Israël en guerre - Jour 585

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Pour les malentendants, la reconnaissance de la langue des signes israélienne est très parlante

La création d'un département dédié à la langue des signes par l'Académie de la langue hébraïque est considérée comme une avancée majeure pour le développement et la codification de ce système de communication unique

Doron Levy, chef du département de la langue des signes israélienne à l'Académie de la langue hébraïque, tenant une affiche expliquant les signes de base de la langue des signes israélienne, le 24 mars 2025. (Crédit : Rossella Tercatin/Times of Israel)
Doron Levy, chef du département de la langue des signes israélienne à l'Académie de la langue hébraïque, tenant une affiche expliquant les signes de base de la langue des signes israélienne, le 24 mars 2025. (Crédit : Rossella Tercatin/Times of Israel)

Lorsqu’un musée populaire de la Vieille Ville de Jérusalem consacré à l’histoire de la ville a décidé de rendre ses expositions entièrement accessibles aux visiteurs ayant des besoins particuliers, notamment les personnes sourdes et malentendantes, il s’est trouvé confronté à un véritable défi.

Plusieurs termes historiques et archéologiques qui font partie du jargon du musée, tels que « pèlerin chrétien », « période byzantine » et « hasmonéen », n’avaient pas d’équivalent en langue des signes israélienne.

Pour remédier à ce problème, le Musée de la Tour de David a fait appel à l’Académie de la langue hébraïque, l’institution officielle chargée de régir l’usage de l’hébreu moderne, qui dispose, depuis 2022, d’un département consacré à la langue des signes israélienne.

« Étant une langue relativement nouvelle, la langue des signes israélienne manque encore de nombreux termes qui n’ont pas de signes spécifiques », a expliqué Doron Levy, directeur du département, au Times of Israel lors d’une interview réalisée depuis le siège de l’Académie, situé sur le campus Givat Ram de l’Université hébraïque de Jérusalem.

« Nous avons consulté des experts dans ce domaine afin de comprendre la signification de ces termes », déclare Levy, s’exprimant en langue des signes avec l’aide d’un interprète qui traduisait en hébreu oral à l’intention de notre journaliste.

Selon Levy, entre 10 000 et 20 000 personnes utilisent la langue des signes israélienne. Ce chiffre comprend les personnes sourdes, leurs proches, les éducateurs et autres professionnels.

Doron Levy, directeur du département de langue des signes israélienne à l’Académie de la langue hébraïque. (Crédit : Rossella Tercatin/Times of Israel)

Avec des racines qui remontent à près d’un siècle en Europe, cette langue s’est depuis développée pour devenir un système de communication unique, riche d’une symbolique culturelle en constante expansion, destinée à refléter toute la diversité de l’expérience israélienne.

Si l’histoire de la langue des signes israélienne est intimement liée à celle du pays, sa reconnaissance officielle sous l’égide de l’Académie a représenté une étape cruciale et une source de fierté pour Levy et sa communauté.

« Pour les communautés sourdes, c’est un signe incroyable de reconnaissance, qui signifie qu’elles ne sont plus invisibles », souligne-t-il.

« Je suis sourd, mes parents sont sourds. Quand je dis aux gens que je travaille ici, ils sont très impressionnés. »

Tout comme leurs homologues de langue hébraïque, le Département de la langue des signes s’efforce de développer de nouveaux signes pour des projets spécifiques ou de suivre l’évolution de la langue et l’actualité. Il peut également s’agir d’événements moins récents, comme c’est le cas pour le Musée de la Tour de David.

« La représentation en langue des signes implique généralement la sélection d’éléments visuels emblématiques », explique Levy.

« Par exemple, pour signer ‘chats’, nous utilisons l’une de leurs caractéristiques reconnaissables, à savoir les moustaches. »

Pour « pèlerin chrétien », l’Académie a créé un signe représentant une croix, suivi d’un mouvement imitant une personne marchant avec un bâton ; « époque byzantine » est désormais représentée par un signe des mains en prière qui se tournent pour former un « L ».

Mais le cas du terme « hasmonéen » s’est avéré plus difficile à résoudre.

« Pour un terme comme ‘Hasmonéens’, nous avons dû nous demander ce que nous pouvions faire, car personne n’avait jamais vu à quoi ressemblaient les Hasmonéens », explique-t-il.

En consultant des historiens et des archéologues, Levy et l’équipe de langue des signes ont découvert l’existence de symboles hasmonéens bien connus, notamment ceux figurant sur les pièces de monnaie hasmonéennes, dont certains sont même utilisés sur les pièces de shekel modernes.

« Certaines pièces représentent une couronne », explique-t-il.

« C’est le symbole que nous avons choisi pour signer les Hasmonéens. »

300 langues des signes à travers le monde

La langue des signes israélienne a commencé à se développer dans les années 1930, lorsque des enseignants de l’institut juif pour sourds de Berlin, mondialement connu, ont fondé une école à Jérusalem. Si les enseignants et les élèves utilisaient initialement la langue des signes allemande, l’afflux de communautés venues de toute l’Europe, du bassin méditerranéen et du monde arabe au cours des années et des décennies suivantes a contribué à l’élaboration d’une langue des signes spécifique à Israël.

« Il est important de se rappeler que les langues des signes sont locales et non universelles », souligne Levy.

