L’Ukraine proteste contre la loi controversée polonaise sur la Shoah
Le président a dénoncé des dispositions "absolument biaisées et catégoriquement inacceptables"
Le président ukrainien Petro Porochenko a protesté jeudi contre l’adoption en Pologne d’une loi « inacceptable » qui vise à défendre l’image du pays et permet notamment de poursuivre de ceux qui nient les crimes des nationalistes ukrainiens commis entre 1925 et 1950.
« Je suis profondément préoccupé » par la loi votée par le Sénat polonais, a écrit sur sa page Facebook M. Porochenko en dénonçant des dispositions « absolument biaisées et catégoriquement inacceptables ».
Voté dans la nuit de mercredi à jeudi, ce texte controversé a provoqué la colère d’Israël en raison de son volet sur la Shoah, punissant ceux qui attribuent « à la nation ou à l’Etat polonais » des crimes commis par les nazis allemands en Pologne occupée.
Un autre volet permet de poursuivre en justice ceux qui nient les crimes des nationalistes ukrainiens commis entre 1925 et 1950, y compris de ceux qui avaient collaboré avec les nazis.
Le nouveau projet de loi prévoit des sanctions judiciaires pour les individus ou les organisations qui calomnieraient la « nation polonaise » en assignant une responsabilité aux Polonais pour les crimes commis sur leur sol.
L’utilisation des phrases comme « camps de la mort polonais » pour se référer aux sites d’extermination que l’Allemagne nazie avait installés dans la Pologne occupée pendant la guerre ferait encourir trois ans de prison ou une amende aux individus ou aux organisations, selon le projet de loi. Ce dernier a voulu partiellement répondre à des cas, ces dernières années, où les médias étrangers ont utilisé l’expression « camps de la mort polonais » pour qualifier Auschwitz et d’autres camps dirigés par les nazis.
Le projet de législation rend également illégal le fait de « réduire délibérément la responsabilité des ‘vrais coupables’ de ces crimes », en référence au meurtre d’environ 100 000 Polonais par des unités de l’armée des insurgés ukrainiens durant la Seconde Guerre mondiale.
« Les hommes politiques polonais sont en train de franchir les lignes rouges dans les relations avec l’Ukraine », a estimé la présidente de la commission parlementaire pour les Affaires étrangères Ganna Gopko, sur Facebook.
Pour cette députée indépendante pro-occidentale, Varsovie, « une locomotive de la démocratie en Europe de l’Est (…) glisse vers une dictature chauviniste de la politique qui prévaut sur la vérité historique ».
Le parti pro-occidental Front populaire, deuxième groupe au Parlement ukrainien, a pour sa part estimé dans un communiqué que la nouvelle loi créait « une ambiance de tension et d’intimidation pour près d’un million d’Ukrainiens » vivant en Pologne.
En « attisant la haine inter-ethnique », ce texte risque d’ « exacerber la tension dans notre région pour le plaisir de la Russie », a-t-il souligné.