Israël en guerre - Jour 468

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LES DESSOUS DE L’HISTOIRE«ILS SONT IDÉOLOGIQUEMENT ASSEZ PURS EN MATIERE DE MARTYRE »

Qui a peur des Houthis ? Le dernier proxy de l’Iran n’est pas l’ennemi d’Israël le plus facile

Les tirs nocturnes répétés de missiles ont mis en évidence le danger venu du Yémen. Comment des rebelles montagnards situés dans un pays lointain représentent-ils une menace globale ?

Des partisans des Houthis du Yémen, soutenus par l'Iran, défilent dans la capitale Sanaa le 15 mars 2024, en soutien aux Palestiniens, pendant la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. (Crédit : Mohammed Huwais/ AFP)
Des partisans des Houthis du Yémen, soutenus par l'Iran, défilent dans la capitale Sanaa le 15 mars 2024, en soutien aux Palestiniens, pendant la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. (Crédit : Mohammed Huwais/ AFP)

A huit reprises ces deux dernières semaines, le plus souvent en plein milieu de la nuit, et la dernière fois à 4h30 vendredi matin, des millions d’Israéliens ont été contraints de se mettre à l’abri suite à des tirs de missiles balistiques depuis le Yémen.

Ces attaques sont le fait d’une organisation terroriste connue sous le nom de Houthis, qui, bien que située à près de 2 000 kilomètres, parvient à mettre à mal l’État juif et à prendre en otage le commerce mondial, tout en se montrant incroyablement résistant aux initiatives occidentales pour visant à la faire taire.

Début décembre, alors que les capacités militaires du Hamas étaient fortement dégradées, que le Hezbollah demandait un cessez-le-feu, que le régime syrien était destitué et que les milices irakiennes étaient supposées vouloir cesser leurs attaques, tout laissait penser qu’Israël pourrait bientôt oublier les alertes aériennes et le fracas des interceptions ou des impacts meurtriers qui font son quotidien depuis le 7 octobre 2023.

Mais dans cet interstice se sont engouffrés les Houthis, les seuls membres actifs de « l’Axe de la résistance » iranien à livrer directement bataille contre Israël. Ces dernières semaines, le groupe rebelle a redoublé d’intensité dans ses attaques de missiles à longue portée pour se mettre – en intensité et en ampleur, mais pas en fréquence – à la hauteur de la menace que posaient ses collègues mandataires soutenus par l’Iran.

Historiquement, les Houthis tirent leur inspiration de l’organisation terroriste du Hezbollah, au Liban, un temps considéré comme le plus puissant des groupes mandataires de l’Iran, avec des relations on ne peut plus proches de Téhéran.

« Leur objectif a toujours été de succéder au Hezbollah », explique Mike Knights, chercheur principal au Washington Institute for Near East Policy et expert des milices soutenues par l’Iran.

Le danger que représente le groupe est encore aggravé par leur éloignement de l’État juif, qui limite la faisabilité des frappes aériennes et le recueil de renseignements sur les cibles possibles et, ce qui est peut-être le plus important, par l’extrémisme des Houthis, mélange explosif d’antisémitisme, de ferveur religieuse et de volonté sans précédent de mourir en martyrs et de sacrifier le Yémen à la cause palestinienne.

« Imaginez un Hezbollah libanais qui n’aurait jamais été mou, qui n’aurait jamais eu un Beyrouth dans lequel vivre et qui n’aurait jamais vécu normalement », poursuit Knights.

« Pour les Houthis, la vie est dure, brutale et courte », ajoute-t-il, en parlant des conditions humanitaires incroyablement désastreuses dans lequel se trouve le Yémen après des années de guerre civile. « Ils sont idéologiquement assez purs quand il s’agit du martyre. »

Des combattants houthis défilent lors d’un rassemblement de soutien aux Palestiniens dans la bande de Gaza et contre les frappes américaines sur le Yémen dans les environs de Sanaa le 22 janvier 2024. (Crédit : AP Photo)

D’où viennent les Houthis ?

Originaire du nord-ouest, montagneux, du Yémen, Ansar Allah (Partisans de Dieu) – le nom officiel des Houthis – est un groupe ethno-religieux né dans un environnement hostile et d’une interprétation fondamentaliste de l’islam. Ils appartiennent à la secte zaydite, branche de l’islam chiite qui s’est scindée au VIIIe siècle à la suite d’un différend religieux.

Le groupe a longtemps épousé l’extrémisme, fidèle au slogan « Dieu est le plus grand, mort à l’Amérique, mort à Israël, malédiction aux Juifs, victoire sur Israël ».

En tant que force politique, le groupe a émergé dans la tourmente qui a suivi la réunification, au début des années 1990, sous la direction de Hussein al-Houthi, éminent chef tribal et opposant au président yéménite Ali Abdallah Saleh, accusé de corruption et de servilité envers l’Arabie saoudite et plus largement l’Occident.

