Notre Histoire exige que nous entendions l’avertissement du Shin Bet
25 ans après l'assassinat de Rabin, l'homme chargé de la protection d'Israël met en garde contre une répétition des violences politiques. Un avertissement qui doit être écouté
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
De manière peu surprenante pour l’homme qui se trouve à la tête d’une agence de sécurité quelque peu mystérieuse, le dirigeant du Shin Bet, Nadav Argaman, est peu enclin aux déclarations publiques. Pendant et après la mini-guerre qui a opposé, le mois dernier, le pays au Hamas et aux autres groupes terroristes de Gaza, au cours de deux conférences de presse marquées par les longues interventions devant la nation du Premier ministre, du ministre de la Défense et du chef d’État-major de Tsahal, Argaman, qui s’est exprimé en dernier, a été avare de paroles .
La déclaration publique faite par Argaman dans la soirée de samedi, dans laquelle il a mis en garde contre une recrudescence grave des discours violents – en particulier sur les réseaux sociaux – avec la conséquence dangereuse de possibles agressions physiques, sort donc particulièrement de l’ordinaire. Que le chef du Shin Bet, généralement silencieux, en vienne à décider qu’il n’a plus d’autre alternative que de compter sur les gros titres alarmants des journaux souligne seulement combien il considère que le danger encouru par la société israélienne est important.
Argaman n’invoque par l’assassinat de Rabin dans sa déclaration mais des responsables de la sécurité, qui se sont exprimés auprès des journalistes après qu’il a lancé son avertissement, ont explicitement fait le parallèle entre l’éruption actuelle d’accusations de trahison, de tromperie politique et de crise nationale et les semaines et les mois qui avaient précédé le passage à l’acte d’un extrémiste de droite Juif, Yigal Amir, qui avait abattu par balle le Premier ministre Yitzhak Rabin dans la nuit du 4 novembre 1995.
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Samedi dans la soirée, il était encore impossible de dire si le dirigeant du Shin Bet s’était entretenu avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu avant d’émettre sa mise en garde – qui a été accompagnée d’un appel aux politiciens, aux rabbins, aux éducateurs et autres personnalités publiques à s’exprimer pour apaiser les choses et pour éloigner le danger. La veille, Netanyahu avait publié un post sur Facebook lié à la lecture du passage hebdomadaire de la Torah – consacrée cette semaine aux dix « espions », ces hommes « qui avaient répandu des mensonges sur la Terre et affaibli l’esprit du peuple par seul souci de leur intérêt personnel » (la Bible ajoute que les espions qui avaient apporté de faux témoignages avaient succombé à une maladie au cours d’une épidémie). Dans sa publication, Netanyahu avait demandé que « ceux qui ont été élus avec les voix de droite se dressent pour faire ce qui est juste : Former un gouvernement de droite fort, un bon gouvernement qui saura protéger la Terre d’Israël, les citoyens d’Israël et l’État d’Israël ».
Netanyahu a affirmé, ces derniers jours, que le nouveau gouvernement qui émerge actuellement – qui, insiste-t-il, est un gouvernement « de gauche », et ce, même s’il inclut trois factions plus à droite que le Likud qu’il dirige – met en péril « la Terre d’Israël, l’État d’Israël et l’armée israélienne ». Son beau-frère, Hagai Ben-Artzi, a affirmé dans un entretien télévisé, la semaine dernière, que les tentatives de ces politiciens visant à écarter du pouvoir Netanyahu répondaient à la définition biblique de ce qu’est la « trahison ».
Dans un acte d’une irresponsabilité stupéfiante, quelques heures après qu’Argaman a tiré la sonnette d’alarme, un groupe de rabbins nationalistes orthodoxes ont émis un communiqué affirmant que le nouveau gouvernement « nuira aux piliers les plus fondamentaux de la religion et de l’État » et qu’il mettra en danger les intérêts sécuritaires existentiels d’Israël. Le communiqué a par ailleurs exhorté ses éventuels partisans à « faire tout ce qui est possible de manière à ce que ce gouvernement ne voit pas le jour ».
Certains des signataires ont ensuite nié que leur communiqué ait constitué le type précis d’incitation à la haine incendiaire dénoncée par Argaman. Le rabbin Shlomo Aviner, par exemple, a insisté au micro de la radio militaire, dimanche matin, sur le fait qu’il était évident que les rabbins n’encourageaient nullement à contrevenir à la Torah qui interdit les actes, les mots et même les pensées de haine.
Une telle certitude aveugle de ce que personne, absolument personne, ne pourrait, en lisant un tel communiqué, se trouver suffisamment ému pour prendre une arme semble être d’une naïveté terrifiante – ce serait d’ailleurs également le cas sans le souvenir de l’assassinat de Rabin, il y a un quart de siècle. Suite à ce meurtre politique qui avait été commis par un homme qui avait été amené à croire qu’il agissait avec le soutien de certains rabbins et conformément à la volonté divine, ce communiqué des rabbins est d’une imprudence inconsidérée.
Et il est encore temps pour eux de ré-émettre leur communiqué – cette fois-ci, en y incluant leur clarifications conséquentes de manière à ce qu’il ne puisse pas et à ce qu’il ne doive pas être interprété comme un appel à la violence politique. Comme Argaman l’a dit, il est de leur responsabilité – et de la responsabilité de tous les autres politiciens, des rabbins et des personnalités publiques – d’apaiser le climat de tensions actuel et de ne pas, au contraire, l’exacerber.
Car cette voie, nous l’avons d’ores et déjà empruntée dans le passé. Et que l’homme chargé de protéger le pays et ses leaders des menaces sécuritaires intérieures – dont l’agence porte encore la cicatrice profonde de son échec à empêcher l’assassinat de Yitzhak Rabin — craint que nous la dévalions une fois encore.
Gare à nous si cette mise en garde si inhabituelle devait ne pas être rapidement entendue.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel