Israël en guerre - Jour 429

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Menachem Begin défendait le réexamen des lois, attaqué aujourd’hui par le Likud

Arye Naor a expliqué que l'ancien leader du Likud avait élaboré les concepts qui sont maintenant défaits par le gouvernement par le biais de son procureur-général, Aharon Barak

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Menachem Begin, alors premier ministre, lors d'un débat à la Knesset le 20 mars 1979. (Crédit : Max Nash/AP)
Menachem Begin, alors premier ministre, lors d'un débat à la Knesset le 20 mars 1979. (Crédit : Max Nash/AP)

L’ancien Premier ministre Menachem Begin était convaincu qu’il n’était nécessaire de garantir que l’action gouvernementale serait soumise au réexamen des juges et il avait même poussé son procureur-général, Aharon Barak, à s’impliquer étroitement dans ce contrôle judiciaire, a déclaré un conseiller de premier plan de l’ancien chef de gouvernement, mardi.

Ces propos qui ont été tenus par l’ancien chef de cabinet Arye Naor illustrent les différences profondes entre le fondateur et leader du parti du Likud et la campagne actuelle visant à réduire les capacités de réexamen judiciaire des lois adoptées à la Knesset et des décisions prises par le gouvernement, et qui vise également à affaiblir les pouvoirs du procureur-général et à donner aux coalitions au pouvoir une mainmise sur presque toutes les nominations des magistrats au sein du pays.

Barak, qui devait ensuite devenir le président de la Cour suprême, est accusé depuis longtemps par la droite israélienne d’avoir décidé d’accorder au système judiciaire la capacité d’exercer un contrôle sur les initiatives prises par la branche législative et par l’exécutif, sans loi l’autorisant à le faire de façon explicite.

Les propositions de réforme du système de la justice controversées qui sont actuellement avancées par le gouvernement – et qui reviendraient sur tout le travail innovant qui avait été réalisé par Barak – ont été présentées suite aux efforts menés par les formations de droite et religieuses face à ce qu’elles considèrent comme des juges outrepassant leur autorité face au gouvernement.

Les opposants à la réforme déclarent, de leur côté, que l’évolution de l’État juif dans l’Histoire – le pays n’est pas doté d’une constitution – a permis et autorisé la mise en place du principe de réexamen judiciaire et qu’un tel principe a une fonction déterminante en tant que seul contre-pouvoir face à une potentielle toute-puissance du législatif et de l’exécutif dans le pays.

Dans un entretien qui a été accordé à la Radio militaire mardi, Naor a insisté sur le fait que l’un des principes fondateurs de gouvernance de Begin était « la suprématie de la loi » et qu’il était convaincu que le système judiciaire devait avoir la responsabilité de garantir que les décisions prises par le gouvernement et que les législations de la Knesset étaient bien conformes aux Lois fondamentales et aux droits de l’Homme.

Arye Naor, le secrétaire de cabinet de Menahem Begin, le 15 septembre 2021. (Crédit : Flash90)

« Si ce groupe particulier de juges estimait qu’une loi violait les Lois fondamentales ou les droits de l’Homme, elle avait l’autorité nécessaire pour l’invalider », a dit Naor, expliquant la philosophie de Begin.

Il a cité un article de 1952 où Begin avait présenté comme principe la définition de « la suprématie de la loi ».

« Begin a vu dans la loi un cadre de principes qui définissait que l’État serait dirigé sur la base de la démocratie et des droits de l’Homme », a commenté Naor, qui a été secrétaire de cabinet de Begin de 1977 à 1982.

Begin, qui avait dirigé les partis qui avaient précurseurs du Likud et le Likud lui-même depuis la fondation de l’État, avait été le premier Premier ministre de droite du pays, servant à partir de 1977 jusqu’à son retrait de la politique, en 1983.

Il est encore salué par les partisans du Likud, les députés et ses leaders pour avoir lutté en faveur de la classe ouvrière d’origine séfarade, sous représentée, et pour lui avoir donné un visage – cette catégorie de la population représente la plus grande part de l’électorat du Likud et c’est en son nom que s’expriment souvent la formation et les autres factions de la coalition quand elles affirment vouloir mettre en œuvre la réforme judiciaire, disant qu’elle permettra à sa voix d’être enfin entendue par le biais de politiques de droite.

Mais Naor, auteur de plusieurs livres, devenu maître de conférences en sciences politiques à l’université Ben Gurion, a expliqué que c’était Begin qui avait cherché à davantage impliquer le procureur-général dans les opérations quotidiennes du gouvernement.

« Avant que Begin n’arrive au pouvoir, le procureur-général ne venait aux réunions du cabinet que lorsqu’il était invité à parler d’une question spécifique et après s’être exprimé, il quittait la pièce », a dit Naor.

« Begin a fait venir le procureur-général dès la toute première réunion du cabinet et après, un siège permanent lui était réservé au cabinet, et Begin lui demandait non seulement de s’impliquer dans les questions juridiques mais il lui demandait également comment il il pouvait percevoir une situation en général », a-t-il continué, ajoutant qu’il « y avait un très large consensus entre Begin et Barak ».

