Netanyahu annonce son intention de limoger le chef du Shin Bet
L'opposition pointe du doigt les enquêtes de l'agence au sujet des liens présumés de l'équipe du Premier ministre avec le Qatar ; la procureur générale a rappelé qu'une consultation avec elle était "nécessaire"

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé dimanche soir qu’il voulait limoger le chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, Ronen Bar, évoquant un « manque de confiance ».
« J’ai décidé de proposer au gouvernement la fin du mandat du chef du Shin Bet », a indiqué M. Netanyahu dans une déclaration vidéo diffusée par ses services, soulignant la nécessité de « rétablir l’organisation, atteindre tous nos buts de guerre et empêcher le prochain désastre », en référence au pogrom du 7-Octobre.
« En permanence, mais particulièrement lors d’une guerre existentielle comme celle que nous traversons, il doit y avoir une confiance totale entre le Premier ministre et le chef du Shin Bet », affirme M. Netanyahu dans cette déclaration aux « citoyens d’Israël ».
« Malheureusement, c’est le contraire. Je n’ai pas cette confiance », a-t-il poursuivi, soulignant que ce « manque de confiance n’a fait que croître au fil du temps ».
Le Premier ministre a accusé jeudi M. Bar, nommé en 2021 et qui devait quitter son poste en 2026, d’être à l’origine d’une « campagne de menaces et de fuites dans les médias » menée dans le but de l’ « empêcher de prendre les décisions nécessaires pour remettre le Shin Bet d’aplomb ».
Les relations entre les deux hommes étaient notoirement tendues avant l’attaque sanglante du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, notamment à cause du projet de refonte judiciaire qui avait provoqué des manifestations monstres de protestation dès janvier 2023.
Elles sont devenues exécrables après la publication, le 4 mars, d’un rapport d’enquête interne dans lequel l’agence de la sécurité intérieure reconnaît des failles dans la collecte de renseignements qui aurait pu alerter les autorités sur la portée de l’attaque sans précédent contre Israël.
Mais ce rapport critique aussi l’exécutif, et M. Netanyahu indirectement, en jugeant qu’une « politique de calme a permis au Hamas de bâtir un impressionnant arsenal militaire ».
Les deux responsables sont également en désaccord sur le prochain chef du Shin Bet. Ronen Bar souhaite que, comme c’est l’usage, son successeur soit son actuel adjoint, tandis que Netanyahu veut avoir la haute main sur cette nomination.
Dans une déclaration laconique en réponse au Premier ministre, la procureure générale Gali Baharav-Miara affirme ne pas être au courant de la décision de limoger le chef du Shin Bet.
« Une consultation préalable avec moi est nécessaire », précise-t-elle.
« En tant que patron du Shin Bet le 7 octobre, j’ai pris mes responsabilités pour l’agence et j’ai dit clairement que je les assumerai avant la fin de mon mandat. Il est donc clair que (…) mon limogeage n’est pas lié » à l’attaque du Hamas, a réagi Bar dans un communiqué. « Les attentes par le Premier ministre d’une loyauté personnelle (envers lui) vont à l’encontre de l’intérêt public », a-t-il ajouté.
Les membres du cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu se sont félicité de son annonce selon laquelle ils pourront voter cette semaine sur le limogeage du chef du Shin Bet.
« Dans une démocratie, le public élit les représentants élus, et ce sont eux qui nomment et révoquent les titulaires de la branche exécutive en fonction de leur niveau de performance et du niveau de confiance entre les parties », a déclaré le ministre de la Culture et des Sports, Miki Zohar.
La destitution de Bar est « une nécessité existentielle et immédiate », a tweeté le ministre des Communications Shlomo Karhi, accusant le chef du Shin Bet de s’être « transformé en dictateur avec le soutien de la procureure générale ».
« Bar est l’un des principaux responsables de la catastrophe du 7 octobre, et maintenant il continue de saper la sécurité d’Israël et d’éroder la démocratie », a accusé Karhi, qualifiant sa destitution de « mesure essentielle pour restaurer la confiance du public et arrêter l’érosion des fondements de la démocratie israélienne ».
« Lors de la prochaine réunion du gouvernement, je soutiendrai de toutes mes forces sa destitution ainsi que celle de la procureure générale », ajoute-t-il.
Du côté de l’opposition, le chef du parti Les Démocrates, Yair Golan, a de son côté affirmé que Netanyahu avait « déclaré la guerre à l’État d’Israël ».
« Le limogeage du chef du Shin Bet est une tentative désespérée de la part d’un accusé de se débarrasser d’un homme loyal à Israël, qui enquête sur Netanyahu et son entourage pour des délits graves et obscurs, et refuse de dissimuler les faits, » a écrit Golan sur X.
« Plus les enquêtes le concernant se développent et révèlent des liens problématiques, plus Netanyahu sombre dans l’hystérie, l’incitation à la haine et le rejet, » a-t-il conclu en référence à des enquêtes concernant des liens présumés avec le Qatar.
