Mort de Marthe Cohn, rescapée de la Shoah et agent du renseignement français
Cohn, aux États-Unis depuis 70 ans, avait traversé le territoire allemand aux derniers temps de la Seconde Guerre mondiale, repérant l'emplacement d'une embuscade nazie

JTA – Marthe Cohn est décédée le 20 mai à Rancho Palos Verdes, en Californie, à l’âge de 105 ans. Infirmière rescapée de la Shoah, elle avait franchi les lignes de l’ennemi nazi au nom des services de renseignement français et contribué à l’affaiblissement de l’armée allemande dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale.
Née Marthe Hoffnug à Metz, France, le 13 avril 1920, elle avait été arrêtée en juin 1942 et envoyée au camp de la Route de Limoges réservé aux Juifs « étrangers » dans la France occupée par les nazis. Alors que sa soeur était déportée et assassinée à Auschwitz, Marthe et sa famille avaient réussi à fuir la France occupée. Ils avaient finalement rejoint Marseille, dans la France de Vichy, où elle avait terminé ses études d’infirmière.
En novembre 1944, après la libération de Paris par les Alliés, elle avait rejoint l’armée française en tant qu’infirmière, mais avait rapidement été transférée au service de renseignement de l’armée. Alors que la guerre tirait à sa fin, elle avait traversé le territoire allemand. Son plus grand exploit avait été de signaler que la Ligne Siegfried, un bastion allemand au nord-ouest de Fribourg, avait été évacuée, et de localiser les troupes allemandes dans la Forêt-Noire.
En 1945, l’Armée française lui avait décerné la Croix de Guerre. Plus tard, l’Allemagne l’avait également décorée de la Croix de l’Ordre du Mérite, la plus haute distinction du pays.
« Je n’avais aucune idée de ce dans quoi je m’embarquais », a déclaré Cohn au Los Angeles Times en 2000. « Je ne sais ni mentir, ni jouer la comédie, mais quand votre survie en dépend… Je l’ai fait pour [venger] ce que les Allemands nous avaient fait. »
Cohn s’est installée aux États-Unis en 1956. Elle a travaillé comme infirmière anesthésiste au Magee-Women’s Hospital de l’université de Pittsburgh. Ce n’est qu’en 1999 que ses enfants et petits-enfants ont appris ses exploits pendant la guerre. En 2002, elle a rédigé ses mémoires avec Wendy Holden, intitulées « Derrière les lignes ennemies ». Cette année-là, elle a reçu le titre de Chevalier de la Légion d’honneur, la plus haute distinction française pour les mérites militaires et civils.

L’histoire de sa vie a également fait l’objet d’un documentaire : « The Accidental Spy ».
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Cohn a ensuite travaillé comme assistante de recherche dans le laboratoire de neurosciences de son mari à l’Université de Californie, Los Angeles/Drew Medical Center. En 2020, au début de la pandémie de COVID, elle a célébré son 100e anniversaire dans l’allée de sa résidence de Los Angeles, saluant de nombreux sympathisants venus lui rendre hommage depuis leurs voitures. Une lettre de félicitations du président israélien de l’époque, Reuven Rivlin, a été lue dans un mégaphone. Cohn a ensuite reçu un appel téléphonique de Rivlin et du président allemand, ainsi que des centaines d’e-mails.
Elle laisse derrière elle son mari depuis 67 ans, le Dr Major Cohn, et leurs fils, Stephan et Rémi.