Quand les activistes iraniens anti-régime nous appellent à les soutenir
Le monde était resté silencieux lors des manifestations contre le régime de 2009 ; les Iraniens redescendent aujourd'hui dans la rue et il faut les appuyer
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Au mois de juin 2009, des millions d’Iraniens avaient rejoint le mouvement de protestation national qui avait suivi la « réélection » de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence au cours d’un vote qui avait été largement reconnu comme truqué.
Le régime avait eu recours à de lourdes violences pour étouffer les manifestations, agressant et arrêtant les protestataires participant aux divers rassemblements et défilés, sans hésiter à tuer des dizaines d’entre eux – et notamment Neda Agha-Solton, étudiante en philosophie abattue par un membre du groupe paramilitaire dont la mort avait été filmée et les images avaient fait le tour du monde.
Tandis que l’ampleur des manifestations et la répression brutale du régime avaient fait les gros titres des médias dans le monde entier, créant le bref sentiment que la mainmise sur le pouvoir des ayatollahs pouvait être en train de flancher, la communauté internationale n’avait finalement que peu encouragé la population iranienne révoltée.
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Barack Obama avait salué « un bouillonnement formidable » mais malgré les tristes antécédents de la République islamique en termes de répression intérieure, de terrorisme international et de programme nucléaire voyou, le président américain avait établi clairement que son administration ne viendrait pas aider les Iraniens à obtenir un changement de régime.
« Ce ne serait guère productif, au vu de l’histoire des relations entre les États-Unis et l’Iran, de se livrer à ce qui pourrait être perçu comme une ingérence », avait-il déclaré.
L’attaché de presse de la Maison Blanche avait ajouté que « c’est un débat qui ne concerne que l’Iran, un débat entre Iraniens ».
La révolte était passée. Le régime était même parvenu à balayer cette démonstration majeure d’opposition publique.
Treize ans plus tard, une délégation d’activistes nés en Iran et connus sous le nom de groupe Shoshana, constitué de musulmans et de Juifs, un grand nombre d’entre eux habitant dorénavant aux États-Unis, est venue en Israël cette semaine. Parmi eux, la journaliste vétérane anti-régime Nazenin Ansari, à la tête du média en ligne et en langue perse Kayhan, dont le siège est à Londres – un site, ce n’est pas nécessaire de le dire, qui est interdit au sein de la république islamique.
Au cours d’une série de rencontres, notamment avec des responsables du ministère des Affaires étrangères de Jérusalem, la délégation a affirmé que dans un certaine mesure, tout recommençait comme en 2009 en Iran. A l’époque, l’opposition publique avait été galvanisée par des élections qui avaient été de toute évidence frauduleuses ; aujourd’hui, me racontent Ansari et ses collègues, des citoyens ordinaires de tous les milieux sont en effervescence – et si les manifestants ne sont peut-être pas aussi nombreux qu’il y a treize ans, ce mouvement reflète l’insatisfaction immense face au régime, le désespoir des citoyens, leur détresse face au mauvais choix des priorités de la part des dirigeants et le malaise économique qui en résulte.
Les prix des produits alimentaires et autres produits de base ne cessent d’augmenter ; le chômage grimpe en flèche et le travail des enfants est en hausse, affirment Ansari et deux de ses collègues, Zohreh Mizrahi, président de l’organisation Persian American Civic Action Network, et le professeur Amir Hamidi, ancien attaché auprès de l’ambassade américaine aux Émirats arabes unis. Ces derniers mois, tout le monde, depuis les enseignants jusqu’aux pompiers en passant par les chauffeurs de bus et les gardiens de prison, s’est mis en grève en raison du non-paiement des salaires.
En réponse à ces troubles qui ne cessent de se renforcer, le régime, ces dernières semaines, est revenu à sa tactique familière de perturbation de l’accès au monde extérieur via internet, a fait savoir l’AP mardi, et il tente actuellement de s’assurer que toutes les informations portant sur ces journées de protestation qui ont été entraînées par l’effondrement d’un immeuble de dix étages en construction à Abadan, dans le sud-ouest du pays, qui a fait 33 morts, circuleront le moins possible.
