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Options binaires : Un avocat au centre d’une enquête pour fraude en GB

Moshe Strugano a été arrêté et libéré sous caution par la police de Londres en 2019 ; des sources expliquent que le dossier est lié à une firme d'investissement en faillite

Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël

Moshe Strugano, en 2013. (Crédit: Capture d'écran Facebook)
Moshe Strugano, en 2013. (Crédit: Capture d'écran Facebook)

L’avocat israélien Moshe Strugano, expert auto-proclamé dans la « formation d’entreprises offshore« , fait actuellement l’objet d’une enquête pour des actes possibles de blanchiment d’argent et de conspiration de fraude, a fait savoir le Financial Times vendredi.

« La police de la ville de Londres est en train de mener un certain nombre d’investigations pour apporter son aide au service des procureurs de la couronne dans la décision qu’ils seront amenés à prendre dans leur recommandation de poursuites judiciaires à l’encontre d’un certain nombre d’individus qui font l’objet d’une enquête », a commenté un porte-parole auprès du journal britannique.

Strugano, 50 ans, était personnellement très impliqué dans l’industrie des options binaires largement frauduleuse en Israël. Pour de nombreux aspirants négociants en options binaires, il était l’homme à aller voir pour enregistrer des compagnies offshore, pour ouvrir des comptes en banque à l’étranger et pour connecter des centres d’appel à des fournisseurs de cartes de crédit, ont expliqué des sources au Times of Israel. Il avait également représenté des compagnies d’options binaires et notamment IvoryOption, BeeOptions et SecuredOptions, face à des avocats qui avaient tenté de récupérer les fonds d’investisseurs escroqués, ont noté ces sources.

Une source proche de Strugano a démenti que ce dernier ait participé à la mise en place juridique de compagnies offshore ou qu’il ait officiellement créé un lien entre des centres d’appels et des fournisseurs de cartes de crédit, reconnaissant néanmoins que Strugano avait ouvert des comptes au nom de ses clients.

Strugano avait été arrêté, début 2019, par la police de Londres et il avait été remis en liberté provisoire, a précisé le Financial Times, citant les registres judiciaires britanniques.

En réponse à une demande du Times of Israel, la source proche de Strugano a nié tout lien entre l’enquête menée à Londres et les options binaires, affirmant que le dossier concernait l’effondrement d’une firme d’investissement située au Royaume-Uni.

« L’année dernière, M. Strugano a été sollicité pour venir aider à faire avancer une enquête en cours à Londres et il a soumis une déclaration complète concernant l’effondrement d’une firme d’investissement britannique », a continué la source.

« Ce dossier n’est aucunement lié aux options binaires mais plutôt à une firme pour laquelle M. Strugano a travaillé pendant quatre à cinq mois, il y a six ans », a-t-elle précisé.

« Depuis, M. Strugano n’a jamais été à nouveau sollicité au Royaume-Uni pour un travail d’investigation plus poussé », a-t-elle poursuivi.

Des « avis juridiques » pour les firmes d’options binaires

Strugano avait fourni d’innombrables « avis juridiques » aux compagnies d’options binaires qui avaient besoin d’une banque ou d’une banque acquéreuse pour traiter leurs paiements par carte de crédit, affirmant que ces entreprises se conformaient aux lois anti-blanchiment d’argent dans les pays où elles avaient été incorporées.

Tout marchand en ligne désireux de pouvoir recevoir des paiements par carte de crédit a besoin d’une « banque acquéreuse » pour les accepter et les garantir. La banque acquéreuse est une obligation inscrite dans la loi dans de nombreux pays, qui vise à garantir que l’activité commerciale n’est pas illégale, pour connaître la véritable identité des propriétaires de l’entreprise marchande et pas seulement l’identité de ses directeurs, qui peuvent être des hommes de paille.

Strugano avait fourni ces « avis juridiques » pour aider les processeurs de paiement à faire preuve de diligence, malgré le fait que les activités d’un grand nombre de firmes d’options binaires étaient loin d’être légales.

Un avis juridique émis le 31 octobre 2016 et que l’avocat avait fourni au site d’options binaires StellarFinance.com disait ainsi qu’il était légal d’exploiter depuis la Bulgarie une firme d’options binaires.

« Je, soussigné Moshe Strugano…confirme par la présente que BANKXI LTD (StellarFinance.com) mène ses opérations conformément aux lois et aux régulations mises en oeuvre dans son pays d’enregistrement, la Bulgarie, où il n’y a aucune exigence de permis d’exploitation pour les entités offrant des services d’options binaires. Je confirme donc par la présente que BANKXI LTD mène ses opérations conformément à l’AML et aux politiques de contrôle mises en oeuvre par la Bulgarie ».

Strugano avait déclaré ne jamais avoir été employé d’une firme d’options binaires et ne jamais avoir occupé un poste dans une telle firme.

« Veuillez noter », avait-il pris l’habitude d’écrire au bas d’un grand nombre d’avis juridiques qu’il avait émis, « que je, soussigné, suis un avocat indépendant et que je n’occupe aucune fonction/emploi chez le commerçant concerné ».

Il s’est avéré que Trugano avait, en fait, été actionnaire dans les centres d’appels israéliens des compagnies d’options binaires pour lesquelles il avait émis des avis, comme le confirme le registre israélien des entreprises.

