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Analyse

Préférant Trump, Netanyahu est prêt à marquer des points si Biden est élu

Une situation gagnant-gagnant ? Le Premier ministre est fier des succès attribués à son amitié avec Trump, mais aussi d'avoir résisté aux pressions de l'administration Obama-Biden

Raphael Ahren

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) et son épouse Sara rencontrent le vice-président des États-Unis Joe Biden (au centre) à Jérusalem, le 9 mars 2010. (Avi Ohayun/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) et son épouse Sara rencontrent le vice-président des États-Unis Joe Biden (au centre) à Jérusalem, le 9 mars 2010. (Avi Ohayun/GPO)

Les deux candidats à la présidence américaine étant de fervents partisans de l’État d’Israël et de proches amis personnels du Premier ministre Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien ne craint probablement pas l’issue de l’élection de mardi.

Si sa préférence pour une nouvelle victoire de Donald Trump semble évidente, Netanyahu sait que Joe Biden a de bonnes chances de s’installer à la Maison Blanche, et est donc prêt à transformer le mouvement de pendule en une victoire politique de son cru.

Si le président sortant obtient quatre ans de plus, le Premier ministre soutiendra probablement que c’est leur relation unique qui a fait de l’administration Trump l’une des plus favorables à Israël de l’histoire.

« J’ai obtenu de Trump qu’il reconnaisse Jérusalem comme capitale d’Israël et qu’il déplace l’ambassade des Etats-Unis », proclame-t-il de plus en plus souvent à l’approche des prochaines élections en Israël.

« C’est grâce à mon lobbying qu’il s’est retiré du dangereux accord nucléaire avec l’Iran. En raison de notre amitié, il a reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan et a déclaré que les implantations israéliennes ne sont pas illégales. Et ce n’est pas une coïncidence si la proposition de paix « Deal of Century » [l’accord du siècle] sonne comme si je l’avais écrite moi-même », pourrait-il dire.

Ce n’est qu’avec la présence de Netanyahu dans le bureau du Premier ministre qu’Israël pourra continuer à profiter des fruits de ce partenariat remarquablement étroit, diront ses partisans. La tendance des pays arabes à normaliser leurs relations ne se poursuivra que si Netanyahu pousse Trump à rechercher davantage d’accords de paix de ce type, insisteront-ils.

La menace iranienne ? C’est Netanyahu qui a obtenu du président américain qu’il abandonne l’accord, et il faudra Netanyahu pour l’empêcher de négocier un autre accord imparfait.

Un ouvrier accroche un panneau d’affichage de campagne électorale du parti du Likud montrant le Premier ministre Benjamin Netanyahu, (à droite), et le président des États-Unis Donald Trump à Tel Aviv, en Israël, le 8 septembre 2019. En hébreu, on peut lire sur le panneau d’affichage : « Netanyahu, une autre catégorie ». (AP/Oded Balilty)

Et si Biden gagne ? Alors on aura plus que jamais besoin de Netanyahu, diront ses partisans.

« Il faut un homme d’État expérimenté comme lui pour résister à la pression. Qui d’autre pourrait affronter une administration déterminée à apaiser l’Iran et à forcer Israël à faire des concessions sur la question palestinienne », demanderont-ils.

Le Premier ministre est fier d’avoir résisté à une immense pression, notamment en ce qui concerne la politique des implantations en Cisjordanie, de la part du dernier Démocrate qui siégeait dans le Bureau ovale.

Le fait qu’il ait osé affronter ouvertement et même contrarier le prédécesseur de Trump, Barack Obama, à propos de l’accord nucléaire de 2015, montre que l’on ne peut faire confiance qu’à une personne de sa stature pour tenir tête à Biden, vont certainement argumenter Netanyahu et ses partisans.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu quitte la Chambre des représentants le 3 mars 2015, après y avoir prononcé un discours dénonçant l’accord sur le nucléaire iranien. (Crédit : AP/Andrew Harnik)

Il est certain qu’il sera plus difficile de présenter Biden comme hostile à Israël en comparaison avec Obama. Contrairement à l’ancien président, dont les détracteurs ont souvent mis en doute son soutien à Israël, Biden a 40 ans d’expérience en matière de soutien à l’État juif. On dit qu’il a un jour qualifié Israël de sa « seconde maison ».

A LIRE : « Le bon flic » : Joe Biden et Israël pendant les années Obama

« Il ne doit pas y avoir l’épaisseur d’une feuille de cigarette entre nous », avait-il déclaré à l’ambassadeur israélien à Washington, Michael Oren, avant sa première visite à Jérusalem en tant que vice-président en mars 2010.

« Nous sommes des amis personnels depuis près de trois décennies », a déclaré M. Netanyahu alors qu’il accueillait M. Biden quelques jours plus tard dans son bureau. « Et pendant tout ce temps, vous avez été un véritable ami pour moi et un véritable ami pour Israël et pour le peuple juif, et vous êtes venu en Israël de nombreuses fois depuis votre venue ici la première fois à la veille de la guerre de Kippour ».

