Netanyahu et Orban font partie d’une même famille, dit un responsable hongrois
S'exprimant lors d'un sommet sur l'antisémitisme en Europe, l'officiel a dit qu'Israël comprenait la politique anti-immigration de Budapest qui permettait de protéger les Juifs
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
PARIS — Un haut responsable hongrois et proche allié du président Victor Orban a déclaré, lundi, que ce dernier et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu « appartiennent à la même famille politique » dans un discours saluant les efforts menés par Budapest dans la lutte contre l’antisémitisme.
« Les relations entre nos deux pays sont très fortes. Le gouvernement israélien sait très bien que la Hongrie fait tout ce qui est en son pouvoir pour protéger la communauté juive de Hongrie », a assuré le secrétaire d’État Vince Szalay-Bobrovniczky lors d’une conférence consacrée à l’antisémitisme, organisée par l’Association juive européenne à Paris.
« Les Juifs en Hongrie n’ont aucune raison d’avoir peur – au moins pour autant que nous le sachions aujourd’hui », a-t-il clamé.
Vince Szalay-Bobrovniczky a indiqué qu’une question particulière sur laquelle Jérusalem et Budapest sont parfaitement alignés était celle de l’immigration.
« Israël comprend ce que nous faisons à nos frontières sud », a expliqué le secrétaire d’État, se référant aux efforts livrés par la Hongrie pour bloquer l’immigration.
Le gouvernement de droite d’Orban a institué une série de changements restrictifs, ces dernières années, dans ses lois sur l’asile et l’immigration qui ont rendu pratiquement impossible pour les demandeurs d’asile de présenter leurs dossiers à la frontière serbe pour obtenir une protection en Hongrie.
Une partie de la campagne d’Orban à ce sujet a contribué à incriminer l’homme d’affaires George Soros à l’aide d’affiches placées dans tout le pays qui affirmaient que le philanthrope milliardaire juif soutenait l’immigration illégale.
Cette campagne avait été fustigée pour son antisémitisme présumé, une accusation qui avait été rejetée par le leader hongrois.
S’exprimant devant des dizaines de chefs communautaires juifs venus de toute l’Europe pour assister à la conférence de l’AJE, Szalay-Bobrovniczky a répété l’accusation lancée contre Soros, disant que ce Hongrois de naissance – qui vit dorénavant à New York – est « persona non grata en Israël… Et personne ne peut dire qu’Israël est antisémite ».
Un porte-parole du ministère des Affaires stratégiques israélien a réfuté les propos du secrétaire, indiquant qu’aucune interdiction du territoire ne vise Soros actuellement.
Le responsable politique hongrois a donné des détails sur les liens entretenus par son pays avec l’État juif lors d’une interview accordée en marge de la conférence au Times of Israel, disant que Jérusalem comprenait la décision prise par la Hongrie de fermer ses frontières en raison « de l’immigration illégale musulmane qui importe l’antisémitisme en Europe ».
Le secrétaire d’État a tiré un parallèle entre la politique d’immigration de son pays et celle d’Israël.
« Si vous regardez ce qu’Israël fait avec ses frontières vis-à-vis des pays arabes et des immigrants africains, c’est manifeste… Le pays défend ses frontières et défend ses habitants des menaces possibles pesant sur la sécurité », a-t-il expliqué.
« Et nous faisons exactement la même chose », a-t-il martelé.
Il a ensuite souligné le blocage par la Hongrie de résolutions présentées devant la Commission européenne et les Nations unies prenant pour cible Israël, rappelant que Budapest avait pris une telle initiative il y a encore quelques mois seulement.
Il semblait se référer alors à un communiqué conjoint de l’Union européenne émis au mois de novembre, et qui condamnait la décision prise par les États-Unis de ne plus considérer les implantations israéliennes comme illégales – un communiqué qui aurait été bloqué par la Hongrie, a affirmé un responsable de la diplomatie au Times of Israel.
« Je ne dis pas que tout sera bloqué, mais nous opposerons notre veto aux résolutions avec lesquelles nous sommes en désaccord – comme celles qui condamneraient Israël en tant qu’État d’apartheid », a continué Vince Szalay-Bobrovniczky.
Le haut responsable s’est également enorgueilli de la décision prise par la Hongrie d’établir un bureau commercial à Jérusalem, précisant clairement qu’un transfert de l’ambassade au sein de la capitale de l’État juif « ne figure pas actuellement à l’ordre du jour », mais que cette mission commerciale « se veut être un geste à l’égard d’Israël et des États-Unis dont nous sommes très proches ».
Reprenant les propos de l’envoyé spécial chargé de la lutte contre l’antisémitisme du département d’État américain qui s’est exprimé lors de la conférence, le secrétaire d’État hongrois a qualifié Donald Trump de « président américain le plus philosémite, et Orban est, pour sa part, complètement sur la même ligne à ce sujet ».
Shlomo Koves, qui dirige la Congrégation juive hongroise unifiée EMIH, rattachée au mouvement Habad, et qui a créé la Ligue d’action et de protection (LPA) pour combattre l’antisémitisme en Europe, adopte pour sa part une approche plus mesurée. Le leader communautaire déclare ne pas croire dans la « théorie du complot » contre Soros, mais ne pas croire non plus que les campagnes menées à son encontre par le gouvernement hongrois sont antisémites.
Il cite un récent sondage de la LPA qui a interrogé des Hongrois sur l’homme d’affaires. Seulement 2 % des personnes sondées ont affirmé faire un lien avec son judaïsme.
Il souligne par ailleurs que la situation des Juifs de Hongrie est finalement bien meilleure que celle des membres de la communauté dans d’autres pays européens, avec seulement 35 incidents antisémites enregistrés l’année passée, dont une agression physique, selon les statistiques de la LPA.
De manière comparable, le nombre d’attaques similaires dans d’autres pays européens – comme le Royaume-Uni, la France, les Pays-Bas et l’Autriche – s’est élevé à des centaines en 2019.
Le directeur de l’EMIH attribue le mérite de ces chiffres peu élevés à la politique d’immigration décidée par Orban, estimant qu’il a contribué à maintenir les extrémistes musulmans – responsables de certaines des agressions les plus violentes contre les Juifs dans les autres pays européens, ces dernières années – à l’extérieur des frontières hongroises.
Toutefois, certains responsables juifs, en Hongrie, ne partagent pas le même point de vue. Le rabbin Zoltan Radnoti, président du conseil rabbinique de l’organisation-cadre Mazsihisz, plutôt libérale, estime que « si les Juifs ne sont pas attaqués dans les rues, l’administration Orban a employé une rhétorique qui donne un sentiment d’antisémitisme qui a contribué à mettre mal à l’aise un grand nombre de membres de la communauté ».
De plus, Zoltan Radnoti note que l’EMIH de Koves, rattachée au mouvement Habad, bénéficie d’un fort soutien du gouvernement et que ses points de vue sur le travail mené par Orban est donc obscurci. Et en effet, l’année dernière, le vice-Premier ministre Zsolt Semjén avait ratifié un document qui octroyait à l’EMIH un « statut particulier » – une reconnaissance dont profitent déjà plusieurs églises ainsi que Mazsihisz, la plus importante fédération des communautés juives du pays.