Ouverture du procès des frères Touil, soupçonnés d’arnaque à la taxe carbone
Le 3 septembre s'ouvre au tribunal correctionnel de Paris le procès d'une vingtaine de personnes soupçonnées d'avoir participé au "casse du siècle"
Le procès de l’affaire « B-Concept », un volet à 70 millions d’euros de la gigantesque escroquerie à la TVA sur le marché des droits à polluer, a débuté lundi à Paris dans une ambiance délétère, avec la charge d’un prévenu contre le Parquet national financier (PNF).
Seize prévenus sont jugés jusqu’au 4 octobre devant la 32ème chambre du tribunal correctionnel, pour la plupart pour escroquerie ou blanchiment en bande organisée. Parmi eux, plusieurs sont bien connus des juges financiers, six sont recherchés.
Ce dossier, dans lequel 70 millions d’euros ont été éludés au fisc entre 2007 et 2009 sur le marché des « quotas carbone », sur le modèle d’une classique escroquerie à la TVA, est centré sur une fratrie, les frères Touil : Richard, en fuite, Mike, et Fabrice.
Sur le banc des prévenus figure notamment Nadav Bensoussan, le fondateur de « France Offshore », condamné l’an dernier pour fraude fiscale à cinq ans d’emprisonnement, dont trois avec sursis et mise à l’épreuve.
« Rejetons d’une famille juive venue de Tunisie, raconte L’Express les cinq frères Touil ont grandi dans les quartiers du nord de Paris, entre les pavés de Belleville et les pelouses des Buttes Chaumont. Leur père, Sylvain, coureur de marathon assidu, tenait un commerce de textile rue des Pyrénées (…). Leurs copains de jeunesse, « Tunes » (juifs de Tunisie) eux aussi, s’appellent Souied, Mouly ou Chikli ».
La combine de l’arnaque à la taxe carbone était simple : acheter des droits à polluer hors taxe à l’étranger, les revendre TTC en France puis investir les fonds dans une nouvelle opération sans jamais reverser la TVA à l’État. Elle aura coûté 1,6 milliard d’euros à l’administration fiscale française entre septembre 2008 et juin 2009.
Richard, comme beaucoup d’autres a commencé en vendant des encarts publicitaires fictifs. Il sera condamné en 2004, avant de passer brièvement par la case cinéma, puis de s’envoler vers Israël. Visé par un mandat d’arrêt international, Richard Touil ne sera pas ce lundi dans le box des accusés.
Son frère, est soupçonné d’avoir fait partie de l’arnaque au « faux Jean-Yves Le Drian » qui consistait, grâce à un quasi-sosie du ministère de la Défense qu’il était alors (il est aujourd’hui à la tête du Quai d’Orsay) de soutirer de fortes sommes à des sociétés de sécurité en vue de libérer de supposés otages.
« L’escroquerie du siècle » qui s’est déroulée sur le marché des quotas d’émissions de CO2 en 2008-2009 a coûté au total 1,6 milliard d’euros au fisc français.
En ouverture d’audience, la défense de Fabrice Touil a accusé un magistrat du PNF d’entretenir un « antisémitisme latent » à l’égard de M. Touil, « une volonté de toujours lui nuire », selon l’un de ses avocats, David-Olivier Kaminski.
Les avocats de M. Touil accusent notamment ce substitut d’avoir, dans un « amalgame » entre « juif » et « israélien », faussement indiqué aux autorités américaines qu’il possédait un passeport israélien, synonyme de risque de fuite, en demandant son extradition en 2015. Visé par une plainte pour faux en écriture publique et tentative d’escroquerie au jugement, le PNF évoque une « erreur ».
Le procureur national financier en personne, Éliane Houlette, est venue dénoncer à l’audience cette accusation d’antisémitisme « d’une extrême gravité », « des propos misérables et insultants », suscitant les cris de protestation des avocats qu’elle apostrophait.
Un autre avocat de Fabrice Touil a par ailleurs ordonné à l’une de ses consœurs qui prenait la défense du PNF de « ramper en silence ».
Les défenseurs de M. Touil avaient demandé au parquet général, en vain, que le magistrat visé soit écarté de l’audience.
En fin de journée, le tribunal a rejeté leur demande de renvoi du procès, comme celles d’autres prévenus.