Pour stopper les attentats à l’arme à feu en Cisjordanie, l’armée cherche les fusils
12 mois d'opérations menées contre les ateliers d'armement ont multiplié par cinq le prix des fusils artisanaux, ce qui les rend bien moins accessibles pour les actions terroristes spontanées
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

L’armée a une théorie simple sur le moyen à mettre en oeuvre pour faire cesser les attaques à l’arme à feu en Cisjordanie : se débarrasser des fusils et autres revolvers et mitraillettes.
Depuis 2015, l’armée s’est consacrée à une mission que certains peuvent considérer comme chimérique pour débarrasser la Cisjordanie des armes fabriquées et vendues dans la clandestinité, menant presque quotidiennement des opérations dans des ateliers et des entrepôts soupçonnés de servir d’armurerie.
La campagne n’est pas envisagée comme une solution miracle mais a d’ores et déjà entraîné une hausse importante des prix d’acquisition de ces armes pour les terroristes.
« La majorité du nombre des blessés que nous avons eus au cours de ces deux dernières années proviennent d’attaques à l’arme à feu. Nous avons donc décidé de lancer une campagne contre les armureries en Cisjordanie avec pour objectif de réduire les stocks d’armes et pour permettre également d’élever le prix de ces armes plus rares en conséquence », a expliqué un haut responsable des renseignements dans la soirée de jeudi.
Hormis pour les membres des services de la sécurité palestinienne, la possession d’armes de n’importe quel type est illégale pour les Palestiniens. Lors de ses opérations de répression, l’armée s’est focalisée sur les sources de ces armements – les ateliers de fabrication et les trafiquants d’armes au lieu de traquer les propriétaires au niveau individuel.
A cette fin, lors du premier trimestre de 2017, l’armée a fait fermer 20 ateliers soupçonnés de fabriquer des armements et a saisi 150 armes à feu, des chiffres qui pourraient l’amener à surpasser ses résultats de l’année dernière.
En 2016, l’armée a fermé 44 ateliers et confisqué approximativement 450 armes.
« En 2015, nous n’avons pas fermé un seul atelier et nous avons procédé à la saisie de 170 armes sur l’année entière », a dit l’agent des renseignements.

Il a malgré tout affirmé qu’il y a potentiellement des dizaines de milliers d’armes à feu qui circulent en Cisjordanie.
« Nous les cherchons dans le cadre d’une campagne que nous menons à long-terme. Je ne dis absolument pas que dans un an, nous aurons pu sortir toutes les armes à feu de Cisjordanie mais le temps passant, je pense qu’il sera plus difficile [pour les terroristes] de mener des attentats à l’arme à feu à cause de cette campagne », a-t-il déclaré.
Tandis que l’armée ne sera probablement pas en mesure de trouver toutes les armes fabriquées, elle a réussi à faire des fusils et autres revolvers fabriqués artisanalement – et autrefois facilement accessibles – des produits largement plus chers et difficiles à acquérir pour les Palestiniens moyens.
Selon le responsable, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat, le coût des mitraillettes de type « Carlo » -l’armement de choix en Cisjordanie – a grimpé en flèche depuis que l’armée israélienne a commencé ses opérations de répression, quintuplant en un an.

En mai 2016, un Carlo artisanal bas de gamme coûtait 1 500 shekels approximativement. Un an plus tard, la même arme coûte approximativement 7 000 shekels.
Des modèles de meilleure qualité, produits majoritairement à Hébron, ont connu des augmentations similaires, passant de 2 000 shekels à 10 000 shekels, a confié le responsable.
Pour remettre dans le contexte, selon le Bureau central palestinien des statistiques, le salaire mensuel moyen des habitants de Cisjordanie s’élevait à moins de 3 000 shekels en 2015. L’armée israélienne a fait passer le coût d’une arme à un prix qui correspondait à deux semaines de travail à l’équivalent de deux mois de revenus.
« Ainsi, une arme qui coûte des dizaines de milliers de shekels n’est pas si accessible pour un jeune qui souhaite commettre un attentat terroriste », a expliqué le responsable.
Pour illustrer ses propos, l’agent des renseignements a évoqué l’attentat terroriste survenu au mois de juin 2016 sur le marché Sarona, au cours duquel deux Palestiniens en costume avaient ouvert le feu sur un restaurant de Tel Aviv, tuant quatre personnes et blessant plus d’une douzaine d’autres.

Dans cet attentat de Sarona, les costumes des terroristes leur avaient coûté 1 000 shekels de plus que les armes qu’ils avaient utilisées.
Pour leur part, les armes adéquates, produites en série comme les fusils d’assaut AK-47 et M-16 peuvent coûter des dizaines de milliers de shekels. Ce sont donc les groupes terroristes établis, comme le Hamas, ou des personnalités riches qui possèdent donc majoritairement ce type d’armement.
Le nom de « Carlo » provient de la mitraillette m/45 Carl Gustav, créé par la Suède après la Deuxième guerre mondiale. Malgré tout, au-delà d’une « similarité visuelle vague », il y a peu d’éléments permettant de faire le lien entre les deux armes, le Carlo se basant en fait sur des créations de manuels anarchistes conçus aux Etats Unis dans les années 1970 et 1980.
« Aujourd’hui, les modes de fabrication sont largement disponibles sur Internet et se partagent souvent entre des acteurs avec des lignes idéologiques non-gouvernementales », avait expliqué N.R. Jenzen-Jones, directeur des Services de recherche sur les armements (ARES), un cabinet-conseil spécialisé sur le renseignement technique, au Times of Israël l’année dernière.

L’arme « Carlo » peut être fabriquée à partir de matériaux de d’outils assez banals, comme ceux que vendent presque tous les ateliers d’usinage. Ils peuvent être conçus de façon à utiliser n’importe quelle sorte de balle. Mais la simplicité de l’arme a toutefois une contrepartie : Les mitraillettes Carlo sont connues pour être imprécises et avoir tendance à se bloquer.
Pour la majorité des propriétaires de Carlo, ce n’est pas véritablement un problème. Cette mitraillette n’est pas utilisée pour la chasse – domaine dans lequel son imprécision porterait à conséquence ou dans des situations opérationnelles où un dysfonctionnement pourrait être catastrophique. Ce genre d’armes est utilisé plutôt pour protéger les habitations, pour des délits insignifiants et lors des tirs festifs, comme dans les mariages.
Le problème survient lorsque ces armes terminent leur parcours entre les mains de personnes désireuses de commettre des actes terroristes, comme cela a été de plus en plus le cas au cours de ces deux dernières années, dit le responsable.
« Nous n’avons pas géré spécifiquement le problème. Oui, une arme de mariage est menaçante dans un certain sens, mais maintenant nous voyons de plus en plus d’assaillants qui… prennent des armes dans leurs maisons pour différentes raisons et les utilisent pour des attentats terroristes », poursuit-il.