Ouverture d’une information judiciaire sur les « Mains rouges » au Mémorial de la Shoah
La procureure de la République de Paris dit "avoir" des pistes sur les 35 tags apposés dans la nuit du 13 au 14 mai, mais ne peut pas encore adopter le terme d'ingérence étrangère
La procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, a annoncé lundi sur FranceInfo avoir « ouvert une information judiciaire vendredi » pour poursuivre les investigations sur les « Mains rouges » taguées sur le Mémorial de la Shoah à Paris.
Les enquêteurs, qui travaillent désormais sous l’égide d’un juge d’instruction, creusent la piste de trois suspects en fuite à l’étranger.
L’information judiciaire a été ouverte pour « dégradation du bien d’autrui commise en réunion » avec la circonstance aggravante que « les faits ont été commis en raison de l’appartenance vraie ou supposée à une ethnie, race ou religion », ce qui fait encourir sept ans d’emprisonnement, a souligné le parquet.
Elle a aussi été ouverte pour association de malfaiteurs, infraction passible de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Aucun tag, aucun symbole antisémite n'est tolérable mais certains font plus de mal que d'autres : hier soir, des mains rouge-sang, ont été peintes sur le Mur des Justes au Mémorial de la Shoah.
Quels que soient les auteurs, cette dégradation du Mémorial de la Shoah, symbole des… pic.twitter.com/DQ8xKQGpbD
— Yonathan Arfi (@Yonathan_Arfi) May 14, 2024
Interrogée sur la piste d’une éventuelle ingérence étrangère, Beccuau a déclaré ne pas pouvoir « confirmer » cette hypothèse.
« Nous avons des pistes sur les auteurs », a déclaré la procureure, mais « je ne souhaite pas le dire tout de suite et je ne me sens pas en capacité » à ce stade « d’adopter ce terme » d’ingérence étrangère.
Dans la nuit du 13 au 14 mai, 35 tags représentant des mains rouges ont été peints sur le Mur des Justes, à l’extérieur du Mémorial, où sont apposées des plaques portant les noms des 3 900 hommes et femmes qui ont contribué à sauver des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Après cet acte de vandalisme, une enquête a été ouverte pour dégradations volontaires sur un bien classé et en raison de l’appartenance à une nation, ethnie, race ou religion.
La vidéosurveillance a permis aux policiers de repérer trois suspects et de « retracer [leur] parcours » jusqu’à un hôtel de l’est de Paris, « puis leur départ vers la gare routière » et « leur départ pour la Belgique », avait indiqué mercredi le parquet.
« Les investigations ont également établi que les réservations avaient été effectuées depuis la Bulgarie », avait ajouté le parquet, sans s’avancer sur la nationalité des intéressés.
Ces tags de mains ensanglantées ont suscité une vive indignation, dans la communauté juive et jusqu’au sommet de l’État. Les mains ensanglantées sont un symbole très controversé en Israël, qui fait entre autres référence aux Palestiniens qui ont fièrement lynché Yosef Avrahami et Vadim Norzhich, deux réservistes israéliens qui s’étaient égarés le 12 octobre 2000 à Ramallah. L’un des assassins avait alors montré ses mains remplies de sang à la foule qui jubilait, alors qu’il venait de massacrer les deux militaires. Ils ont ensuite jeté les corps depuis l’immeuble, avant de pendre l’un des deux et puis de danser sur les corps mutilés, pendus et brûlés des deux Israéliens toujours devant une foule de Palestiniens visiblement ravis.
De nombreux étudiants de Science Po Paris ont récemment arboré des mains ensanglantées lors du blocage de leur établissement, qui selon eux visait à soutenir les Palestiniens.
Ils ont aussi engendré des messages qui critiquaient le président de la République, Emmanuel Macron, sur X, relayés dans la foulée par des comptes aux allures de « bots » (comptes automatiques créés à la chaîne relayant du contenu sur les réseaux sociaux), une méthode que l’on retrouve dans des campagnes de désinformation et/ou d’ingérence étrangère.
En octobre, la découverte d’étoiles de David taguées sur des immeubles en région parisienne avait fait craindre une importation du conflit israélo-palestinien.
Mais l’affaire, pour laquelle un couple de Moldaves a été interpellé, a finalement été imputée par les autorités françaises aux services de sécurité russes (FSB).