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Pride : les Juifs américains queer sous pression – et parfois en danger – à cause de la guerre

L'idée selon laquelle la communauté LGBTQ aurait épousé l'anti-sionisme se traduit par l'isolement de ses membres juifs

La Pittsburgh Pride Parade 2024 traverse le pont Andy Warhol, dans le centre-ville de Pittsburgh, le samedi 1er juin 2024. (Crédit : AP Photo/Gene J. Puskar)
La Pittsburgh Pride Parade 2024 traverse le pont Andy Warhol, dans le centre-ville de Pittsburgh, le samedi 1er juin 2024. (Crédit : AP Photo/Gene J. Puskar)

JTA – Après avoir été « stigmatisé » par un groupe socialiste, un couple d’organisateurs juifs de la Pride des environs de Cincinnati ont démissionné de leurs fonctions, la semaine dernière, en raison de craintes pour leur sécurité.

« Des individus et des organisations s’en sont pris aux membres de notre conseil d’administration et les ont menacés de violences », a expliqué Cincinnati Pride par voie de communiqué publié sur Instagram.

Il pourrait s’agir d’une vengeance suite à l’éviction de deux organisations socialistes d’un événement de la Pride, le 2 juin dernier, dans le nord du Kentucky, pour avoir distribué des tracts qualifiant la conduite d’Israël à Gaza de « solution finale » contre les Palestiniens.

Un exemple des tensions auxquelles font face les Juifs LGBTQ pendant le mois de la Pride, alors que la guerre actuelle entre Israël et le Hamas continue de semer la discorde au sein des milieux progressistes.

L’opposition croissante des activistes queer à Israël et le fait qu’ils voient dans l’antisionisme une valeur importante pour la communauté LGBTQ ont créé une dynamique difficile pour de nombreux Juifs qui s’identifient comme LGBTQ.

Il n’y a pas si longtemps, la principale préoccupation des organisateurs de la Pride était de ne pas être pris pour cible par des organisations anti-LGBTQ. Aujourd’hui, ce sont les militants homosexuels eux-mêmes qui perturbent ou boycottent les défilés de la Pride, attaquent les organisateurs juifs et pro-israéliens de la parade sur les réseaux sociaux et font campagne pour que tous les « sionistes » soient retirés des lieux de la Pride.

Certains activistes affirment qu’il s’agit d’une volonté de maintenir le nationalisme et les sentiments d’appartenance en dehors des cercles queer, tandis que d’autres soutiennent qu’Israël est tout simplement inacceptable. Les critiques disent que cela crée une atmosphère antisémite de « test » lié à Israël, et que les juifs queer sont pris entre deux identités marginalisées dont les lignes politiques sont de plus en plus éloignées.

« L’heure est très, très grave et nous avons besoin de tout le monde », expliquait en début de mois Ethan Felson, directeur exécutif de l’organisation juive LGBTQ A Wider Bridge lors d’une séance d’information communautaire sur les Prides avec les Jewish Federations of Northern America (JFNA).

En comparant la flambée de sentiments antisionistes lors de la Pride à la récente vague d’activisme pro-palestinien sur les campus, Felson estime que ces organisations « veulent nous priver de la Pride ».

Les tensions liées à Israël au sein des milieux juifs et LGBTQ s’étaient accrues bien avant que les terroristes dirigés par le Hamas n’envahissent le sud d’Israël, le 7 octobre dernier, pour y assassiner 1 200 personnes et faire 251 otages dans la bande de Gaza.

En 2019 déjà, la DC Dyke March, un groupe LGBTQ de gauche, avait temporairement interdit les drapeaux aux couleurs de l’arc-en-ciel ornés de l’étoile de David, car considérés comme des « symboles nationalistes ». Cela avait alerté les organisations juives LGBTQ sur leur présence au sein des milieux queer. Et l’automne dernier, quelques semaines avant l’assaut du 7 octobre, un groupe d’étudiants LGBTQ de l’Université Rice avait coupé les liens avec le Hillel local en raison de son soutien à Israël.

Des militants lors de la Dyke March de Washington, DC, le 7 juin 2019. (Crédit : Nicholas Kamm/AFP)

Cette dynamique refait donc surface pour la Pride de cette année et cette période normalement festive pour l’ensemble de la communauté LGBTQ se déroule aujourd’hui dans le contexte d’une guerre qui a galvanisé une grande partie de la gauche dans un soutien aux Palestiniens.

