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Merkel ouvre à Berlin une exposition inédite consacrée à l’Art de l’Holocauste

La chancelière allemande avait appelé samedi à prendre en compte les craintes du président de la communauté juive

Capture d’écran de la page d'accueil du site du Musée d'histoire allemande
Capture d’écran de la page d'accueil du site du Musée d'histoire allemande

La chancelière Angela Merkel inaugure lundi soir une exposition organisée par le mémorial de Yad Vashem qui présente pour la première fois à Berlin une centaine de peintures et dessins, réalisés pendant la Shoah, sous le titre « L’Art de l’Holocauste ».

« Après y avoir pensé et repensé, nous avons considéré que c’était peut-être le bon moment et le bon endroit de montrer cette collection en Allemagne », a expliqué le président du mémorial Avner Shalev, lors d’une conférence de presse lundi.

La chancelière sera accompagnée par Nelly Toll, survivante du génocide, née à Lviv (aujourd’hui en Ukraine) en 1935, et dont quelques-uns des dessins sont exposés.

« J’étais très petite quand j’ai vu l’horreur, le ghetto, mais quand je dessinais, je n’y pensais pas », raconte-t-elle à quelques journalistes, devant ses dessins.

« J’avais beaucoup de temps, c’était pour m’occuper, j’ai commencé à dessiner et à peindre, ces personnages de papier sont devenus des amis, je leur parlais presque », explique Mme Toll qui a réalisé une partie de ces dessins alors qu’elle se cachait dans un réduit avec sa mère.

Mme Merkel qui visitera l’exposition dans la soirée, a saisi cette occasion pour appeler à la vigilance contre l’antisémitisme, dans son podcast hebdomadaire rendu public samedi.

« L’antisémitisme est plus répandu que ce qu’on imagine. Et c’est pourquoi il nous faut de façon intensive agir contre », a-t-elle déclaré.

Mme Merkel a appelé à prendre « au sérieux » les préoccupations formulées fin novembre par le président du Conseil central des juifs d’Allemagne, Josef Schuster, qui s’inquiétait du fait que beaucoup des quelque 1,1 million de migrants accueillis dans le pays « viennent de cultures où la haine des juifs et l’intolérance sont solidement installées ».

L’initiative de l’exposition revient au quotidien populaire allemand Bild, très engagé dans le devoir de mémoire vis-à-vis de la Shoah.

Lorsqu’un des reporters du journal a découvert des plans de construction originaux du camp d’Auschwitz, il en a fait don au mémorial Yad Vashem.

Et c’est lors d’une visite au Musée d’art du mémorial dans lequel se trouve environ 6.000 œuvres réalisées pendant l’Holocauste que Kai Diekmann, alors rédacteur en chef de Bild, a eu l’idée du projet.

La moitié des 50 artistes dont les œuvres sont présentées n’ont pas survécu aux persécutions nazies.

Mais, a souligné Avner Shalev, le fait que ces œuvres soient arrivées jusqu’à nous montre justement l’importance de leur message : « en fin de compte, c’est l’humanité qui l’emporte ».

Ces œuvres reflètent « la tension qui existait entre la volonté de dépeindre la réalité et le désir de se libérer à travers l’art », a souligné Eliad Moreh-Rosenberg, conservatrice de l’exposition.

Dans le premier volet de l’exposition, « Réalité », les œuvres décrivent le génocide en marche.

Dans « Le transport de Vienne », un dessin à l’encre de Leo Haas (1901-1983), une cascade de corps enchevêtrés tombe d’un wagon à bestiaux, lors de l’arrivée d’un train de déportés au camp de Theresienstadt en 1942.

Le « Boulevard des misères » de Leo Kok (1923-1945) montre le sombre alignement des baraques au camp de Westerbork (Pays-Bas) tandis que dans l’estampe sobrement intitulée « Battu », Jacob Lipschitz dépeint les souffrances de son frère au dos lacéré par le fouet du bourreau.

Pour chaque oeuvre, l’exposition explique aussi comment elle est parvenue jusqu’à nous.

Dans le cas de M. Lipschitz, par exemple, ce sont sa femme et sa fille qui ont retrouvé et transmis les œuvres qu’il avait enterrées dans le cimetière du ghetto de Kovno (Lituanie) avant de trouver la mort au camp de travail de Kaufering (Bavière).

Le dessin et la peinture permettaient aussi aux artistes et à leurs camarades de détention de s’évader loin de l’horreur, l’art devenait alors « Transcendance » comme s’intitule la deuxième partie de l’exposition.

Des amis de papier

Souvenirs familiaux, scènes heureuses du temps d’avant, épisodes bibliques ou paysages bucoliques constituent les thèmes de ces représentations.

L’une, intitulée « Derrière la clôture » de Pavel Fantl (1903-1945), est légendée ainsi: « Oui, mon grand-père avait donc raison quand il disait que derrière la clôture se trouvait quelque chose de fabuleux qu’on appelle le monde ».

De style naïf, le dessin montre un petit garçon perché sur la branche d’un arbre, regardant au-delà de la barrière d’un camp un paysage campagnard éclatant de couleurs.

De magnifiques portraits au fusain, au crayon ou à la gouache viennent compléter cette exposition qui se tiendra jusqu’au 3 avril au Musée d’histoire allemande.

Témoignages du génocide en marche et fenêtres de liberté permettant de s’évader de l’horreur, ces dessins réalisés en dépit des persécutions et des difficultés matérielles, constituent « un trésor qui n’a rien perdu de son incroyable force », a souligné le directeur du musée, Alexander Koch.

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