L’extrémiste juif reconnu coupable de l’attaque meurtrière de Duma de 2015
Amiram Ben-Uliel a également été reconnu coupable de deux chefs d'accusation de tentative de meurtre et de deux chefs d'incendie volontaire
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

La cour de district de Lod a reconnu coupable de meurtre le principal suspect d’une attaque terroriste à la bombe incendiaire commise contre une habitation palestinienne. Trois membres d’une famille se trouvaient dans le logement à ce moment-là, en train de dormir.
En plus de ces trois meurtres, Amiram Ben-Uliel a été reconnu coupable de deux chefs d’accusation de tentative de meurtre et de deux autres d’incendie volontaire. Les magistrats ont en revanche rejeté celui d’appartenance à une organisation terroriste.
Les juges ont écrit qu’ils avaient conclu « au-delà du doute raisonnable » que l’homme de 26 ans avait lancé la bombe artisanale dans la maison de la famille Dawabsha située dans le village de Duma, en Cisjordanie, tuant un bébé de 18 mois, Ali, et ses parents Riham et Saad. Ahmad, quatre ans, l’aîné du couple, avait été grièvement blessé.
Amiram Ben-Uliel avait avoué l’attaque à plusieurs occasions pendant ses interrogatoires, menés par des enquêteurs de l’agence sécuritaire du Shin Bet. Certains aveux avaient toutefois été écartés par la Cour en 2018 après la découverte par les juges qu’ils avaient été extorqués soit pendant soit immédiatement après des interrogatoires particulièrement poussés.

Néanmoins, évoquant les aveux retenus par la justice, la cour a déterminé lundi qu’ils avaient « un poids considérable et ils correspondent à ce qui a été découvert dans l’appartement » – avec notamment des détails livrés par l’accusé qui se sont révélés trop précis pour que l’authenticité de la confession puisse être mise en doute.
« C’est un homme intelligent, doté d’une mémoire extraordinaire, d’une énergie puissante et d’une grande force intérieure, qui s’en tient à ses principes et qui n’a pas montré de tendance à vouloir plaire à ceux qui ont été amenés à l’interroger », ont écrit les juges.
« La capacité de l’accusé à se prêter à la reconstitution des faits, en donnant des détails qui n’avaient pas été rendus publics et dont deux étaient encore inconnus pour les enquêteurs : la couleur du véhicule stationné sur les lieux ainsi qu’une description de la fenêtre de la seconde habitation prise pour cible » a été convaincante, ont-ils ajouté.
Évoquant leur décision d’acquitter Amiram Ben-Uliel concernant sa potentielle appartenance à une organisation terroriste, les juges ont écrit qu’il était indubitable que l’acte commis était un attentat. Ils ont toutefois maintenu qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes attestant de ce que l’attaque aurait été menée dans le contexte d’un groupe terroriste, en particulier dans la mesure où l’accusé n’avait jamais été condamné pour d’autres crimes similaires.

« Nous ne pouvons pas exclure la possibilité d’un acte de vengeance motivé par les perceptions racistes défendues par l’accusé, même s’il n’était pas membre d’une infrastructure terroriste organisée », ont continué les juges.
Les avocats de la défense avaient clamé, pour leur part, que les méthodes d’interrogatoire utilisées par le Shin Bet auraient dû disqualifier tous les aveux de leur client et que ce dernier n’avait admis le crime – même bien après les interrogatoires poussés – que parce qu’il était convaincu qu’il subirait de nouveau les mêmes procédés extrêmes s’il ne reconnaissait pas être l’auteur de l’attaque.
En plus d’affirmer que les confessions de leur client ne correspondaient pas à la réalité des faits, les avocats avaient souligné d’autres manques dans le dossier des procureurs. Ils avaient noté le témoignage apporté par un témoin, à Duma, qui avait raconté qu’il avait vu deux suspects s’enfuir du village après le lancement de la bombe incendiaire dans la maison de la famille Dawabsha.
La police avait également initialement cru qu’il y avait eu deux hommes sur les lieux, mais après avoir échoué à relier directement un autre suspect, plus jeune, aux lieux de l’attentat, elle avait choisi de l’inculper pour complicité tout en maintenant qu’il n’avait pas participé aux faits de manière active.
Le principal enquêteur de la police avait déclaré devant les caméras de la Treizième chaîne, au début de l’année, qu’il pensait toujours que deux individus se trouvaient sur les lieux de l’attentat cette nuit-là. Les avocats de la défense avaient également fait intervenir un graphologue comme témoin qui avait estimé que les graffitis en hébreu retrouvés à l’endroit de l’attaque, « Vengeance » et « Vive le roi messie », avaient été écrits par deux personnes distinctes et qu’ils n’avaient pas pu être l’œuvre d’un seul individu. Des arguments qui avaient été finalement rejetés par la cour.
Lors de la lecture du verdict dans la salle d’audience remplie seulement de moitié de journalistes en raison des règles de distanciation sociale, l’épouse de Ben-Uliel, Orian, a interrompu le juge, criant que le tribunal condamnait « un innocent ».