Des militants queer ont adopté des slogans comme « Pas de quoi être fier du génocide », aperçus sur des pancartes tenues par des militants qui ont brièvement interrompu la Pride de Philadelphie. De son côté, la Dyke March de New York de cette année, prévue le 29 juin, avait pour thème « Dykes Against Genocide ». (Israël dément vigoureusement toute forme de génocide à Gaza.)

En dépit des tensions croissantes, les Juifs qui ont participé à plusieurs grands rassemblements de la Pride ce mois-ci, de Boston à Miami Beach, ont confié à la JTA que ces événements s’étaient déroulés sans incident.

À Washington, DC, l’acteur et influenceur israélien LGBTQ Yuval David a publié une vidéo, qui est devenue virale, dans laquelle on voit des participants et des spectateurs de la Capital Pride le huer, lui et d’autres marcheurs pro-Israël.

En revanche, Josh Maxey, de Bet Mishpachah, une synagogue de Washington ouverte aux homosexuels, a décrit son expérience de l’événement comme « très positive ».

Des manifestants brandissent des drapeaux palestiniens lors de la Dyke March de Chicago en 2018. Illustration (Crédit : Capture d’écran/YouTube)

Un ensemble de groupes juifs, comprenant plusieurs congrégations ainsi que la fédération locale et le Conseil des relations communautaires juives, se sont trouvés à proximité les uns des autres lors du défilé. Maxey, le directeur exécutif de la synagogue, a expliqué qu’ils avaient décidé de former un « char » juif unifié improvisé, où certains arboraient des drapeaux arc-en-ciel de la Fierté ornés de l’étoile de David et ce, sans incident.

« Quand nous sommes passés devant la scène principale, le présentateur nous a salués [avec un] ‘Shabbat Shalom’ et a encouragé toute la foule à dire ‘Shabbat Shalom' », s’est souvenu Maxey. « C’était un moment vraiment magnifique. »

Toutefois, les marches de New York (NY) et de San Francisco (SF), qui doivent avoir lieu vers la fin du mois de juin, soulèvent des inquiétudes. La SF Pride, qui aura lieu le 30 juin, a été le théâtre de tensions au début du mois après l’annonce qu’aucun char israélien ne participerait à l’événement. À la suite des critiques formulées par des groupes juifs, la SF Pride a publié un communiqué de suivi indiquant que les Juifs et les Israéliens étaient les bienvenus.

Des groupes juifs LGBTQ défilent à la Capital Pride à Washington, DC, le 8 juin 2024. (Crédit : Josh Maxey/JTA)

« Au début du mois, plusieurs groupes LGBTQ ont appelé au boycott de la Queens Pride. Certains participants prévus ont accusé David Kilmnick, organisateur juif de l’événement, de pratiquer le ‘pinkwashing du génocide’. Cette accusation fait suite aux propos de Kilmnick dans sa tribune pour la JTA, où il critiquait l’hypocrisie des groupes LGBTQ soutenant le Hamas (« une organisation qui persécute, torture et tue des personnes LGBT »), au lieu de soutenir Israël.

Le Tibetan Equality Project, l’un des groupes boycottant la Pride, a déclaré dans un communiqué qu’il ne fallait pas oublier que « la Pride est un mouvement communautaire contre les brutalités et les violences policières, et non un endroit où les sionistes, les policiers, les élus et les entreprises peuvent se blanchir de leur complicité en exploitant le génocide commis par Israël à Gaza ». Le groupe faisait référence à une explication en ligne du groupe antisioniste Jewish Voice for Peace (JVP) sur le « pinkwashing », la croyance exprimée dans certains cercles progressistes selon laquelle Israël utilise son soutien déclaré aux droits des LGBTQ pour détourner l’attention de son traitement des Palestiniens, une question récurrente parmi les groupes pro-palestiniens.

Ce type de discours suscite des inquiétudes au sein des communautés juives dans leur ensemble, même si certaines reconnaissent qu’elles n’ont pas toujours été d’un grand soutien pour les personnes juives LGBTQ dans le passé. Nate Looney, directeur de la sécurité communautaire et de l’appartenance à la JFNA, a expliqué lors d’un séminaire en ligne de la JFNA « qu’à une époque où notre communauté juive était moins ouverte aux personnes LGBTQ, ces personnes ont pu compter sur le soutien de la communauté LGBTQ dans son ensemble. Le sentiment d’aliénation ressenti depuis le 7 octobre donne lieu à une certaine tension émotionnelle ».