En contraste, le gouvernement actuel du Likud a mis à l’écart la procureure-générale Gali Baharav-Miara et il veut faire adopter un projet de loi qui limitera les pouvoirs de son bureau et qui autorisera les ministères à désigner leurs propres conseillers juridiques s’ils n’apprécient pas l’opinion qui leur a été transmise par la procureure-générale.

Naor a expliqué que c’était Begin qui avait « établi et ancré » l’idée de contrôle judiciaire des actions gouvernementales, ajoutant que Barak s’était saisi de ce principe et qu’il l’avait mis en avant, d’abord en tant que procureur-général et ensuite comme juge à la Cour suprême, dont il devait devenir ultérieurement le président.

L’ancien président à la Cour suprême Aharon Barak dans un entretien télévisé, le 7 janvier 2023. (Capture d’écran : Douzième chaîne)

« Selon Begin, toute action entreprise par le gouvernement devait être légale – si ce n’était pas le cas, alors elle devait être abandonnée – et il pensait la même chose pour la Knesset. Il pensait que quand la Knesset légiférait un texte, ce dernier devait être conforme aux Lois fondamentales et qu’il devait aussi être conforme aux principes des droits de l’Homme », a-t-il déclaré.

La Haute-cour de Justice, la plus haute instance judiciaire d’Israël, est en capacité de réexaminer les décisions prises par le gouvernement et les actions administratives, et ce depuis la création de l’État. Mais le principe d’un réexamen judiciaire plein et entier n’avait été développé qu’après l’adoption de la Loi fondamentale : Dignité humaine et liberté, en 1992. Trois ans plus tard, Barak avait été l’auteur du jugement historique de la Haute cour qui affirmait que les tribunaux étaient en droit d’invalider un projet de loi si celui-ci contredisait les droits mentionnés dans la Loi fondamentale.

Les observateurs estiment que le Likud, qui était autrefois le bastion de la droite modérée, est parti vers l’extrême-droite sous la présidence du Premier ministre Benjamin Netanyahu, amenant au premier plan les politiciens les plus bruyants et reléguant au second rang les modérés – dont le fils de l’ancien Premier ministre, Benny Begin, et l’ancien ministre de la Justice, Dan Meridor.

Le parti a salué le projet de réforme du système israélien de la justice, même si certains de ses principes les plus extrémistes ont été attribués à des demandes émises par les alliés de la coalition sans que le Likud ne les soutienne véritablement.

Dans un long post rempli de colère qui a été publié sur Twitter la semaine dernière, le petit-fils de Begin, Avinadav Begin, s’en est pris au Likud et à son soutien avoué à la limitation drastique du principe de réexamen judiciaire et au renforcement du contrôle exercé sur les juges.

Il a insisté, comme l’a fait Naor, sur le fait que c’était Begin qui avait ancré le réexamen judiciaire et les droits de l’Homme dans la constitution israélienne, et il accusé le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le parti plus largement d’avoir trahi cet héritage.

« La Loi fondamentale : Dignité humaine et liberté est la révolution faite par Menachem Begin ! », a écrit sur Twitter Avinadav Begin, rendant hommage à son grand-père pour avoir posé les fondations de la loi qui avait été adoptée dix jours après sa mort, le 9 mars 1992.

« Tout le monde savait, que ce soit chez lui, lors de ses rencontres régulières, chaque semaine, avec [l’ancien chef de cabinet et ministre de la Justice] Dan Meridor, dans sa retraite et jusqu’à sa mort, que c’était lui qui avait poussé à ancrer ses enseignements dans les fondations de la constitution ; la cour n’a jamais usurpé son autorité, elle lui a été accordée légalement », a-t-il ajouté dans son post. « Le Likud était fier de cela, lisez les documents ! Écoutez les témoignages ! »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu assiste à une réunion de la faction du Likud au Menachem Begin Heritage Center à Jérusalem, le 11 mars 2019. (Yonatan Sindel/Flash90)

Même si la déclaration d’Indépendance de 1948 statuait qu’une constitution serait rédigée et que le pays garantirait toute une gamme de droits sociaux et politiques, les efforts visant à créer cette constitution avaient été abandonnés dans les années 1950. Les Lois fondamentales ont depuis été utilisées comme base de cadre constitutionnel.

La première initiative visant à ancrer les droits de l’Homme et les droits civils fondamentaux dans la loi avait eu lieu en 1964, quand le député Yitzhak Klinghoffer avait présenté un projet de législation intitulé : « Loi Fondamentale : projet de loi des droits de l’Homme fondamentaux », même si le texte n’avait finalement pas abouti.

Un texte similaire appelé Loi fondamentale : Droits de l’Homme et droits civils, qui avait été proposé par le député Benjamin Halevy en 1973, avait été approuvé en première lecture en séance plénière de la Knesset, mais il n’était pas parvenu à aller plus loin.

Cela n’avait été qu’à l’issue d’un processus lancé par Meridor en 1988 et qui avait duré quatre ans – il était alors ministre de la Justice sous Yitzhak Shamir – qu’une législation ancrant les droits de l’Homme et les droits civils en Israël, la « Loi fondamentale : Dignité humaine et liberté », avait été adoptée.

« Aharon Barak était son confident », a écrit Avinadav Begin. « Mon grand-père lui réservait une place à la table du gouvernement en tant que procureur-général ».

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