Options binaires : 1ère condamnation à un an de prison d’une employée aux US
Lissa Mel a plaidé coupable dans une affaire de fraude à hauteur de 145 millions de dollars et devra rembourser 288 000 dollars à ses victimes
Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël
Un juge fédéral américain a condamné Lissa Mel, qui travaillait dans le secteur des options binaires, à un an de prison pour son rôle dans une fraude à hauteur de 145 millions de dollars ourdie par les sites israéliens BinaryBook.com et BigOption.com.
Dans un jugement qui a été rendu le 29 août, Mel a écopé d’une peine de douze mois d’emprisonnement et un jour qui sera suivie d’une libération surveillée de deux ans. Elle devra également rembourser aux victimes un montant de 288 024 dollars.
Mel avait signé un arrangement judiciaire avec le département américain de la Justice au mois de janvier 2019. Certaines parties de cet accord et les documents qui y sont liés restent placés sous scellés. La peine maximale pour ce délit pour lequel elle a plaidé coupable – conspiration en vue de commettre une fraude – est de cinq ans de prison.
Selon la « Stipulation des faits » rattachée à l’arrangement judiciaire souscrit le 29 janvier 2019, Mel était attachée commercial pour Numaris Communication, un poste qu’elle a assumé du mois de juillet 2015 jusqu’au mois de novembre 2016.
Alors qu’elle travaillait là-bas, elle avait amené les investisseurs à déposer des fonds sur la base de fausses déclarations matérielles, notamment en mentant sur le fait que ses intérêts n’étaient pas alignés sur ceux des investisseurs. Elle avait menti sur les retours attendus du commerce des options binaires, sur ses qualifications et avait laissé croire aux investisseurs qu’ils seraient libres de retirer des fonds, selon le document.
Selon la « Stipulation des faits » encore une fois, Mel se serait présentée comme « haute négociatrice », « gestionnaire de compte » ou « chef analyste » pour le site d’information BinaryBook.com. Elle utilisait le pseudonyme de « Monica Sanders » pour interagir avec les investisseurs et mentait sur le lieu où elle se trouvait, ainsi que sur ses compétences.
Selon l’arrangement judiciaire, « l’accusée aurait communiqué avec plus de dix investisseurs et elle endosse la responsabilité directe d’approximativement 288 024 dollars en perte d’investissements ».
Mel est l’une des 15 employées des entreprises israéliennes Yukom Communications Ltd. et/ou Numaris Communication Ltd. actuellement poursuivis par le gouvernement américain. Ces deux firmes israéliennes et d’autres exploitaient les sites BinaryBook et BigOption.
La directrice-générale de Yukom Communications, Lee Elbaz, a pour sa part été reconnue coupable par un jury du Maryland, en date du 7 août, de trois chefs de fraude électronique et d’un chef de conspiration en vue de commettre une fraude. Elle se trouve dorénavant derrière les barreaux dans l’attente de sa condamnation, qui devrait être connue au mois de décembre.
Quatre autres anciens employés de Yukom Communications Ltd. et de Numaris Communication Ltd. en Israël – Shira Uzan, Liora Welles, Austin Smith et Yair Hadar — ont également signé des accords judiciaires avec le gouvernement américain et sont actuellement dans l’attente de leur condamnation. Tous les quatre – cela n’a pas été le cas de Mel – ont témoigné lors du procès d’Elbaz pour le compte des procureurs, clamant qu’Elbaz leur avait donné l’ordre de mentir aux investisseurs pour que ces derniers déposent autant d’argent que possible, et de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour les empêcher de retirer leurs fonds.
Neuf autres plaignants de Yukom ont été inculpés au mois de février. Les actes d’inculpation séparés de ces neuf personnes, avec notamment celui du propriétaire de Yukom, Yosef Herzog, clament que la fraude impliquant BinaryBook et BigOption a coûté aux investisseurs plus de 145 millions de dollars dans le monde entier avec des milliers de victimes aux Etats-Unis.
Télé-réalité
Lissa Mel, 30 ans – qui s’appelle également Melissa Turdiev – avait été arrêtée par le FBI le 17 septembre 2018 à l’aéroport de Los Angeles, alors qu’elle tentait d’embarquer dans un vol pour Israël.
Mel avait connu son quart d’heure de célébrité au sein de l’Etat juif à l’âge de 19 ans, lorsqu’elle participait à la première saison de l’émission de téléréalité « Hayafa VeHa’hnun », la version en hébreu de la franchise internationale « Beauty and the Geek » dans laquelle de jolies femmes rencontrent des hommes considérés comme intelligents mais socialement maladroits pour remporter de l’argent.
Le site de l’émission décrivait Mel comme étant une « princesse choyée qui aime prendre le taxi, aller à la gym, se faire faire une manucure une fois par semaine et qui utilise des tonnes de crèmes de beauté ».
Le site internet précisait également que Mel était arrivée en Israël à l’âge de 11 ans, depuis l’Ouzbékistan, et qu’elle a grandi dans la banlieue de Herzliya Pituach. Fille de professeurs, elle n’était pas elle-même une bonne élève, selon la présentation. Elle avait travaillé dans une boutique de luxe pour hommes et avait été aussi créatrice de bijoux, maquilleuse, maître nageuse et assistante dentaire durant son service militaire.
Une sur des milliers
Mel n’est qu’une sur des milliers d’Israéliens ayant travaillé dans le secteur des options binaires et autres fraudes associées sur internet au cours de la dernière décennie.
Les fraudes aux options binaires ont prospéré en Israël pendant environ une décennie avant que toute l’industrie ne soit interdite par la législation de la Knesset en octobre 2017, en grande partie à la suite d’une enquête du Times of Israel qui a commencé avec un article de mars 2016 intitulé « Les loups de Tel Aviv » . Au plus fort de cette vague économique, des centaines d’entreprises israéliennes étaient impliquées dans cette industrie largement frauduleuse, employant des milliers d’Israéliens, qui auraient fait des milliards de victimes dans le monde entier.
De nombreux agents frauduleux se sont enrichis au détriment des victimes, dans le monde entier. Leurs actes n’ont pas été punis et leur statut, au sein de la société, ne semble guère avoir été ébranlé.
Les forces de l’ordre israéliennes se sont montrées incapables – ou non-désireuses – de s’attaquer au problème des fraudes sur internet dans le pays, en dépit du fait que, depuis plusieurs années, ces dernières se font à l’échelle industrielle.
« Pour tous ceux qui connaissent bien l’industrie des options binaires en Israël, il est clair que les tactiques frauduleuses présentées dans l’affaire Yukom n’étaient pas uniques mais plutôt une pratique courante parmi de nombreuses sociétés israéliennes dans l’industrie », dit l’avocat israélien Nimrod Assif, qui a poursuivi plusieurs firmes du Forex et des options binaires, au du Times of Israel.
« Une telle illégalité continue et étendue n’a pu être rendue possible que par un échec systématique des forces de l’ordre. Tandis que dans de nombreux secteurs, comme la technologie et la recherche universitaire, Israël est sur le devant du monde développé, ici, le pays semble à la traîne des autres pays développés et tout particulièrement des Etats-Unis. En prenant davantage d’initiatives en termes d’application de la loi, les Etats-Unis peuvent aider l’Etat d’Israël et non seulement en signalant aux contrevenants en Israël qu’ils ne peuvent pas agir impunément, mais également en ouvrant la route aux forces de l’ordre et aux enquêteurs ».