Portugal : L’enquête sur la citoyenneté de Juifs est comme un « Holocauste »
Le chef de la communauté s'est insurgé contre l'enquête menée par les autorités sur son rôle dans le contrôle de l'ascendance séfarade de Roman Abramovich, entre autres
JTA – Le chef de la communauté juive de Porto, au Portugal, a déclaré qu’une enquête criminelle autour du rôle de l’organisation dans le filtrage des Juifs d’ascendance séfarade pour la citoyenneté portugaise équivaut à une persécution antisémite de la part des fonctionnaires.
Selon les dispositions d’une loi de 2015 accordant la citoyenneté portugaise aux descendants des Juifs séfarades persécutés au Portugal et en Espagne lors de l’Inquisition au XVe siècle, les arbres généalogiques des demandeurs sont examinés par des experts de l’une des communautés juives du Portugal, à Lisbonne ou à Porto.
Dans une lettre particulièrement sévère adressée aux législateurs la semaine dernière, Gabriel Senderowicz a déclaré que l’enquête perpétuait un « Holocauste contre les familles ».
En signe de division parmi les Juifs du pays, un ancien dirigeant de la communauté juive de Lisbonne a rejeté les allégations de Senderowicz comme étant infondées et « absurdes ».
La lettre de Senderowicz aux législateurs est le dernier développement en date d’un scandale qui a éclaté en février à propos du contrôle par la communauté des demandes de citoyenneté des candidats s’identifiant comme descendants de Juifs séfarades.
En mars, les autorités ont brièvement détenu le rabbin de la communauté de Porto, Daniel Litvak, soupçonné de fraude dans le cadre de ces demandes.
Le mois précédent, on a appris que Roman Abramovitch, milliardaire russo-israélien qui fait l’objet de sanctions dans de nombreux pays en raison de ses liens présumés avec le président russe Vladimir Poutine, était devenu citoyen portugais sur recommandation de la communauté de Porto.
L’examen d’Abramovich, dont le nom de famille est clairement ashkénaze et qui a de nombreux ancêtres ashkénazes, a été largement considéré comme suspect. Ni lui ni la communauté juive de Porto n’ont publié d’arbre généalogique démontrant son ascendance séfarade, bien que la communauté de Porto ait justifié l’autorisation de sa demande comme étant conforme à la loi.
En 2016, le gouvernement portugais a confié à la Communauté juive de Porto et à celle de Lisbonne – des organismes officiels qui représentent les Juifs de ces villes – le soin de vérifier les demandes de naturalisation en vertu d’une loi que le Parlement a adoptée en 2013. Cette loi garantit la citoyenneté portugaise à toute personne capable de prouver que ses ancêtres étaient des juifs séfarades.
L’État portugais envisage désormais de modifier la loi, en limitant éventuellement son application aux personnes pouvant démontrer un « lien effectif avec le Portugal »
Mercredi, Senderowicz a écrit au président de la commission des questions constitutionnelles, des droits, des libertés et des garanties du Parlement portugais, décrivant l’enquête comme « la plus grande attaque contre une communauté juive en Europe au XXIe siècle », ajoutant qu’elle est « menée contre la plus forte communauté juive d’Europe aujourd’hui ».
Des personnes anonymes que Senderowicz a décrites comme des « agents de l’État » ont utilisé des journalistes et des personnes influentes pour « faire avancer la diffamation antisémite. » Semaine après semaine, a-t-il ajouté, « nous avons assisté à un holocauste contre des familles juives, exposé dans les journaux. » Dans une déclaration, la communauté a accusé d’antisémitisme l’ensemble de « l’Etat portugais ».
Esther Mucznik, ancienne vice-présidente de la communauté juive de Lisbonne, a qualifié les allégations de Senderowicz « d’absurdes, sans aucun fondement avec la réalité. » En réalité, « les autorités se penchent sur des actions criminelles présumées et nous saurons ce qu’elles trouveront lorsque leur enquête sera terminée. »
Jose Oulman Carp, président de la communauté juive de Lisbonne, a refusé de commenter les allégations de son homologue de Porto.
Avant l’ouverture de ces enquêtes, les leaders de la communauté juive de Porto mettaient en avant leur ville et leur pays comme étant un havre de paix contre l’antisémitisme.
Michael Rothwell, membre du conseil d’administration de la communauté juive de Porto, faisait partie des nombreux Juifs qui ont plébiscité la loi, qui, selon le gouvernement, devait expier la persécution des Juifs pendant l’Inquisition.
L’année dernière, il l’a qualifiée d' »acte de justice » et a encouragé les Juifs à venir s’installer dans sa ville, qu’il a décrite comme « un environnement de tolérance, peu d’antisémitisme, et une communauté active et accueillante. »
Plus de 50 000 personnes ont acquis la citoyenneté portugaise en vertu de la loi portugaise du retour des séfarades.