« Il existe environ 300 langues des signes dans le monde, chacune étant intimement liée à sa culture. »

Pour illustrer à quel point la visualisation d’une action simple peut être très différente d’une société à l’autre, Levy montre comment le terme « manger » est signé en portant quelque chose à la bouche en langue des signes israélienne. En revanche, dans la langue des signes japonaise « manger » est signé avec deux doigts qui se déplacent entre la paume et les lèvres, imitant l’utilisation des baguettes.

Des recrues sourdes de l’armée israélienne suivant un cours militaire en langue des signes en 2012. (Crédit : Shaï Ben Ari/Armée israélienne)

Cependant, si la langue des signes israélienne est profondément liée à l’hébreu, il serait erroné de confondre les deux, a souligné Levy.

« L’hébreu peut influencer la langue des signes israélienne, mais il serait inexact de dire que celle-ci est basée sur la syntaxe hébraïque », précise-t-il.

« Cela dit, je continue à lire, écrire et bouger mes lèvres en hébreu. »

La langue des signes israélienne est également utilisée dans les communautés dont la langue maternelle est l’arabe plutôt que l’hébreu.

« Ils bougent souvent les lèvres en parlant arabe plutôt qu’hébreu », ajoute-t-il.

Illustration : Des enfants gazaouis sourds jouant dans un centre de rééducation pour enfants sourds, à Khan Younès, dans la bande de Gaza. 18 janvier 2015. (Crédit : Abed Rahim Khatib/Flash90)

Israël compte également quelques communautés qui ont développé leur propre langue des signes. Certaines communautés arabes présentent des taux élevés de déficience auditive, que les chercheurs attribuent à des facteurs génétiques résultant de mariages consanguins.

Un cas notable est celui de la tribu bédouine d’Al-Sayyid dans le désert du Néguev, où environ 150 personnes sur 4 000 sont sourdes.

« Nous avons six langues des signes en Israël », fait remarquer Levy.

« Cependant, avec le temps, un nombre croissant de membres de ces communautés apprennent la langue des signes israélienne en raison d’une plus grande exposition à l’éducation israélienne et de leur désir de communiquer avec des personnes extérieures à leurs villages. »

De la Knesset à l’Académie

Selon Levy, la création du département de langue des signes à l’Académie marque un tournant pour Israël.

Avant d’être intégrée à l’Académie, cette langue avait un statut quelque peu provisoire, se développant de manière organique mais sans normalisation, ce qui donnait parfois lieu à des variations locales. À Tel Aviv et Haïfa, par exemple, les habitants utilisent des signes différents pour des mots tels que « hôpital » ou « chocolat », selon un projet lancé en 2020 par l’université Bar Ilan afin de créer une base de données sur l’utilisation de la langue des signes israélienne.

Cette langue n’a toutefois pas encore de statut officiel, bien que son utilisation dans l’éducation et dans d’autres domaines soit rendue obligatoire par une loi historique de 1998 sur les droits des personnes en situation de handicap.

En juillet 2021, Shirly Pinto est devenue la première députée sourde de la Knesset et a fièrement prononcé un discours depuis la tribune du Parlement en utilisant la langue des signes israélienne.

« Israël n’a pas réussi à apporter une réponse adéquate aux personnes en situation de handicap. Cette population a été rejetée et complètement marginalisée. Elle a crié, mais n’a pas été entendue », avait-elle signé, suscitant des applaudissements et des saluts de la main, une forme d’applaudissements sourds, de la part des députés réunis.

« En mon nom, au nom des millions d’Israéliens en situation de handicap et de tous les citoyens israéliens, je m’engage à agir. »

Pour Levy, cependant, le moment décisif est survenu un an plus tard, lorsque l’Académie, qui régit l’usage de l’hébreu et la création de nouveaux mots, a intégré la langue des signes israélienne.

« Cela confirme que la langue des signes est une langue réelle et légitime à tous égards », dit-il.

Stav Shafir, une militante, s’adressant à une foule lors d’une grande manifestation sur les prix du logement, lui apprenant à répéter « le peuple veut la justice sociale » en langue des signes israélienne, aux côtés d’un homme malentendant, à Tel Aviv, le 3 septembre 2011. (Crédit : Jorge Novominsky/Flash90)

Malgré les preuves scientifiques démontrant que la langue des signes est traitée dans la même partie du cerveau que le langage parlé et qu’elle apporte des avantages essentiels aux enfants sourds (en complément de la lecture labiale ou d’autres formes de communication), beaucoup, y compris les parents, ont encore des idées fausses sur ce sujet.

En tant que membre de l’Académie, Levy, qui poursuit également un doctorat en linguistique à l’Université de Tel Aviv, s’efforce de lutter contre ces préjugés et de veiller à ce que la langue des signes continue à se développer et à devenir plus accessible.

« L’un de nos projets consiste à développer un dictionnaire bilingue en ligne complet (langue des signes israélienne – hébreu) », explique Levy.

« Il en existe déjà un, mais il est assez limité. Nous voulons l’enrichir et le rendre consultable afin que les utilisateurs puissent rechercher des mouvements spécifiques et voir tous les signes et termes auxquels ils correspondent. Ce sera un outil très important pour tous ceux qui travaillent avec la langue des signes. »

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