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Analyse

Pourquoi Netanyahu reste impassible devant les critiques d’Obama sur les implantations

Le Premier ministre croit que concernant le conflit palestinien, tout comme le Moyen Orient dans son ensemble, la situation est à même de changer. Et le temps, est-il convaincu, est de son côté

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant une rencontre bilatérale avec le président américain Barack Obama (non visible) à New York, le 21 septembre 2016. (Crédit : AFP/Jim Watson)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu pendant une rencontre bilatérale avec le président américain Barack Obama (non visible) à New York, le 21 septembre 2016. (Crédit : AFP/Jim Watson)

NEW YORK – Le Premier ministre Benjamin Netanyahu essayait de flatter le président américain Barack Obama quand il a noté son « extraordinaire jeu au golf » pendant leur entretien ici-même mercredi. « Et au passage, a ajouté le Premier ministre, je ne joue pas au golf mais juste à côté de chez moi à Césarée en Israël, il y a un superbe parcours de golf. »

Ce qui aurait pu être sonner comme jovial et accueillant a également pu être compris comme une insulte ambigüe. L’histoire de Politico sur l’entretien ne s’est pas concentrée sur l’aide militaire, la coopération sécuritaire sans précédent ou même sur les implantations, mais sur la curieuse tentative de Netanyahu d’être amical. « Netanyahu a plaisanté sur l’obsession du président Barack Obama pour le golf », a écrit le site internet.

Est-ce que Netanyahu et ses conseillers ne savaient-ils pas que la passion d’Obama pour le golf était rarement évoquée par ses admirateurs, mais habituellement uniquement par ses détracteurs, qui au-delà de mettre en avant ses prouesses athlétiques, cherchent à mettre en lumière son élitisme supposé distant et son mépris pour les gens normaux ?

En décembre, l’ambitieux candidat républicain Donald Trump, adepte du bashing d’Obama, a accusé le président de jouer au golf plus que Tiger Woods. « Nous n’avons pas le temps pour cela, a affirmé Trump. Nous avons du travail ».

Pas plus tard que le mois dernier, Trump a accusé le président de ne pas aller rendre visite aux victimes des inondations en Louisiane par crainte de manquer une partie de golf pendant ses vacances dans le Massachusetts.

Un haut diplomate a confié mercredi soir au Times of Israël que Netanyahu essayait sincèrement d’être le plus amical et chaleureux possible. « Cette affirmation à propos du Premier ministre ayant essayé de quelque manière que ce soit de piquer le président est absolument grotesque et montre par ailleurs comment ce genre de propos, émis sincèrement, peut être totalement sorti de son contexte et évoquer des tensions qui n’existent pas. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président américain Barack Obama à New York, le 21 septembre 2016. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président américain Barack Obama à New York, le 21 septembre 2016. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

Obama, pour sa part, est resté impassible lorsque Netanyahu, qui a indiqué qu’il était trop occupé pour jouer, l’a invité au plus luxueux parcours de golf d’Israël. « Nous organiserons un thé », a proposé sur un ton léger le président, peut-être légèrement sarcastique, conscient que tout le monde sait qu’enseigner à Netanyahu à jouer au golf est à peu près la dernière chose dont il ait envie lorsqu’il sera à la retraite.

Tant la partie publique que la partie privée de cet entretien se sont déroulées à l’hôtel Palace, prestigieux hôtel du centre de Manhattan, et sur un ton amical et courtois, selon un responsable de la délégation israélienne.

Netanyahu et Obama sont comme un vieux couple qui s’est beaucoup chamaillé mais qui avec la sagesse de l’âge, a appris à vivre ensemble, a suggéré le responsable. « Nous sommes presque d’accord sur tout. »

Même l’Iran, absent des déclarations publiques des deux dirigeants mais discuté derrière les portes closes, n’a pas soulevé les débats passionnés comme il le faisait autrefois.

Le seul os sur lequel les deux dirigeants sont tombés est la politique israélienne des implantations. Obama, en privé, a exprimé « ses profondes préoccupations » devant la construction d’implantations, arguant que cela mettait en danger les perspectives de paix.

Netanyahu n’a pas démenti qu’Obama et lui étaient en profond désaccord sur cette question. En réalité, il sait parfaitement que quasiment toute la communauté internationale désapprouve les constructions d’Israël au-delà des lignes de 1967, et il reste pourtant imperturbable, rejetant obstinément les appels au gel, même des extensions des implantations extérieures aux blocs principaux.

Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, il est sujet à une pression politique de la part de sa base à droite, et de son partenaire nationaliste dans la coalition, le parti HaBayit HaYehudi. Alors que Netanyahu a survécu à un moratoire de 10 mois sur la construction dans les implantations à la demande d’Obama en 2009-2010, chaque pas ou même chaque déclaration perçue comme légèrement critique des implantations aujourd’hui lui coûterait très cher en termes de soutien politique.

De plus, Netanyahu pense que le monde a besoin d’Israël, pour son savoir-faire en matière de lutte contre le terrorisme et pour ses prouesses dans le high-tech. C’est pourquoi, même si les Etats-Unis et l’Europe occidentale condamnent publiquement chaque construction de logement au-delà de la Ligne verte, au final, la plupart des pays s’intéressent plus à ce qu’Israël a à offrir plutôt qu’à où il construit des appartements.

Plus important encore, le Premier ministre compte sur un éventuel changement de circonstances pouvant finalement amener à un retournement de situation.

Pendant des années, pense-t-il, les spécialistes et autres analystes du monde arabe ont souligné que le conflit israélo-palestinien était la racine de tout ce qui n’allait pas dans la région, et que s’il était réglé, le Moyen Orient deviendrait instantanément un paradis sur terre. Mais avec les Printemps arabes devenus des hivers islamiques, la gigantesque boucherie en Syrie, et les bouleversements en Libye, au Yémen et au-delà ont démenti cette théorie une bonne fois pour toutes, affirme Netanyahu.

Par ailleurs, Netanyahu pense que le « mythe » des implantations comme obstacle à la paix s’évaporera avec le temps.

Le vrai obstacle à la paix, selon Netanyahu, ce n’est pas quelques milliers de juifs vivant en Cisjordanie, mais le refus catégorique des Palestiniens à abandonner leur demande de droit du retour pour des millions de réfugiés et leurs descendants vers l’Israël d’aujourd’hui, et de reconnaître au peuple juif le droit à un état, peu importe ses frontières.

Combien de temps Netanyahu pense-t-il que cela va prendre avant que les dirigeants du monde ne réalisent qu’il a raison et qu’ils ont tort, et que les implantations ne sont pas un obstacle à la paix, après tout ? Cela n’est pas clair.

Mais alors qu’Obama s’apprête à quitter la Maisons Blanche, et avec elle son pouvoir d’influence sur la scène mondiale, Netanyahu a l’intention, lui, de rester Premier ministre pour encore un bon moment. La retraite, et le golf, peuvent attendre.

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