Strugano a déclaré au Times of Israel qu’à chaque occasion, il avait possédé des actions « en dépôt » pour le véritable propriétaire.

Moshe Strugano (au centre, en veste bleu) lors d’un séminaire Invest in Cyprus à Tel Aviv, en 2017 (Capture d’écran : Facebook)

« En tant qu’avocat, moi-même et mon cabinet sommes enregistrés dans plus de cent firmes en fiducie, et je ne peux donc pas me rappeler de toutes. Mon bureau offre aux firmes israéliennes et étrangères des services d’intermédiaire. Nos clients signent des accords de fiducie et lorsque nous découvrons que des activités sont illégales, nous nous retirons de ce rôle d’intermédiaire. Nous ne sommes nullement impliqués, de quelque manière que ce soit, dans les activités des entreprises, nous ne servons que d’intermédiaires sur les documents des firmes », avait-il écrit dans un courriel adressé au Times of Israel, au mois d’octobre 2019.

La source proche de Strugano a déclaré lundi au Times of Israel que « jusqu’à il y a deux ans, le cabinet d’avocats représentait approximativement 300 clients et cent firmes en fiducie. La firme a démissionné immédiatement quand elle a découvert que des clients étaient impliqués dans le secteur des options binaires ».

La source a insisté sur le fait que le cabinet d’avocats de Strugano n’ouvrait pas d’entreprises offshore mais qu’il se contentait de présenter des clients à des tiers pour le faire.

« La firme n’ouvre pas de compagnies offshore, ne met pas en lien les centres d’appel et les entreprises de carte de crédit, mais elle présente des clients aux négociants », a-t-elle dit.

Les documents issus des Panama Papers, obtenus par le journal allemand Süddeutsche Zeitung et partagés avec le consortium national des journalistes d’investigation, contredisent néanmoins cette affirmation. Les documents décrivent Strugano comme un « client » de la branche israélienne du tristement célèbre fournisseur de service généraux Mossack Fonseca et ils montrent même que Mossack Fonseca avait émis des factures au nom de Moshe Strugano, en 2014, pour la maintenance de plusieurs entreprises d’options binaires basés à Anguilla, et notamment au nom de CIT Investments Ltd., associé au site d’options binaires Citrades.com.

Une facture de 2014 émise par Mossack Fonseca au nom de Moshe Strugano précisant des frais de maintenance pour plusieurs firmes offshore liées aux options binaires (Crédit : Panama Papers/ICIJ)

Au mois de novembre 2018, l’ex-directeur-général de Citrades, Jason Scharf, avait plaidé coupable aux Etats-Unis pour le rôle qu’il avait joué dans un plan de fraude aux options binaires, pour un montant de 8,3 milliards de dollars. Il purge actuellement une peine de 57 mois.

Les pages archivées du site de Trugano montrent qu’en 2010, il s’était spécialisé dans l’aide apportée aux clients désireux d’acheter des appartements en Israël, dans la conclusion des licenciements litigieux, aidant les salariés à récupérer leur argent et dans des services d’acquisition de visas pour les travailleurs étrangers. Il avait aussi aidé à établir des firmes du Forex. Fin 2013, néanmoins, le bureau de Strugano s’était principalement présenté comme spécialisé dans l’établissement de compagnies offshore.

« Le bureau offre des services dans une grande variété de secteurs, notamment dans la fiducie, l’ouverture de sociétés dans des paradis fiscaux et dans la planification de structures pour les entreprises et les individus désireux d’ouvrir des comptes bancaires dans différents pays du monde. De plus, le bureau fournit des services au secteur financier partout dans le monde », selon les pages qui ont été archivées.

Des documents judiciaires de 2010 montrent que Strugano vivait dans la tour Neve Tzedek Tower, l’un des bâtiments d’habitation les plus luxueux de Tel Aviv, où il rencontrait certains de ses clients autour de la piscine.

L’industrie des options binaires a prospéré en Israël pendant une décennie avant d’être interdite par une loi de la Knesset en octobre 2017, en grande partie grâce à un travail d’investigation du Times of Israël qui a commencé par un article de mars 2016 intitulé « Les loups de Tel Aviv ».

À leur apogée, des centaines d’entreprises en Israël employaient des milliers d’Israéliens qui auraient volé des milliards à des victimes dans le monde entier. Les sociétés frauduleuses faisaient croire aux victimes qu’elles investissaient et gagnaient de l’argent avec succès, les encourageant à déposer de plus en plus sur leurs comptes, jusqu’à ce que la société finisse par couper le contact avec l’investisseur et disparaisse avec leurs fonds.

Les procureurs israéliens n’ont jamais inculpé un seul suspect issu de la fraude aux options binaires. Aux Etats-Unis, deux douzaines de personnes ont été mises en examen et des dossiers au civil sont actuellement en cours, mettant en cause de nombreux autres acteurs de cette industrie.

Le cabinet de Strugano a envoyé au Times of Israel un communiqué disant que : « En tant que cabinet majeur au service de l’industrie en ligne, nous continuerons à servir nos clients avec une emphase extrême placée sur la conformité de leurs activités aux dispositions de la loi ».

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