Le chef de l’opposition Yaïr Lapid a aussi accusé le Premier ministre de chercher à limoger Bar, afin de faire échouer l’nquête sur des liens présumés de son équipe avec le Qatar.
« Netanyahu limoge Ronen Bar pour une seule raison : l’enquête sur le “Qatar-gate” », a affirmé Lapid. « Pendant un an et demi, il n’a vu aucune raison de le licencier, mais ce n’est qu’avec le début de l’enquête sur l’infiltration du bureau de Netanyahu par le Qatar et les fonds transférés à ses plus proches collaborateurs qu’il a soudainement ressenti l’urgence de le licencier immédiatement. »
Lapid a rappelé que Bar avait déclaré qu’il assumerait la responsabilité de l’échec du 7 octobre et démissionnerait après le retour des otages, qualifiant son limogeage à ce stade « d’irresponsable » et témoignant d’un manque d’engagement envers les otages toujours détenus à Gaza.
Le Premier ministre a récemment écarté Bar et le directeur du Mossad, David Barnea, de la direction de l’équipe négociant l’accord pour rapatrier les otages enlevés par les terroristes palestiniens de Gaza, un accord qui est source de tensions pour l’aile droite de la coalition de Netanyahu qui menace de renverser le gouvernement si ce dernier venait à enchaîner avec la deuxième phase de l’accord qui stipule un retrait total de Gaza et la fin de la guerre.
Le « but évident » du limogeage de Bar est de saboter une sérieuse enquête criminelle visant le cabinet du Premier ministre, a ajouté Lapid. « Netanyahu a une fois de plus placé ses intérêts personnels au-dessus du bien du pays et de sa sécurité. Toutes les calomnies et toutes les tentatives consistant à rejeter la responsabilité de l’échec sur le système de sécurité ne serviront à rien pour Netanyahu. Il est le principal responsable de l’échec et du désastre du 7 octobre, et c’est tout ce dont on se souviendra de lui. »
Son parti Yesh Atid va déposer une requête devant les tribunaux.
Benny Gantz, chef du parti HaMahane HaMamlahti, a pour sa part qualifié le limogeage de Bar, de « coup direct porté à la sécurité de l’État et de démantèlement de l’unité de la société israélienne pour des raisons politiques et personnelles ».
Avigdor Liberman, chef d’Yisrael Beytenu, a aussi condamné cette décision, déclarant que si le Premier ministre Netanyahu « avait combattu le Hamas avec autant de détermination qu’il combat le chef du Shin Bet, le bureau de la procureure générale et le système judiciaire, l’holocauste du 7 octobre aurait été évité ».
L’ex-chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, « est parti, Ronen Bar est en route, et maintenant c’est au tour de celui qui est au sommet de la pyramide – le Premier ministre du 7 octobre », a ajouté Liberman.
Le chef d’Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, et le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, ont en revanche tous les deux salué l’annonce de Netanyahu.
Ben Gvir a sans surprise affirmé que cette décision aurait dû être prise depuis longtemps, mais « mieux vaut tard que jamais », arguant qu’ « il n’y a pas de place dans un pays démocratique pour des responsables qui se comportent de manière politiquement conflictuelle envers les élus ».
« La droite doit s’inspirer du président Trump pour éradiquer ‘l’État profond’ », a ajouté l’ex-ministre radical.
Qualifiant le limogeage de Bar d’ « étape nécessaire », Smotrich a estimé que, si ce dernier mérite les remerciements de la nation, il aurait été approprié qu’il « prenne ses responsabilités et démissionne de son propre gré il y a plus d’un an, évitant ainsi son limogeage ».
Accusant Bar de s’accrocher avec arrogance à son siège, Smotrich a déclaré que les divergences irréconciliables entre lui et la classe politique rendent son maintien au pouvoir impossible.
L’ancien Premier ministre Naftali Bennett a, pour sa part, accusé le Premier ministre Benjamin Netanyahu de chercher à éviter toute responsabilité dans l’attaque du 7 octobre.

« Netanyahu porte l’ultime responsabilité du pire échec de l’histoire d’Israël et aurait dû démissionner il y a longtemps », a tweeté Bennett, arguant que la « politique passive et défaitiste » du Premier ministre a permis au Hamas et au Hezbollah de se constituer en puissances terroristes à nos frontières pendant 15 ans.
Si les chefs des services de sécurité ont également échoué, « ils ont assumé leurs responsabilités », a-t-il poursuivi. « Netanyahu, en revanche, fuit ses responsabilités. L’État d’Israël ne pourra pas se relever sans sa démission. »
Indépendamment de l’annonce sur le potentiel limogeage de Bar, le Shin Bet a enquêté ces derniers jours sur un employé du cabinet du Premier ministre soupçonné d’avoir divulgué des informations à des manifestants antigouvernementaux, mettant ainsi le Premier ministre en danger.
Le suspect est considéré comme un loyaliste de Netanyahu.
De nombreux détails de l’affaire sont actuellement sous embargo.
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.