Mais l’atmosphère amicale a rapidement tourné au vinaigre lorsque les autorités locales ont annoncé un projet de construction de 1 600 logements à Ramat Shlomo, un quartier de Jérusalem situé à l’est de la Ligne verte, pendant le séjour du vice-président.

L’expansion prévue des implantations « mine la confiance dont nous avons besoin en ce moment et va à l’encontre des discussions constructives que j’ai eues ici en Israël », a fulminé M. Biden. C’était l’une des nombreuses querelles entre le gouvernement Netanyahu et l’administration Obama.

Pourtant, six ans et un accord nucléaire très controversé plus tard, Biden est venu à Jérusalem pour une deuxième visite en tant qu’adjoint d’Obama, et a été accueilli comme un bon ami.

« Je tiens à vous remercier personnellement pour votre, pour notre amitié personnelle de plus de 30 ans », a déclaré M. Netanyahu lors de leur conférence de presse commune. « Nous nous connaissons depuis longtemps. Nous avons traversé de nombreuses épreuves et tribulations. Et nous avons un lien durable qui représente le lien durable entre nos peuples ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontre le vice-président des États-Unis Joe Biden à Washington DC, le 23 mars 2010. (Amos Ben Gershom/GPO)

Biden a ensuite rappelé sa première rencontre avec Netanyahu au début des années 1980. Nous nous sommes rencontrés sur le parking d’un restaurant où je rencontrais des dirigeants juifs américains. Nous sommes devenus des amis proches et je t’ai ensuite dédicacé une photo où je disais en plaisantant : « Bibi, je ne suis pas d’accord avec tout ce que tu dis, mais je t’aime ».

En revanche, les opposants politiques de Netanyahu soutiennent que c’est une mauvaise nouvelle pour les relations américano-israéliennes, quel que soit le vainqueur de l’élection.

Nous ne voulons pas nous retrouver avec un Parti démocrate aux États-Unis qui agirait comme le Parti travailliste britannique de Jeremy Corbyn

Un autre mandat de Trump transformera irrévocablement Israël en une question partisane, diront les députés, car le président américain a affirmé que les Démocrates sont hostiles à Israël, essayant de creuser un fossé entre les Juifs américains et le parti pour lequel la plupart d’entre eux ont traditionnellement voté.

Et si Biden triomphe ? Netanyahu et l’ancien sénateur du Delaware se connaissent peut-être depuis des décennies, mais des affrontements au sujet de l’Iran et des Palestiniens sont inévitables, quelles que soient les affinités personnelles, comme pourraient le faire valoir les détracteurs du Premier ministre, qui soulignent qu’une administration Biden serait plus qu’un simple homme au sommet.

Soit dit en passant, la colistière de Biden, la sénatrice californienne Kamala Harris, est également connue pour être une amie d’Israël. Mais il n’est pas déraisonnable de penser que Biden, dans le but de réunir un Parti démocrate divisé, pourrait nommer certains membres de son aile progressiste à des postes clés de l’administration.

Le président américain Donald Trump (à droite) écoute le discours du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d’une réunion bilatérale dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, DC, le 15 septembre 2020. (SAUL LOEB / AFP)

Le soutien à Israël a toujours été un consensus bipartisan, mais Netanyahu « a décidé, principalement pour des raisons internes, de rompre avec ce principe », a accusé lundi le leader de l’opposition Yair Lapid.

« Netanyahu a créé une identification presque complète entre le gouvernement israélien actuel et le Parti républicain, entre lui-même et le président Trump. Il voulait utiliser la popularité justifiée du président Trump en Israël pour gagner quelques points chez lui », a déclaré M. Lapid.

La prétendue préférence du Premier ministre pour les Républicains fait le jeu des « éléments radicaux » au sein du Parti démocrate, a poursuivi M. Lapid. « Il pousse les Démocrates de plus en plus loin. Nous ne voulons pas nous retrouver avec un Parti démocrate aux États-Unis qui agirait comme le Parti travailliste britannique sous la direction de Jeremy Corbyn ».

Même si Trump gagne, Jérusalem a besoin du soutien des Démocrates au Congrès, où des décisions cruciales pour la sécurité d’Israël sont prises, a-t-il averti.

Pourtant, même Lapid a convenu qu’Israël n’a pas à se préoccuper de l’identité de la personne qui sera investie le 20 janvier.

« C’est une course serrée, mais il y a des choses que nous savons déjà : Le prochain président des États-Unis sera un ami d’Israël. Donald Trump et Joe Biden sont tous deux des amis d’Israël, avec un engagement profond envers Israël et le sionisme », a-t-il déclaré.

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