Inspirés par la révolution islamique iranienne et l’ascension du Hezbollah au Liban, les Houthis leur ont envoyé de proches associés pour des formations militaires et religieuses, ce qui a ouvert la voie à une « iranisation » du mouvement, explique Ahmed Khuzaie, consultant et analyste politique bahreïni basé à Washington, DC.

Cette alliance s’est resserrée sous Qassem Soleimani, le défunt commandant de la Force expéditionnaire Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran, qui a dirigé l’Axe de la résistance iranienne à partir de la fin des années 1990.

Ahmed Khuzaie, consultant politique à Washington DC, 2021. (Honi Sharma, autorisation)

Bien qu’ils ne soient pas considérés comme des chiites traditionnels, les Houthis ont ces dernières années mis en avant leur proximité avec l’islam chiite, en s’alignant sur le régime théocratique de l’Iran.

« L’Iran cherche toujours à faire des opprimés des alliés », poursuit Khuzaie.

Cette stratégie a permis à Téhéran de nouer des alliances avec le Hezbollah au Liban, avec le régime alaouite en Syrie et avec les milices chiites en Irak, comme autant de remparts contre le pouvoir sunnite.

« Les Iraniens ont reconnu avoir un partenaire très déterminé et très dur en la personne des Houthis », ajoute Knights. « Ils les ont mis à la tête de la file d’attente de leurs partenaires dans la région. »

Le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, à droite, écoute Mohammed Abdul-Salam, porte-parole des rebelles Houthis du Yémen, lors de leur rencontre dans sa résidence à Téhéran, en Iran, le 13 août 2019. (Crédit : Bureau du guide suprême iranien via AP)

Des armes – mais rien à manger

L’insurrection houthie avait véritablement commencé en 2004, après l’assassinat de Hussein al-Houthi par l’armée yéménite. Son frère, Abdel Malik al-Houthi, avait pris la tête du groupe et continue de le diriger aujourd’hui.

En 2011, alors que le printemps arabe entraînait des soulèvements dans tout le Moyen-Orient, les Houthis avaient profité de l’occasion pour élargir leur influence dans un contexte de chaos au Yémen.

En 2014, ils avaient chassé le président Saleh et ils s’étaient emparés de la capitale, Sanaa, provoquant une intervention militaire menée par l’Arabie saoudite – intervention qui s’était achevée en 2022 suite aux fortes pressions exercées à l’international.

Aujourd’hui, les Houthis contrôlent le nord-ouest du Yémen – qui abrite les deux tiers des 34 millions d’habitants du pays mais qui n’abrite aucune des ressources pétrolières et gazières du pays. Le gouvernement internationalement reconnu, pour sa part, gouverne le sud et l’est par le biais de diverses administrations locales, avec le soutien de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.

La guerre civile, qui dure depuis plus de dix ans, a créé une situation épouvantable sur le plan humanitaire. Les Nations unies ont fait état de 18 millions de personnes ayant besoin d’une aide d’urgence, dont près de 10 millions d’enfants, dans des conditions proches de la famine.

Le pays a également l’un des taux de fécondité les plus élevés au monde, avec 6,2 enfants par femme, selon les données de l’ONU – en raison des mariages précoces, de l’éducation limitée des filles et de la faible utilisation de contraceptifs.

Des conditions qui ont contribué à renforcer la mainmise des Houthis sur le pouvoir. « Les familles vendent littéralement leurs enfants au mouvement Houthi parce qu’en tant que soldats, ils seront au moins nourris », note Knights.

Certains acteurs étrangers ont profité de la situation désastreuse en recrutant des combattants yéménites qui sont partis se battre pour eux – cela a notamment été le cas de la Russie dans le cadre de sa guerre en Ukraine. « Ce qu’ils font essentiellement, c’est se débarrasser des jeunes hommes qu’ils ne peuvent pas nourrir », précise l’expert.

Des enfants yéménites jouent à côté de tentes endommagées par des pluies torrentielles dans un camp de fortune pour les personnes déplacées dans la province de Hajjah, le 19 avril 2020. (Crédit : ESSA AHMED / AFP)

S’ils peuvent compter sur une réserve qui semble inépuisable de combattants, la véritable menace pour Israël et d’autres pays de la région est autre : c’est celle d’une puissance aérienne qui a évolué de manière spectaculaire.

En 2013, les Houthis s’appuyaient sur de simples roquettes Katyusha. En 2015, avec le soutien de l’Iran, ils lançaient des missiles balistiques SCUD de moyenne portée en direction de l’Arabie saoudite. Les années suivantes, ils avaient pris pour cible à plusieurs reprises des raffineries de pétrole saoudiennes en utilisant des drones et autres projectiles, avec des attaques survenues à plusieurs reprises.

Leur arsenal comprend désormais des roquettes à courte portée – qui leur permettent de perturber le commerce maritime en mer Rouge – ainsi que des drones et des missiles balistiques à longue portée appelés « Palestine », missiles qu’ils se sont engagés à continuer à lancer sur Israël jusqu’à la fin de la guerre à Gaza.

Les Houthis affirment que le missile Palestine, y compris une version qui serait, selon eux, « hypersonique », est fabriqué localement mais l’arme porte néanmoins les marques des missiles qui sont utilisés par le Corps des gardiens de la révolution islamique.

