Oman au TOI : Le plan de paix US échouera sans un Etat palestinien
Dans sa toute première interview avec la presse israélienne, Yusuf bin Alawi dit que les Etats arabes doivent faire en sorte qu'Israël "ne pense plus qu'il soit entouré d'ennemis"
MER MORTE, Jordanie – Le plan de paix israélo-palestinien de l’administration américaine échouera s’il n’inclut pas un État palestinien, a déclaré dimanche le ministre des Affaires étrangères de Oman Yusuf bin Alawi au Times of Israel.
Dans une interview, bin Alawi a également déclaré que les prochaines années seraient « décisives » pour les efforts de paix et a appelé les Etats arabes à travailler pour faire en sorte qu’Israël puisse se retirer de Cisjordanie et du Golan sans se sentir menacé.
Bin Alawi a déclaré que son entretien avec le Times of Israel, en marge du Forum économique mondial en Jordanie, était sa première interview avec une publication israélienne. Les ministres du Golfe parlent rarement aux médias israéliens.
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L’entretien a eu lieu quelques jours avant que les Israéliens ne se rendent aux urnes, avec un plan de paix américain pour la région qui devrait être publié peu après.
Alors que le président américain Donald Trump a déclaré qu’il pensait que la solution à deux États, avec la création d’un État palestinien, « est la plus efficace », il ne s’est pas engagé en sa faveur.
« Si [le plan] évite de mentionner un État palestinien, il n’aura pas d’avenir », prévient bin Alawi, ministre des Affaires étrangères d’Oman depuis 1997.
Depuis la visite du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Oman l’année dernière, le diplomate omanais de haut rang a souvent parlé du processus de paix israélo-palestinien.
Netanyahu a rencontré le sultan omanais Qaboos bin Said à Mascate en octobre 2018, devenant ainsi le premier Premier ministre israélien à le faire depuis plus de deux décennies ; il a également rencontré bin Alawi en février, en marge d’une conférence américano-polonaise à Varsovie sur le Moyen Orient.
Bin Alawi, vêtu de l’habit traditionnel omanais, a également déclaré que les États arabes devraient trouver un moyen d’apaiser les craintes d’Israël quant à sa situation sécuritaire.
« Israël croit toujours qu’il est dans une région où il a des ennemis. Il considère ses exigences en matière de sécurité comme une priorité absolue. Par conséquent, en tant qu’Arabes, nous devons discuter de cette question et voir comment nous pouvons éliminer ce sentiment et parvenir à une compréhension mutuelle avec Israël », a-t-il dit. « S’il est rassuré sur sa sécurité, Israël n’aura pas besoin de garder son armée sur les terres arabes et il n’aura pas l’impression d’avoir des ennemis dans la région. »
Le diplomate omanais a fait un commentaire similaire lors d’une table ronde au Forum économique mondial, samedi dernier. « Israël n’est pas conforté quant au maintien de son existence dans la région. Je crois que nous, les Arabes, sommes capables de discuter de cette question et de nous efforcer de dissiper ces craintes », a-t-il déclaré lors de l’événement.
Cependant, le ministre jordanien des Affaires étrangères Ayman Safadi a répliqué en affirmant « qu’il s’agit d’une question d’occupation ». Il a noté qu’en 2002, dans le cadre de l’Initiative de paix arabe, des dizaines de pays arabes et musulmans ont offert à Israël une reconnaissance en échange d’un retrait des terres qu’il avait conquises il y a environ 50 ans.
Bin Alawi a ajouté que si Israël et Oman n’ont pas normalisé leurs relations, les deux pays communiquent l’un avec l’autre.
« La normalisation dépend d’un certain nombre de principes. Si ces principes, qui incluent la création d’un État palestinien, sont respectés, la prochaine étape commencera, qui comprend les intérêts et les avantages économiques. Quant à l’heure actuelle, nos relations sont celles de la communication », a-t-il dit, notant que rien n’empêchait les responsables israéliens de visiter Oman ou vice versa.
Israël n’entretient des relations officielles qu’avec l’Égypte et la Jordanie, mais ses relations avec certains pays du Golfe, dont les Émirats arabes unis, semblent s’être récemment renforcées dans le cadre d’une alliance tacite contre l’Iran.
Il a également déclaré qu’Israël ne réussirait pas à contraindre le monde arabe à accepter la domination de l’État juif sur la Cisjordanie, le plateau du Golan et les fermes de Chebaa, territoires qu’Israël a conquis pendant la guerre des Six jours.
« Les faits resteront des faits. Israël ne pourra pas forcer les Arabes à adopter une politique qui n’aboutisse pas à un accord sur la restitution des territoires palestiniens, syriens et libanais à leurs nations », a-t-il dit.
Ce qui suit est une transcription de l’interview, qui s’est déroulée en arabe.
Comment voyez-vous les relations israélo-omanaises ? Où en sont-elles ?
Les relations d’Oman avec Israël sont à un stade où il existe des points d’accord et, bien entendu, des différends. Notre relation avec Israël passe par les dirigeants d’Israël. Comme vous le savez, feu le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin s’est rendu au Sultanat, l’ancien Premier ministre Shimon Peres et le Premier ministre Benjamin Netanyahu ont visité le Sultanat.
Nous pensons qu’Israël a un rôle important à jouer pour instaurer la stabilité dans la région. Dans ce cadre, nous communiquons avec Israël et le gouvernement israélien. Nous espérons que la situation dans la région deviendra plus stable. Nous attendons également avec intérêt de voir Israël entreprendre des efforts similaires à ceux déployés par les pays arabes pour résoudre la question palestinienne entre Palestiniens et Israéliens. Comme nous l’avons dit et comme nous continuons de le dire à la presse, il est dans l’intérêt d’Israël de coopérer avec les États arabes à la création d’un État palestinien indépendant, ce qui créera un énorme degré de sécurité pour cette région qui comprend Israël, la Palestine, la Jordanie, la Syrie et le Liban. Nous attendons cela avec impatience et nous encourageons le peuple et les dirigeants israéliens à ne pas penser qu’ils se trouvent dans une région avec des ennemis.
