Moshe Gafni : L’État ne fait pas bénéficier la population du gaz naturel
Le député déclare à la commission des Finances de la Knesset que les organes chargés des fonds souverains conformément à la loi de 2014 sont "entachés" de manque de responsabilité
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Une loi de la Knesset de 2014 prévoyant la création d’un fonds souverain visant à garantir que les citoyens israéliens bénéficient de la manne du gaz naturel du pays, ainsi que les investisseurs privés, n’a pas encore été mise en œuvre.
Non seulement il n’y a pas de fonds, mais pas une seule personne n’a été engagée pour le mettre en place ou le faire fonctionner, et un comité de recrutement créé en 2016 pour deux ans sous la direction d’un juge à la retraite s’est dissout sans avoir nommé une seule personne.
Dès 2012, il était prévu que le niveau minimum de liquidités pour que le fonds commence à fonctionner – un milliard de shekels (250 millions d’euros) – serait atteint, et même dépassé, en 2018.
Mais seuls 450 millions de shekels (112 millions d’euros) de taxes ont été collectés à ce jour, et ce, grâce au champ gazier de Mari-B Yam Tethys, qui a fermé en 2012. La somme a été versée en 2013, et pas un centime de plus n’a été versé au fonds depuis lors, selon le quotidien économique Globes. L’argent est géré temporairement dans un fonds de patrimoine par le bureau du comptable général du ministère des Finances.
Selon les prévisions actuelles, le fonds ne sera pas lancé avant l’année prochaine, au plus tôt.

Lors d’une réunion de la commission des Finances de la Knesset qui s’est tenue lundi dernier pour discuter du budget 2020 de la Banque d’Israël, le président de la commission, Moshe Gafni, a déclaré : « Nous avons échoué dans tout ce qui concerne ce fonds ». Il a ajouté que l’échec a « entaché » toutes les institutions concernées en raison du manque total de responsabilité dont elles ont fait preuve.
L’idée du fonds existe depuis 2011
Ce fonds, dont les recettes doivent être consacrées à des projets stratégiques pour l’État d’Israël, a été recommandé par une commission créée en 2009 et dirigée par le professeur Eytan Sheshinksi. Les recommandations de la commission (avec des amendements) ont été inscrites dans la Petroleum Profits Taxation Law, (loi sur l’imposition des bénéfices pétroliers, plus connue sous le nom de « loi Sheshinksi ») en mars 2011. Cette loi a fixé les redevances sur le gaz naturel (payées au ministère de l’Energie) à un taux uniforme de 12,5 %, et a ensuite précisé la manière dont un nouveau prélèvement supplémentaire sur les bénéfices (à transférer à l’autorité fiscale) serait calculé. Elle a ordonné qu’une loi distincte détaillant les mécanismes du fonds soit soumise à la Knesset avant novembre de la même année.
Cela a pris trois ans
Entre-temps, en 2012, une commission interministérielle dirigée par le président du Conseil économique national, le Professeur Eugene Kandel, a annoncé que d’ici 2018, le fonds aurait amassé plus de 1,5 milliard de shekels (selon les taux de change dollar-shekel de 2012), dépassant ainsi le milliard de shekels nécessaire pour que le fonds commence à fonctionner.
La loi sur le Fonds des citoyens d’Israël (Citizens of Israel Fund Law disponible uniquement en hébreu) a été adoptée en juillet 2014.
Cette loi a déterminé que le capital du fonds ne pouvait être investi à l’étranger, en devises étrangères, que pour protéger la stabilité du shekel, et que seulement 3,5 % des revenus d’investissement pouvaient être consacrés annuellement à des projets sociaux, économiques et éducatifs pendant les neuf premières années.
La loi prévoit la création d’une commission de recrutement chargée de trouver des candidats pour le conseil et la commission d’investissement du fonds.
Ce conseil de sept membres comprendrait des représentants du bureau du Premier ministre, du ministère des Finances et de la Banque d’Israël, des économistes et des experts nommés par le public. Son rôle consisterait à déterminer la politique générale d’investissement et à en superviser la mise en œuvre, à fournir au ministre des Finances une proposition annuelle sur la manière de dépenser les fonds et à nommer le directeur d’un département au sein de la Banque d’Israël pour effectuer le travail quotidien.

Ce qui s’est passé, c’est que la commission de recrutement, mise en place sous l’égide d’un juge à la retraite, Moshe Gal, n’a procédé à aucune nomination.
En outre, comme l’a révélé le gouverneur de la Banque d’Israël, Amir Yaron, dans une lettre de réponse à la députée Orit Farkash-Hacohen du parti Kakhol lavan avant la réunion de la Knesset de lundi, un conflit a éclaté entre l’autorité fiscale et le bureau du comptable général, ce qui pourrait entraîner de nouveaux retards dans la mise en place du fonds.
Lors de la réunion de lundi, Françoise Ben Zur, la personne responsable de la mise en place du nouveau département à la Banque d’Israël, a noté qu’aucun des mécanismes de fonctionnement du fonds n’avait été créé car personne n’avait été recruté pour occuper les postes concernés.
La vraie affaire du siècle ?
Le fait qu’une si petite somme d’argent ait été déposée jusqu’à présent est principalement dû aux conditions très controversées de paiement de la taxe obtenue par les principales compagnies gazières impliquées – Delek Drilling, appartenant à l’Israélien Yitzhak Tshuva, et l’opérateur basé au Texas, Noble Energy – notamment pour le champ de gaz naturel de Tamar, qui a commencé sa production commerciale en 2013. (Delek et Noble possédaient également le Mari-B).
Les propriétaires de Tamar ont fait valoir avec succès qu’ils méritaient des conditions spéciales car ils avaient découvert le champ de Tamar en 2009 et avaient commencé à y investir avant que Sheshinksi ne « change les règles du jeu ».
La loi de 2011 exempte les propriétaires de Tamar de tout paiement de taxes jusqu’à ce qu’ils aient récupéré le double de l’argent qu’ils ont investi, depuis le premier jour de l’exploration (la partie à haut risque) jusqu’au début de la production commerciale – leur donnant un maximum de quatre ans pour le faire.