Le tribunal a programmé une nouvelle audience le 9 juin, en vue de la condamnation d’Amiram Ben-Uliel.
S’exprimant auprès du Times of Israel immédiatement après le jugement, Hussein Dawabsha a expliqué être « satisfait » du verdict et que c’était « une bonne chose que le meurtrier reste derrière les barreaux même si cela ne fera pas revenir » sa fille Riham, son gendre Saad et Ali, son petit-fils qui était âgé de 18 mois.
« Mon petit-fils me demande tous les soirs où se trouve sa mère, où se trouve son père, où se trouve son frère. Le verdict qui a été rendu ne me facilite pas pour autant la réponse à ces questions », a ajouté Hussein Dawabsha qui s’occupe du petit Ahmad depuis l’attentat.
« J’espère que ce jugement aura un effet de dissuasion et qu’il empêchera d’autres terroristes d’attaquer des innocents », a-t-il continué, clamant que les complices dans l’attaque commise à l’encontre de la famille de sa fille étaient toujours en liberté et appelant les autorités à les traduire, eux aussi, en justice.
L’avocat de la famille, de son côté, a dit aux journalistes que s’il était satisfait de la plus grande partie du jugement rendu, il n’était pas d’accord avec la conclusion des juges concernant la non-appartenance d’Amiram Ben-Uliel à une organisation terroriste.
« Les Jeunes des Collines commettent pourtant souvent des attentats », a-t-il soutenu, faisant référence aux jeunes ultra-nationalistes israéliens comme Amiram Ben-Uliel qui dressent des avant-postes sur les collines de Cisjordanie et qui sont connus pour leurs attaques et leurs actes de vandalisme anti-Palestiniens.
S’adressant aux journalistes à l’extérieur de la salle d’audience, l’avocat de la défense, Yitzhak Bam, de l’organisation d’aide juridique Honenu, a déclaré que le verdict n’avait pas été une surprise après le rejet d’appels antérieurs par le tribunal.

« Amiram a été condamné pour un acte qu’il a admis, par pour un acte qu’il a commis. Ses aveux ont été extorqués dans un contexte de grave violation de ses droits, avec notamment des tortures, et nous espérons que la Cour suprême renversera cette décision », a réagi l’avocat, promettant de faire appel.
Selon l’acte d’inculpation, Amiram Ben-Uliel et un complice, un adolescent, avaient programmé de commettre un attentat contre des Palestiniens pour venger une fusillade survenue quelques jours auparavant qui avait entraîné la mort d’un civil israélien, Malachy Rosenfeld.
Lorsque le jeune complice s’est trouvé dans l’incapacité de rejoindre à temps le lieu de rendez-vous fixé par les deux hommes, Amiram Ben-Uliel a alors décidé de perpétrer l’attaque seul, selon l’acte d’inculpation. Il est entré dans le village de Douma et a tagué des messages sur les murs d’une habitation, puis lancé des cocktails Molotov à travers les vitres de deux maisons. La première était vide mais, dans la seconde, tous les membres de la famille Dawabsha s’étaient déjà endormis. Ali Saad Dawabsha, dix-huit mois, avait été brûlé vif ainsi que ses parents, Riham et Saad. Ahmad, quatre ans, avait été grièvement blessé.
Le complice d’Amiram Ben-Uliel – dont le nom est interdit à la publication dans la mesure où il était encore mineur au moment des faits – avait conclu pour sa part, au mois de mai dernier, un arrangement judiciaire avec le bureau du procureur de l’État dans lequel il avait admis avoir planifié l’incendie de la maison de la famille Dawabsha. La mise en examen dressée à son encontre avait été modifiée pour ne plus mentionner la mort de l’enfant et des parents au cours de l’attentat.
Au mois d’octobre, la cour de district de Lod avait estimé qu’il appartenait à une organisation terroriste, rajoutant cette accusation supplémentaire au casier judiciaire de ce jeune homme aujourd’hui âgé de 19 ans.
Approuvé par un juge de la cour de district de Lod, cet arrangement avait vu l’adolescent avouer avoir prévu de commettre un crime motivé par le racisme – un chef d’accusation qui avait été retenu à son encontre au mois de janvier 2016. L’acte de mise en examen avait été corrigé, ne mentionnant plus le meurtre comme crime mais seulement l’incendie volontaire.
Au mois de juillet 2019, le tribunal avait assigné l’accusé à domicile moins de deux mois après avoir écarté plusieurs de ses aveux qui, selon les magistrats, avaient été extorqués dans des conditions extrêmes lors des interrogatoires des enquêteurs des services du Shin Bet.
Les procureurs ont depuis demandé aux juges de ne pas condamner le complice à une peine supérieure à cinq ans et demi de prison, en déduisant de la sentence la période déjà passée derrière les barreaux par l’adolescent – soit environ deux ans et demi.
Son audience de condamnation devrait avoir lieu jeudi.