à cette vidéo, Ori Riddleman, un utilisateur de X comptant 8 500 abonnés, a demandé en hébreu : « Quand a-t-on commencé à imiter le comportement des groupes terroristes ? »

À cette question comme pour d’autres, le judaïsme a de multiples perspectives, comme l’a souligné sur X le rabbin Josh Yuter, un rabbin orthodoxe basé en Israël. Il est intervenu dans le débat sur les mèmes en reprenant un fil Twitter vieux de quatre ans, faisant référence à un certain nombre de sources contradictoires, allant d’un avertissement dans les Proverbes (« Si ton ennemi tombe, ne te réjouis pas… ») à une apparente approbation dans les Psaumes (« L’homme juste se réjouira lorsqu’il verra la vengeance… »).

« Je rappelle à tous que des perspectives contradictoires concernant la réjouissance de la chute de ses ennemis sont attestées dans la littérature rabbinique, certaines sources étant délibérément mal interprétées », a ajouté Yuter mercredi.

Sara Yael Hirschhorn, une historienne qui écrit beaucoup sur Israël, a replacé l’opération et les réactions dans le contexte des militants anti-Israël et des organismes de défense des droits de l’homme qui justifient les attaques des groupes terroristes palestinien du Hamas et chiite libanais du Hezbollah contre les civils israéliens en les qualifiant de « résistance [lutte armée, terrorisme] ».

« Je ne me réjouis pas de la mort, mais si la ‘moralité’ occidentale a maintenant décidé que les terroristes peuvent tuer des Juifs/Israéliens au nom de la « résistance » mais ne pas être tués par des acteurs étatiques en tant que groupes terroristes internationalement reconnus, où en sommes-nous à la fois en tant qu’univers éthique et système international ? !! » a-t-elle écrit sur X.

Le débat sur les réjouissances semble avoir coûté son emploi à au moins un utilisateur de X. Howard Feldman, qui écrivait sur la politique locale pour News24, un service d’information d’Afrique du Sud, a publié un message sur le réseau social mardi, qualifiant les attaques de « géniales » et de « très cool » pour leur précision. Il a également plaisanté en disant : « Du foie au genou… », une référence au slogan nationaliste palestinien « De la rivière à la mer » – souvent considéré comme un appel à l’épuration ethnique.

Quelques heures plus tard, il a posté une lettre du rédacteur en chef de News24 mettant fin à sa chronique et expliquant que « News 24 ne peut en aucun cas être associé à des auteurs qui glorifient la violence, ce que vous avez fait à mon avis ».

« Et juste comme ça, @News24 m’a montré qui ils sont… », a répondu Feldman.

L’humour noir est un aspect essentiel de la société israélienne et des blagues « malsaines » ont surgi sur les réseaux sociaux israéliens même dans les semaines qui ont suivi le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël. À la télévision, sur YouTube et sur les réseaux sociaux, les Israéliens ont partagé des blagues sur leurs propres peurs, sur ce qu’ils considéraient comme une guerre de propagande contre Israël et les Juifs et sur les échecs de leur propre gouvernement.

Et pourtant, peu de cet humour concernait directement la guerre à Gaza ou les conditions sinistres sur le terrain, a noté Benji Lovitt, un humoriste basé à Jérusalem qui a co-écrit un livre sur le sionisme et la culture israélienne.

Image non datée d’un bipeur Apollo, semblable à ceux qui ont explosé le 17 septembre 2024 dans plusieurs villes du Liban et de la Syrie, lors d’une attaque sans précédent contre les terroristes du Hezbollah, largement imputée à Israël. (Crédit : Balkis Press/ABACAPRESS.COM/Reuters)

« Je n’ai pas vu beaucoup d’humour sur Gaza parce que c’est la guerre, que beaucoup de gens à Gaza sont morts et que beaucoup d’autres souffrent », a-t-il souligné.

« Peu importe qui vous voulez blâmer, mais il n’est jamais question de dénigrer les Gazaouis ou se moquer d’eux. »

En revanche, a-t-il affirmé, le Hezbollah lance des missiles sur Israël depuis onze mois, et les attaques électroniques sont considérées comme ciblant, de façon chirurgicale, ses éléments terroristes et réfutant les critiques selon lesquelles les bombardements d’Israël à Gaza ont été réalisés sans discernement..

« Nous rions parce que nous pensons qu’il s’agit d’un exemple clair de ‘coups de poing’ », a déclaré Lovitt.

« Et c’est une histoire étonnante. Je pense que les gens rient parce qu’ils célèbrent l’innovation israélienne. Et l’année a été difficile. Les gens ont besoin de rire. »

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