Mer Morte : Les artistes de la Journée de la Terre réinventent des casernes
10 artistes du monde entier participant à un projet se sont rendus à ces baraquements militaires. Objectif : Magnifier les sites oubliés du pays
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Les casernes jordaniennes croulantes et abandonnées qui sont installées sur les rives de la mer Morte sont devenues les toiles géantes et en béton improbables de 10 artistes spécialistes des fresques murales à l’occasion de la Journée de la Terre, le 22 avril.
Le groupe – des artistes venus d’Argentine, du Paraguay, de Grèce, du Portugal, d’Afrique du Sud, d’Espagne et des États-Unis – a été rassemblé par Craig Dershowitz dans le cadre du projet « Artists 4 Israel ». Cela fait plus de dix ans qu’il fait venir des peintres dans le pays de manière à ce qu’ils magnifient les sites oubliés de l’État juif tout en apprenant à mieux le connaître.
Cette année, les artistes devaient se rendre à proximité de la frontière avec le Liban mais les tensions récentes ont obligé Dershowitz à trouver un nouveau site.
Avec l’aide d’Itay Manor de la Minus 430 Gallery, ils ont pris la direction de la mer Morte, vers les anciennes casernes militaires des Jordaniens qui sont devenues une véritable pollution visuelle pour les visiteurs de Kalia Beach.
La mer Morte est installée entre Israël à l’Est et la Jordanie à l’Ouest, et sa rive, au Nord-Ouest, était un territoire militaire disputé avant la Guerre des Six Jours – Israël en a finalement pris le contrôle à ce moment-là.
L’armée jordanienne avait laissé derrière elle des baraquements prisés par les graffeurs de tous les styles, avec des inscriptions laissées par les Palestiniens vivant à Jéricho, une ville située à proximité, ou par les Israéliens issus des kibboutz voisins.

« Ces baraques sont aujourd’hui devenues des toiles pour nos artistes », a commenté Dershowitz. « Nous allons transformer ce site en l’une des plus grandes galeries d’art en plein air du monde ».
Les artistes ont passé la journée à explorer la mer Morte et à échanger avec les résidents habitant le kibboutz Kalia, situé à proximité, et avec « tout ceux que nous avons pu rencontrer », a ajouté Dershowitz. « Des touristes, des étrangers… Nous avons rassemblé des informations ».
Ils passeront toute la semaine à venir à peindre pendant douze heures par jour environ, des premières lueurs de la matinée jusqu’au crépuscule, pour créer leur vision des paysages de la mer Morte.
Muro, un artiste espagnol, a expliqué que peindre au beau milieu du désert avec la mer Morte et la Jordanie en arrière-plan était un véritable bonheur pour lui.
« La lumière du coucher du soleil semble plus chaude, c’est particulier », dit Muro. « Je connaissais la situation extrêmement préoccupante de cette mer, c’est vrai que l’urgence climatique globale s’impose avec plus de force ici. C’est l’aspect éphémère de nos œuvres et de nos existences qui me vient à l’esprit ».

L’artiste Oz Montania, qui vient du Paraguay, a créé une carte abstraite de la mer Morte – un lieu qui, a-t-il expliqué, lui donne un sentiment d’émerveillement le faisant replonger dans son enfance.
« Le site était surréaliste ; on aurait dit un plateau de tournage de cinéma. Sur ces casernes, il y avait des impacts de balle et j’essayais en permanence d’imaginer à quoi elles ressemblaient il y a cinquante ans », a expliqué Montania. « Je pense que ces lieux ont un potentiel extraordinaire et que l’art est déterminant pour redéfinir les espaces ».
Graphiste de carrière, Montanie s’est toujours intéressé à la capacité des images à transmettre des informations avec efficacité et en faisant des recherches pour sa fresque, il a décidé de superposer trois cartes de manière à pouvoir visualiser d’un seul coup d’œil la baisse drastique du niveau de l’eau dans la mer Morte.
Le niveau de l’eau de la mer Morte baisse de plus d’un mètre chaque année et la principale partie du lac est presque aux deux-tiers moins importante que ce qu’elle était il y a cinquante ans.

Vile, venu du Portugal, a pour sa part créé une fresque en 3D avec une fusion de lettres écrite sous formes de graffitis où son nom se mêle à l’environnement, au paysage local, afin que les visiteurs puissent interagir avec l’œuvre.
« La mer Morte est l’un de ces endroits uniques sur la planète dont nous entendions parler en ne rêvant jamais de pouvoir avoir la chance de nous y rendre un jour », a dit Vile.
Ces fresques ne sont que le début d’un projet beaucoup plus large, a affirmé Dershowitz.
« Nous ne savons pas à quoi tout ça va ressembler au final », a-t-il ajouté, disant qu’il pense que le site deviendra, à terme, l’une des plus grandes galeries d’art en plein air du monde.
Son objectif est de continuer à faire venir des artistes qui peindront des fresques sur d’autres structures pour permettre aux visiteurs de s’arrêter et de s’attarder sur ces œuvres.