‘Que se passe-t-il ?’ a alors chuchoté le religieux à un garde du corps
Dimanche soir à Abadan, un religieux loyal au Guide suprême iranien Ali Khamenei a été conspué quand il a tenté de prendre la parole devant les personnes qui se recueillaient et qui pleuraient près du site. Selon l’AP, « entouré de gardes du corps, l’ayatollah, un sexagénaire, a essayé à nouveau de s’exprimer, en vain. ‘Que se passe-t-il ?’ a chuchoté le religieux à un garde du corps, qui s’est alors penché vers lui pour lui dire quelque chose. Le dignitaire a alors encore tenté de s’adresser à la foule, lui demandant de conserver son calme en signe de respect « pour Abadan, pour ses martyrs et pour ces victimes si chères que la nation iranienne pleure ce soir ». La foule réunie a alors riposté en criant : « Honte ! »
La police anti-émeute a utilisé des gaz lacrymogènes et procédé à des tirs d’avertissement pour disperser ce que l’AP a décrit comme une importante manifestation. Ansari et ses collègues affirment pour leur part que selon les informations dont ils disposent, les forces de sécurité ont également ouvert le feu directement dans la foule, comme en 2009.
Selon la délégation du groupe Shoshana, l’ampleur de l’opposition iranienne au régime est une nouvelle fois sous-estimée par la communauté internationale, avec un régime qui parvient une nouvelle fois à faire en sorte qu’aucune image claire des événements en cours n’atteigne l’Occident.
« Le peuple iranien veut un changement de régime », affirme Ansari avec fermeté, « et ils n’a pas besoin d’aide militaire extérieure. Il peut le faire seul… »
« Mais le manque de soutien extérieur peut amener les Iraniens à perdre espoir », ajoute Mizrahi dans la foulée.
La délégation en séjour s’est aussi donné beaucoup de mal pour faire la distinction – et elle a vivement recommandé à la communauté internationale de faire de même – entre « les Iraniens » et le régime. Les Iraniens, contrairement au régime, ne nourrissent pas de haine à l’encontre de l’Occident et ne nourrissent pas de haine à l’encontre d’Israël, disent les membres du groupe Shoshana.
Les manifestants ne sont pas anti-États-Unis, anti-Israël ou pro-nucléaire
Lorsque je leur demande comment est-il possible que le public iranien n’ait pas été touché des décennies d’incitations à la haine contre l’État juif, ils soulèvent trois hypothèses. La première, c’est que les plus âgés se souviennent de l’époque pré-Ayatollahs, quand l’Iran et Israël étaient alliés ; la deuxième, c’est que la population iranienne a, dans sa majorité, tendance à ne pas croire ce que lui dit le régime et la troisième, c’est la reconnaissance par les Iraniens des réussites pratiques et techniques des Israéliens – des capacités qui, ils le savent, pourraient aider l’Iran.
L’un des plus grands défis que l’Iran doit relever est la pénurie en eau, note Ansari. « Et les Iraniens connaissent les performances incroyables d’Israël en termes de gestion du manque d’eau » – par le biais de la désalinisation, de l’irrigation au goutte-à-goutte et ainsi de suite.
Dans ce contexte, la législation du régime qui rend passible de poursuites pénales toute utilisation d’une technologie israélienne est une nouvelle source de colère publique. « Les manifestants ne sont pas anti-États-Unis, anti-Israël ou pro-nucléaire », commente Ansari, dont le site d’information Kahyan couvre les manifestations. Le citoyen iranien moyen serait même enclin à ne pas apprécier les importants acheminements de fonds aux groupes terroristes du Hezbollah et de Gaza, au développement des armes et au programme nucléaire. « Pas à Gaza, pas au Liban, ma vie est en Iran » : ce sentiment est populaire au sein de la République islamique. Elle cite une autre idée commune dans la société iranienne : « L’ennemi est ici. Quand on nous dit qu’il est en Amérique, on nous ment ».
Les délégués du groupe Shoshana sont reconnaissants à l’égard du ministère des Affaires étrangères qui a accepté de les rencontrer et il espère que leur message a atteint sa cible. Hamidi dit être impatient de voir le jour où le peuple iranien et où le peuple israélien seront en paix – une paix qui avait été vantée dans le cadre des Accords Cyrus, une sorte de version judéo-perse des Accords d’Abraham, qui avaient évoqué la libération des Israélites qui se trouvaient en captivité à Babylone par Cyrus le grand, en l’an 538 avant l’ère commune.
La communauté internationale n’a pas été à la hauteur à l’égard des Iraniens en 2009. Et elle ne l’a pas été non plus en 2015 lorsqu’elle a libéré des sommes colossales qui sont allées dans les poches du régime lors de la signature de l’accord sur le nucléaire du JCPOA – la plus grande partie, explique Hamidi, a alors été allouée aux desseins les plus sombres.
Et aujourd’hui, les Iraniens sont à nouveau redescendus dans les rues, expliquent ces opposants. Leur intérêt, l’intérêt d’Israël et l’intérêt du monde libre, soulignent-ils, exigent que nous les soutenions.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel