Pour un rabbin haredi, Lapid et Liberman sont des « traitres », « pires que des nazis »
Selon Meir Mazuz, à la tête d'une yeshiva à Bnei Brak, les ministres veulent "étouffer" les étudiants en yeshiva tout en "donnant autant que possible aux Arabes"
Un éminent rabbin haredi s’en est pris à deux ministres israéliens, samedi, les accusant de « trahir » les leurs et estimant qu’ils sont « pires que des nazis ».
Dans une vidéo filmée pendant un cours hebdomadaire devant ses étudiants, le rabbin Meir Mazuz de la yeshiva Kisse Rahamim à Bnei Brak déclare que le gouvernement s’efforce « d’étouffer » les élèves de yeshiva tout en « donnant autant que possible aux Arabes ».
« Nous avons des ici des esprits malveillants. Nous attendons qu’ils quittent ce monde », a déclaré Mazuz, mentionnant le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid, le ministre des Finances Avigdor Liberman ainsi que « tous leurs amis ».
« Ce sont des traîtres à leur peuple, ils haïssent leur peuple. Ils sont pires que des nazis – les nazis adoraient les leurs, mais les ministres haïssent leur peuple. »
Le ministre des Affaires étrangères, Yair Lapid, a répondu dimanche matin aux propos de Mazuz, notant que son grand-père avait été assassiné pendant la Shoah et que son père avait dû affronter la mort dans un ghetto.
Lapid a ainsi écrit sur Twitter que « ma seule réponse à vos propos est que j’aime tout le peuple juif et que je souhaite au rabbin Mazuz un bon Yom Yeroushalayim, une journée d’unité et d’amour pour Israël ».
Mazuz est un influent rabbin séfarade et il est lié aux dirigeants du Shas. Il a été le chef spirituel de l’ancien parti Yachad d’Eli Yishai, qui était un dirigeant du Shas.
Le rabbin a déjà été au centre de controverses dans le passé.
En 2020, Mazuz avait entraîné un torrent de condamnations quand il avait déclaré que la pandémie de coronavirus au sein de l’État juif était une sanction divine pour les défilés de la marche des fiertés dans le monde entier. En 2016, il avait attribué la responsabilité de l’effondrement d’un parking de Tel Aviv qui avait tué six personnes à la profanation du Shabbat.
Les leaders israéliens mettent en garde contre les haines croissantes, les divisions et les incitations à la violence au sein de l’État juif, en particulier depuis la formation de la coalition actuelle qui rassemble des formations de gauche, de droite et du centre.
Ce mois-ci, une activiste de droite a été mise en examen pour avoir envoyé des lettres de menaces contenant des balles au Premier ministre Naftali Bennett et à sa famille.
Lapid a dit avoir reçu des menaces, ainsi qu’un message qui lui souhaitait de mourir d’un cancer, le comparant au chef nazi Adolf Hitler.
Au mois de janvier, un homme a été mis en examen pour avoir menacé le ministre des Affaires religieuses Matan Kahana. La lettre affirmait que sa destinée serait celle du Premier ministre assassiné Yitzhak Rabin. Kahana s’est donné pour objectif de mener des réformes en matière de laïcité, affaiblissant l’hégémonie ultra-orthodoxe sur des sujets variés.
La formation du gouvernement d’unité, l’année dernière, a relégué les factions haredim, Yahadout HaTorah et Shas, dans l’opposition pour la toute première fois depuis des années. Les partis s’en sont pris à Liberman et Lapid, deux laïcs, les accusant de nourrir de la haine à l’encontre de leurs électeurs respectifs.
Les ministres, de leur côté, répètent n’avoir aucune animosité particulière à l’égard de la population ultra-orthodoxe mais chercher à mettre un terme à des injustices – avec des avantages sociaux qui privilégient les haredim par rapport aux autres groupes.
Avec l’avenir de la coalition dans la balance, la Douzième chaîne a indiqué, la semaine dernière, que Liberman prévoyait une nouvelle vague de coupures économiques et de mettre en place des mesures ciblant la communauté ultra-orthodoxe.
Selon le reportage, Liberman voudrait faire avancer trois nouvelles mesures : la réduction des budgets alloués aux études dans les yeshivot d’un tiers – il passerait de 1,2 milliard de shekels à 800 millions de shekels ; le financement du système scolaire privé ultra-orthodoxe à 75 % contre 100 % actuellement et l’allocation de prestations sociales (garde des enfants, aide à la location et rabais sur l’impôt foncier) à ceux qui gagnent un certain revenu seulement – ce qui priverait de ces aides les étudiants à plein temps.
Le député Yamina, Nir Orbach, a explicitement demandé que les allocations versées pour la garde des enfants dans les crèches restent intouchées, sous peine de quitter la coalition au pouvoir.
Initialement, Liberman avait présenté un plan qui prévoyait qu’à partir de 2023, les allocations pour la garde d’enfant ne seraient versées que si les parents travaillaient au moins 24 heures par semaine. Une initiative qui aurait entraîné l’arrêt des allocations pour environ 21 000 enfants, un grand nombre d’entre eux issus de familles ultra-orthodoxes où le père étudie dans une yeshiva.
Mais après les pressions exercées le mois dernier par Orbach, Liberman a accepté de repousser le plan et accepté également que ces réductions prévues ne soient mises en vigueur qu’en 2024.