Elle leur accorde ensuite un délai supplémentaire par le biais d’une formule. Le paiement ne commence qu’une fois que le produit total des entreprises, moins le total des dépenses, divisé par le total des investissements, atteint le chiffre 2.
Lorsque cela se produit, les entreprises doivent commencer à transférer 20 % de leurs bénéfices au fonds souverain (ou une fraction de ceux-ci, selon le mois de l’exercice financier au cours duquel les paiements commencent). Lorsque la part des dépenses diminue par rapport aux recettes, ce pourcentage augmente, pour atteindre un maximum de 50 % des bénéfices lorsque la formule atteint 2,8. Il est ensuite plafonné à 50 %.
Dans le cas du champ gazier Leviathan (également détenu principalement par Delek Drilling et Noble Energy), et des entreprises qui suivront à l’avenir, rien ne doit être payé en prélèvements tant que 1,5 de l’investissement n’a pas été récupéré, dans un délai maximum de deux ans. Après cela, les premiers 20 % de prélèvements ne seront versés que lorsque la formule donnera le chiffre de 1,5. Le prélèvement maximum de 50 % entre en jeu lorsque le chiffre de la formule atteint 2,3 et reste à 50 % par la suite.
La formule pour le champ de Tamar devrait atteindre le chiffre requis de 2 plus tard dans l’année, même si la comptabilité créative des entreprises pourrait la pousser jusqu’en 2021.
Il était censé effectuer ses paiements plus tôt, mais le gouvernement lui a permis d’amortir des dépenses supplémentaires.
Le Leviathan, qui doit encore récupérer son investissement initial, et encore moins atteindre le chiffre prévu par la formule pour le début du paiement, ne devrait commencer à transférer le prélèvement que dans quatre à cinq ans environ.
En 2015, la loi sur l’imposition des bénéfices pétroliers a été rebaptisée loi sur l’imposition des ressources naturelles pour refléter l’inclusion d’autres ressources naturelles – principalement les minéraux qu’Israel Chemicals Ltd extrait de la mer Morte et d’autres régions du sud d’Israël – dans le système de prélèvement. La loi a spécifié une méthode de calcul différente pour les prélèvements sur les bénéfices non pétroliers et gaziers.
En décembre, Globes a calculé que les prélèvements sur toutes les industries relevant de la loi rapporteraient environ 250 milliards de shekels (environ 62,5 milliards d’euros aux taux de change actuels) dans les caisses publiques sur une période de 30 ans – 155,5 milliards de shekels (39 milliards €) pour le champ de Leviathan, payables de 2024 à 2063, 12 milliards de shekels (3 Mds €) pour les petits gisements de Karish et de Tanin (de 2024 à 2032) et 82,4 milliards de shekels (21 Mds €) pour le gisement de Tamar (2020 à 2050). Le document n’a pas été en mesure de fournir un chiffre pour les prélèvements à payer par l’ICL.
Banque d’Israël : Nous avons fait tout ce que nous pouvions
Il n’est pas certain que les autorités parviennent à créer le mécanisme du fonds à temps pour l’arrivée du premier milliard de shekels.
Yaron, de la Banque d’Israël, a déclaré à la commission des Finances de la Knesset : « Tout ce que la Banque d’Israël pouvait faire – nous l’avons fait ».
La commission a appris que la banque avait déjà dépensé plus de 2 millions de shekels (500 000 euros) – principalement en consultants et en matériel informatique – pour se préparer à son rôle d’opérateur de fonds.

Selon le quotidien économique Globes, la banque a également contacté des institutions financières internationales au cours des deux dernières années pour trouver des fiduciaires et des gestionnaires d’investissement. Cependant, elle n’a pu signer aucun accord car le ministère des Finances ne lui a pas donné procuration pour le faire.
Farkash-Hacohen, qui en 2015 a été écartée de son poste de présidente de l’Autorité israélienne des services publics sur ordre du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour s’être opposée avec force au contrôle monopolistique de l’industrie du gaz naturel que Netanyahu était déterminé à imposer, a demandé une consultation de la Commission des finances sur le statut du fonds. Comme elle l’a écrit au chef de l’administration fiscale israélienne, Eran Yaakov, le mois dernier, elle veut savoir qui supervise les sommes déjà collectées et comment et quelles sont les mesures mises en place pour assurer la transparence publique. Elle souhaite également que la limite de 3,5 % des intérêts pouvant être dépensés au cours des premières années soit étendue, compte tenu des besoins urgents de modernisation dans des domaines tels que les infrastructures de transport.
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