Israël en guerre - Jour 373

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Pélicans contre pisciculteurs, le conflit insoupçonné d’Israël

Pour tenter d'empêcher les pélicans de siphonner les poissons des piscines d'élevage, on distribue des petits poissons aux pélicans, loin des piscicultures

Une photo prise le 16 novembre 2017 montre des pélicans au lac Agamon dans la vallée de Hula dans le nord d'Israël.
(Crédit : AFP / MENAHEM KAHANA)
Une photo prise le 16 novembre 2017 montre des pélicans au lac Agamon dans la vallée de Hula dans le nord d'Israël. (Crédit : AFP / MENAHEM KAHANA)

Les pélicans sont là, à attendre, leurs pattes plantées dans la vase. Et à la seconde où le camion-citerne commence à vider son chargement de petits poissons, ils attaquent de leur grand bec le buffet frétillant qui roule sur les eaux.

Chaque année environ 50 000 pélicans « visitent » Israël lors de leur migration entre les Balkans et l’Afrique, où ils profitent d’un climat plus clément l’hiver avant de retourner au printemps en Europe.

Mais lors de cet « arrêt au stand », qui peut se prolonger sur des semaines, les volatiles gracieux ont faim. Très faim…

Voraces, ils prennent d’assaut des réservoirs de piscicultures à la recherche de poissons frais, causant chaos, frayeurs et pertes pour l’industrie locale.

« Ils n’ont pas d’autres endroits pour prendre une pause et se ravitailler », note Eli Sharir, directeur général de l’Association israélienne des pisciculteurs. « Pour nous, cela représente donc des millions de shekels par année » en perte, dit-il.

Pour tenter d’empêcher les pélicans de siphonner les poissons des piscines d’élevage, les autorités ont trouvé il y a quelques années une solution: elles ont commencé à distribuer des petits poissons aux pélicans, loin des piscicultures.

Ce jour-là, dans le nord-est d’Israël, non loin de la frontière libanaise, un camion-citerne déverse ses eaux remplies de poissons gigotants, aussitôt béquetés par les pélicans, dans un concert de cris et d’extase.

Une photo prise le 16 novembre 2017 montre des pélicans au lac Agamon dans la vallée de Hula dans le nord d’Israël.
Plus d’un demi-milliard d’oiseaux de quelque 400 espèces différentes traversent la vallée du Jourdain pour l’Afrique et retournent en Europe au cours de l’année. Quelque 40 000 grues grises sont restées pendant l’hiver dans le lac Agamon au lieu de migrer vers l’Afrique, profitant de la sécurité de cette source d’eau artificielle. Les agriculteurs locaux nourrissent les oiseaux avec du maïs dans le but de les empêcher de détruire leurs champs agricoles. (Crédit : AFP / MENAHEM KAHANA)

En Israël, la production des piscicultures représente environ 10 % de la consommation nationale de poissons. Mais cette industrie demeure vitale dans des villages comme Emek Hamaayanot et ses paysages émeraude en contrebas du mont Gilboa.

Dans ces régions, les pisciculteurs ont joint leurs forces à celles de l’Autorité nationale des parcs et de la faune afin de créer des sources alternatives de poissons pour les pélicans en migration.

Mais en leur offrant, loin des piscicultures, des poissons encore trop petits pour la vente, donc non commercialisables, certains craignent toutefois de voir les pélicans s’accoutumer à ces snacks sans efforts et ainsi s’installer en Israël tout l’hiver.

Protégés par différentes conventions internationales, les pélicans sont interdits de chasse en Israël. Et pour les chasser des piscicultures, des agriculteurs comme Dor Maimon utilisent d’autres techniques.

A Beit Alfa, près du mont Gilboa, il dépose sur un réservoir de pisciculture un bateau d’environ d’un mètre de long télécommandé qu’il dirige rapidement vers un groupe de pélicans badinant sur l’eau. Le bateau téléguidé, au moteur ronronnant, effraie des oiseaux qui s’envolent sur le champ.

White pelicans at Hula Lake in Northern Israel (photo credit: Nati Shohat/Flash90)
Des pélicans blancs au lac Hula dans le nord d’Israël (Crédit photo : Nati Shohat/Flash90)

Nitzan Nadan, qui gère la coopérative de pisciculteurs de Guilboa, installe de jour des hauts-parleurs sur des véhicules et tirent dans les airs des cartouches non létales qui produisent un son de craquement. But de la manoeuvre : effrayer les oiseaux par le bruit.

Le soir, ce sont des projecteurs et des rayons laser qui sont utilisés pour effrayer les pélicans et les empêcher de se vautrer dans le butin sous l’eau.

« Les pélicans doivent manger et ils se nourrissent dans nos réservoirs, ils nous causent des pertes inimaginables », dit-il aux abords d’une de ses « piscines » géantes en chiffrant à environ 600 000 shekels (155 000 euros) la facture annuelle des stratagèmes qu’il déploie pour faire fuir les pélicans.

La présence des pélicans s’est accrue ces dernières années en Israël, dit remarquer Eli Sharir, de l’Association des pisciculteurs.

Cette migration en hausse ne serait pas liée à une augmentation de la population de pélicans, mais à l’assèchement de plans d’eau dans des pays de la région comme la Turquie, le Liban ou la Syrie, où les pélicans ont coutume de s’arrêter dans leur migration, estime Amit Dolev, biologiste à l’Autorité israélienne des parcs et de la faune.

Résultat, dit-il, les plans d’eau restants sont plus sollicités par les pélicans. Et puisque, selon lui, les lois israéliennes empêchent de tuer les pélicans, les volatiles ont peut-être tendance aussi à éviter d’autres pays de la région pour prendre leur pause en Israël.

« A plusieurs égards, Israël est une île au Moyen-Orient en terme de préservation de la faune », dit-il, appelant à plus de coopération afin de trouver une solution au conflit entre pélicans et pisciculteurs.

« C’est une question globale », car ces pélicans viennent d’Europe pour passer l’hiver en Afrique, mais « nous affrontons le problème, seuls, de notre côté ».

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