S’adressant plus tard à la JTA, Looney a décrit un changement dans les priorités de la JFNA en ce qui concerne la Pride. Lors des deux premières années où la JFNA a organisé son séminaire en ligne sur la Pride, l’accent était principalement mis sur la façon dont les groupes communautaires juifs pouvaient se rendre plus accueillants et respectueux envers les Juifs LGBTQ – un sujet qui reste d’actualité dans la mesure où certaines communautés juives pratiquantes continuent d’afficher leur hostilité à l’égard des causes des LGBTQ.

Un manifestant tient une pancarte condamnant Israël pour sa guerre à Gaza lors de la parade de la Pride à Portland, Maine, le 15 juin 2024. (Crédit : David Himbert/Hans Lucas via AFP/Getty Images via JTA)

Mais cette année, Looney a dit avoir parlé avec « beaucoup de Juifs LGBTQ » qui « hésitaient à participer à la Pride ». Ces craintes l’ont conduit à recentrer les efforts des fédérations sur les questions de sécurité des Juifs à la Pride, ainsi que sur la communication avec les organisateurs de la Pride et les forces de l’ordre locales sur les meilleures façons de garantir la sécurité des Juifs. Il existe une reconnaissance croissante partagée que les groupes communautaires juifs et les Juifs LGBTQ ressentent un lien plus fort que jamais depuis le 7 octobre.

« J’ai remarqué un rapprochement plus important des Juifs LGBTQ avec la communauté juive au sens large. Il est aujourd’hui plus évident que pour les Juifs LGBTQ, notre communauté juive est essentielle », a-t-il déclaré, un sentiment partagé par d’autres Juifs LGBTQ dans l’interview avec la JTA. « À une époque où tous les Juifs se demandent : ‘Qui est avec nous ? Qui nous soutient ?’, les Juifs LGBTQ se posent la même question. »

Pour les organisateurs de Keshet, un autre groupe de mobilisation juif LGBTQ, il y a lieu de s’attendre à des protestations contre Israël lors de la Pride de cette année.

« Ce que la Pride commémore, c’est un mouvement de protestation, et la Pride a toujours été un lieu de protestation sur de nombreuses questions sociales », a expliqué à la JTA Idit Klein, présidente-directrice générale de l’association. « Et une des grandes préoccupations sociopolitiques actuelles est la guerre entre Israël et le [groupe terroriste palestinien du] Hamas. »

Cette dynamique a mené Keshet sur des voies que Klein n’aurait jamais pensé voir emprunter par l’organisation de renforcement communautaire, notamment en organisant des formations à la sécurité et des « points de discussion » pour les représentants de la Jewish Pride, et en publiant, avec A Wider Bridge, une liste de mesures à prendre par les organisateurs de la Pride pour protéger les Juifs.

« Keshet ne s’est jamais préparée à la Pride comme nous l’avons fait cette année », a déclaré Klein. « Nous ne nous sommes jamais demandé si, en tant que juifs, nous aurions à craindre pour notre sécurité à la Pride. »

Sur la liste, les groupes juifs ont insisté auprès des organisateurs de la Pride pour qu’ils ne « limitent » pas la présence juive aux événements en n’autorisant que les juifs qui ont des points de vue antisionistes à y assister. Ils ont également prié les organisateurs de la Pride d’autoriser les « manifestations Pride juive ». Keshet a toutefois noté dans ses lignes directrices : « Nous demandons à nos propres marcheurs de ne pas apporter de drapeaux nationaux (israéliens, palestiniens, américains, etc.) en raison du climat instable, mais nous les soutenons dans leur marche avec des signes qui montrent la fierté de l’identité juive ».

La capacité de la Pride à rester un espace sûr pour les Juifs dépendra, selon certains, de la possibilité pour les Juifs queer de continuer à rendre leurs deux identités pleinement visibles lors de la Pride.

« Nous devons nous montrer, et nous ne pouvons pas avoir peur de nous montrer tels que nous sommes vraiment », a affirmé Maxey. « C’est le but de la Pride, non ? »

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