Si l’Iran affirme ne pas armer les Houthis, les États-Unis et leurs alliés ont trouvé sur les navires à destination du Yémen qu’ils ont pu saisir des armes, du carburant pour les missiles et des composants iraniens.

Et si Israël est parvenu à intercepter un grand nombre de missiles et de drones, certains ont réussi à franchir les systèmes de défense antiaérienne – et la chute d’éclats d’obus signifie que même ceux qui ont été abattus pouvaient encore constituer une menace.

Des options limitées face à un défi croissant

Pour faire face au groupe, Israël a jusqu’à présent mené quatre séries de frappes aériennes de plus en plus intenses au Yémen. La semaine dernière, le ministre de la Défense, Israël Katz, a déclaré qu’Israël commencerait à exercer des pressions renforcées sur les Houthis en s’en prenant directement à ses dirigeants, reprenant ainsi la stratégie qui a été employée contre le Hamas et le Hezbollah.

Mais les Houthis représentent un défi très différent des autres groupes terroristes – et le sommet de la hiérarchie du groupe pourrait s’avérer être plus difficile à décapiter.

La tour de contrôle endommagée de l’aéroport international de Sanaa le 27 décembre 2024, suite aux frappes israéliennes sur le site la veille. (Crédit :Mohammed HUWAIS / AFP)

Le chef des Houthis, Abdul Malik al-Houthi, a l’art de dissimuler ses allées et venues et, depuis plus d’une décennie, il est parvenu à échapper aux tentatives d’assassinat des services de renseignement saoudiens et émiratis. Comme c’était le cas du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ses discours sont toujours préenregistrés. Mais, selon Knights, il fait preuve d’encore plus de prudence que Nasrallah, qui s’était caché d’Israël pendant des années avant d’être tué au mois de septembre dernier.

« C’est un fantôme », explique Knights. « Seules quelques rares personnes savent où il se trouve à tout moment. Il n’a jamais d’appareils électroniques et il n’apparaît pratiquement jamais en public. »

Le chef des Houthis, Abdul Malik al-Houthi, s’adressant aux musulmans chiites dans un discours retransmis sur écran géant lors d’une cérémonie commémorant l’Achoura, à Sanaa, capitale du Yémen tenue par les Houthis, le 16 juillet 2024. (Crédit : Mohammed Huwais/AFP)

Parce que les Houthis ne sont devenus que récemment une problématique majeure pour l’État juif, Israël ne disposerait que de renseignements limités – non seulement sur les dirigeants du groupe, mais aussi sur ses stocks d’armes, ce qui limite la liste des cibles potentielles des frappes aériennes.

Les frappes de Tsahal ont jusqu’à présent visé les infrastructures économiques et civiles du Yémen – le port de Hodeida au mois de juillet, un port utilisé par les Houthis pour importer du carburant et des armes depuis l’Iran, ainsi que l’aéroport international de Sanaa et d’autres infrastructures maritimes lors d’une série d’attaques qui ont eu lieu la semaine dernière.

Il semble toutefois que le groupe terroriste, plongé dans son idéologie meurtrière, ne se laisse pas décourager par d’éventuelles tentatives visant à exercer des pressions militaires et économiques à son encontre.

Une partie d’un missile intercepté lancé depuis le Yémen, dans une rue de Beit Shemesh, le 30 décembre 2024. (Crédit : Sam Sokol/Times of Israel)

Knights fait remarquer que le moyen le plus évident pour qu’Israël puisse mettre un terme aux attaques des Houthis serait de parvenir à un cessez-le-feu à Gaza – en supposant que le groupe terroriste tiendra sa promesse de cesser ses frappes une fois la trêve conclue.

Une autre option consisterait à imposer un blocus plus strict au Yémen avec la coopération de partenaires internationaux – avec notamment l’arrêt de tout le commerce naval et la fermeture des routes empruntées, sur terre, pour les trafics à partir d’Oman, un État voisin, dans le but d’étouffer totalement l’acheminement en armes en provenance de l’Iran.

Une troisième possibilité – qui serait peut-être la plus efficace – consisterait, pour les alliés régionaux d’Israël, à fournir un soutien militaire aux forces terrestres alliées au gouvernement internationalement reconnu qui combattent les Houthis depuis des années. Dans un tel cas de figure, Israël pourrait discrètement jouer un rôle indirect en soutenant une telle attaque coordonnée, selon Knights.

En l’emportant sur le groupe au nord, au sud et à l’est, les rebelles houthis pourraient rapidement voir leurs forces débordées, ce qui les obligerait à se retirer de villes déterminantes pour eux, prédit l’expert. Knights fait remarquer qu’un scénario similaire s’était produit en 2018, lorsque les pressions exercées par l’Arabie saoudite avaient presque forcé les Houthis à quitter le port de Hodeida.

« Ils ont ensuite été repoussés dans les montagnes du nord, où ils ne sont pratiquement plus rien », explique-t-il.

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