Est-il possible de normaliser les relations d’Israël avec Oman avant de régler la question palestinienne ?
La normalisation dépend d’un certain nombre de principes. Si ces principes, qui incluent la création d’un État palestinien, sont respectés, la prochaine étape commencera, qui comprend les intérêts et les avantages économiques. Pour l’instant, nos relations sont celles de la communication.
Nous le définissons ainsi. Les communications visent à discuter non seulement de cette région, mais aussi d’autres endroits dans le monde et de la façon dont nous pouvons avoir la paix et la coexistence dans d’autres endroits dans le monde.
Y a-t-il des visites officielles qui auront lieu ?
Il y a des visites chaque fois qu’elles sont nécessaires. Rien ne les empêche d’avoir lieu.
Le sultan Qaboos bin Said se rendra-t-il en Israël ?
Cela pourrait se produire lorsque nos relations atteindront un niveau supérieur, mais les communications au niveau actuel sont bénéfiques et nous estimons qu’elles ne devraient pas être interrompues.
Vous avez mentionné au cours du débat d’aujourd’hui [au Forum économique mondial] que les États arabes devraient rassurer Israël qu’ils ne sont pas contre lui ? Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous disiez ?
Israël croit toujours qu’il est dans une région entouré d’ennemis. Il considère ses exigences en matière de sécurité comme une priorité absolue. Par conséquent, en tant qu’Arabes, nous devons discuter de cette question et voir comment nous pouvons éliminer ce sentiment et parvenir à une compréhension mutuelle avec Israël.
En outre, les restrictions qu’Israël impose à la création d’un État palestinien et aux terres de Cisjordanie, qui sont des terres palestiniennes, et aux terres arabes, comme le Golan et d’autres lieux, doivent être traitées et résolues dans le cadre d’une entente commune entre Israël et les Arabes. À ce sujet, nous croyons qu’il y a de vastes horizons. S’il est rassuré sur sa sécurité, Israël n’aura pas besoin de garder son armée sur les terres arabes et il n’aura pas l’impression d’avoir des ennemis dans la région.
L’idée est que les Etats arabes doivent rassurer Israël qu’il fait partie de la région et que cela contribuera à faire avancer la paix ?
Oui. Ça va beaucoup aider. Actuellement, ils ne font pas confiance à leurs voisins arabes. Ils s’accrochent à l’idée qu’ils sont entourés de dangers. Cette situation ne permet pas de parvenir à un rapprochement entre les Arabes et Israël. Nous pensons que les deux parties doivent entreprendre des efforts jusqu’à ce que la sécurité d’Israël puisse être considérée comme faisant partie de la sécurité de la région et d’une partie de cette région.
Avez-vous un message pour les Israéliens avant les élections ?
Nous espérons que cela profitera à tout le monde, que le Premier ministre Netanyahu ou un nouveau dirigeant israélien gagne ou non. Cinquante ans se sont écoulés depuis la guerre de 1967 et Israël et les Arabes ne se font toujours pas confiance. Israël n’a malheureusement pas contribué à nous donner, à nous, les Arabes, la conviction qu’il est prêt à tourner la page, vers une page que tout le monde partagera.
Netanyahu peut-il faire la paix ? Hier, il a dit à un journal israélien qu’il ne démantèlerait aucune implantation ?
Il dit ce qu’il veut. Mais les faits resteront des faits. Israël ne pourra pas forcer les Arabes à adopter une politique qui ne débouche pas sur un accord, en restituant les territoires palestiniens, syriens et libanais à leurs nations ; si cela ne se produit pas, Israël restera dans un état de peur, surtout en ce moment, où les missiles font plus de dégâts qu’auparavant.
Nous appelons le peuple et les dirigeants israéliens à être conscients de cette réalité. Soixante-dix ans se sont écoulés et Israël n’existe pas en tant qu’État comme le reste des États dans le monde. Soixante-dix ans se sont également écoulés et les Palestiniens ont été confrontés à des conflits et à des pressions. Ils sont comme des prisonniers. Si un Palestinien veut voyager en dehors de la Cisjordanie, il a besoin d’un permis. Et si quelqu’un vit dans sa maison et a besoin d’une permission [pour partir], c’est une prison. Ce n’est pas une vie normale.
L’administration du président américain Donald Trump affirme qu’elle présentera un plan de paix à un moment donné après les élections israéliennes de mardi. Pour que le Sultanat d’Oman puisse travailler avec le plan, que doit-il y avoir dedans ?
Nous devons d’abord voir le plan. Mais avant de voir le plan, nous pouvons dire qu’il ne devrait pas contenir des choses qui dérangent les Palestiniens et qui les empêchent de travailler avec lui.
S’il évite de parler d’un État palestinien, il n’aura pas d’avenir.
La visite de Netanyahu à Mascate était-elle centrée sur l’Iran ?
Nous ne disons pas ce qui a été dit et ce qui n’a pas été dit. Sa visite a été unique et brève et elle a été faite à sa demande. Un certain nombre de problèmes dans la région ont été discutés. Ce que nous avons entendu de Netanyahu comportait quelques éléments positifs. Je pense que le mandat du prochain Premier ministre israélien sera décisif pour les efforts de paix.
Ce sera décisif.
Israël doit se remettre à étudier les faits. La Cisjordanie et Gaza constituent l’État palestinien. Quant aux habitants des implantations, ce sont des Israéliens venus d’Israël.
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