Paris : un colloque sur la Shoah parasité par des proches du pouvoir polonais ?
L'EHESS "étudie la possibilité de donner des suites judiciaires à ces faits" après qu'un colloque sur la nouvelle école polonaise sur l'histoire de la Shoah a été perturbé
L’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) organisait les 21 et 22 février, en collaboration avec la Fondation pour la mémoire de la Shoah, un colloque international sur la nouvelle école polonaise d’histoire de la Shoah, marqué par des interruptions antisémites graves et dénoncées de toutes part.
« Depuis une vingtaine d’années, d’importants travaux conduits par des historiens polonais renouvellent la compréhension de l’histoire de la Shoah en éclairant la question des rapports judéo-polonais pendant la Seconde Guerre mondiale, » explique un communiqué de l’EHESS. « Faire connaître en France le travail mené en Pologne constitue une exigence intellectuelle, morale et politique ».
« Dans les semaines précédant l’ouverture du colloque, de multiples pressions ont été exercées par téléphone et par courrier électronique à l’encontre des organisateurs du colloque ainsi que de la Présidence de l’École des hautes études en sciences sociales, » affirme la direction de l’école. « La première journée du colloque a été marquée par des interventions intempestives visant à perturber son déroulement normal. La barrière de l’intolérable a été franchie avec la profération de propos antisémites ».
Sidéré, l’historien Tal Bruttmann, spécialiste de la Shoah, a décrit sur son compte Facebook les débordements antisémites qui ont eu lieu lors du premier jour de ce colloque.
Colloque jour 2.On prend les mêmes et on recommence. Dans le genre parasitage et tentative d'intimidation ce se pose…
Posted by Tal Bruttmann on Friday, February 22, 2019
Louant dans un premier temps les interventions des historiens polonais et les nouveaux travaux sur la Shoah issus de « la Pologne éclairée, qui constitue l’une des meilleures écoles historiographiques du monde (…) qui se trouvent en outre face et dans la ligne de mire du régime nationaliste au pouvoir », Tal Bruttmann a ensuite décrit le reste des intervenants.
Mais « les nationalistes ont dépêché les leurs pour interrompre et parasiter », continue-t-il, « ces mêmes dignes représentants du pouvoir en place ont tenu de joyeux propos antisémites, directement issus du Moyen-Age. Là c’est pas Rothschild qui est dénoncé, mais le Talmud et ses prescriptions contre les chrétiens, rien de moins ».
Tout aussi choqué, il décrit ensuite le deuxième jour du colloque :
« On prend les mêmes et on recommence. Dans le genre parasitage et tentative d’intimidation se pose là. Les ingrédients ? L’institut de la mémoire nationale (l’IPN) qui envoie un de ses représentants à Paris, une association « défendant l’honneur de la Pologne » qui mobilise ses membres, et les services de l’ambassade à Paris qui coordonnent apparemment. On filme, on photographie, on enregistre, puis on balance sur les réseaux sociaux en désignant à la vindicte populaire les coupables de propos hors de la ligne du parti (oui, l’héritage est là) ».
L’École des hautes études en sciences sociales « dénonce avec la plus grande fermeté ces atteintes inacceptables à la liberté de pensée et à la liberté académique qui s’inscrivent dans un contexte préoccupant d’intimidation de la recherche et des chercheurs dans plusieurs pays d’Europe. Elle étudie la possibilité de donner des suites judiciaires à ces faits. »