Qui est Josh Stein, en tête des sondages pour le poste de gouverneur de Caroline du Nord ?
Avec un rival empêtré dans des scandales, cet avocat juif pourrait remporter une victoire importante pour Harris. Certains y voient le signe de l'acceptation de la communauté juive
CHARLOTTE, Caroline du Nord (JTA) – Mark Robinson, candidat Républicain au poste de gouverneur de Caroline du Nord, fait face à de nouvelles critiques suite à des révélations selon lesquelles il se serait autrefois présenté conne un « nazi noir » et un « pervers » sur Internet.
Josh Stein, son adversaire, qui est Démocrate et juif, pourrait en être le principal bénéficiaire.
Stein caracolait déjà en tête des sondages avant cette information, cette semaine, après moult accusations et un comportement jugé pour le moins bizarre de Robinson. Stein serait alors le tout premier gouverneur juif de Caroline du Nord et les soutiens en sa faveur pourraient bien priver Donald Trump de toute possibilité de revenir à la Maison Blanche.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Cet État a l’habitude d’élire des Démocrates au poste de gouverneur tout en soutenant les Républicains pour la présidence, mais la tourmente de cette année laisse penser que ce modèle pourrait bien être remis en cause et que la popularité de Stein pourrait servir la campagne de Kamala Harris.
« Si Stein continue de dominer et fait valoir que Robinson est lié à Trump et à d’autres Républicains, cela pourrait être utile » à Harris pour l’emporter « car les marges de victoire sont très étroites dans cet État », explique Michael Bitzer, professeur de politique et d’histoire au Catawba College de Salisbury, en Caroline du Nord.
L’avance confortable de Stein dans les sondages – de 5 et 14 points selon de récentes enquêtes – est pour partie due aux révélations sur les propos provocateurs et grossiers de Robinson, actuellement lieutenant-gouverneur, à propos des femmes, des personnes LGBTQ, des Juifs et bien d’autres encore.
En 2017, sur Facebook, soit avant son entrée en politique, Robinson avait écrit : « J’en ai tellement marre de voir et d’entendre les gens parler encore des nazis et d’Hitler pour dire à quel point ils étaient méchants et manipulateurs. FLASH INFO les gens, les nazis (nationaux-socialistes) sont partis ! Nous les avons éliminés. »
L’année suivante, il écrivait que le film de super-héros à succès « Black Panther » était « l’oeuvre d’un Juif agnostique, portée à l’écran par un marxiste sataniste », « créée dans le seul but de sortir les shekels de vos poches de Schvartze [mot yiddish insultant pour parler des Noirs] ».
Les dernières révélations en date vont dans le même sens.
Selon une information de CNN rendue publique jeudi, Robinson se serait exprimé, entre 2008 et 2012, dans le forum de discussion de « Nude Africa », un site Internet pornographique. Il aurait ainsi déclaré : « Je suis un nazi noir ! » ou « certaines personnes ont besoin d’être esclaves », avant de parler de son excitation en repensant avoir « maté » des femmes, à l’adolescence, dans une salle de sport publique, ou de se traiter lui-même de « pervers », amateur de pornographie transgenre. (Robinson s’oppose aux droits des transgenres.) À propos de l’administration Obama, il a écrit en 2012 : « Je choisis Hitler plutôt que n’importe qui à Washington en ce moment ! »
Dans le sillage de la nouvelle diffusée par CNN, Politico a indiqué qu’une adresse e-mail appartenant à Robinson avait été enregistrée sur Ashley Madison, site Internet destiné aux personnes mariées cherchant à avoir des relations extra-conjugales.
Agé de 58 ans, Robinson a nié les accusations portées contre lui par CNN et son QG de campagne a nié l’existence d’un quelconque compte sur Ashley Madison. Il a en outre précisé avoir d’ores et déjà présenté des excuses pour ses propos provocateurs sur Facebook, quand bien même ils n’aient pas été publics.
Inquiètes des répercussions de ces rumeurs sur la campagne, les autorités Républicaines de l’État ont demandé à Robinson d’abandonner les élections – ce qui aurait permis à Stein d’affronter un adversaire nettement plus classique. Mais Robinson a refusé de se retirer avant la date limite, vendredi matin.
Désormais, les électeurs de Caroline du Nord sont confrontés à un choix difficile pour novembre – entre un Républicain soutenu par Trump ayant publiquement fait état de son attirance pour le nazisme, et un procureur général Démocrate ouvertement juif.
Agé de 52 ans, Stein appartient à une famille bien connue de libéraux de Caroline du Nord. Son père, Adam Stein, est un avocat des droits civiques de tout premier plan dont le cabinet a réussi à convaincre la Cour suprême américaine d’ordonner la déségrégation au sein des écoles de Charlotte – ce qui n’a pas manqué de lui valoir un puissant retour de bâton. Sa mère, Jane Stein, est également militante libérale.
Josh Stein est souvent qualifié de Démocrate centriste au sein des cercles démocrates. Il fait souvent référence à l’activisme de ses parents, comme dans un de ses spots de campagne.
« C’était quelques heures avant l’aube, par un froid matin de février 1971 dans l’ouest de Charlotte », dit Stein dans ce spot. Evoquant le nom de célèbres figures afro-américaines des droits civiques de l’État, il ajoute : « Julius Chambers, James Ferguson et mon père, Adam Stein, menaient une bataille juridique contre les discriminations et pour l’égalité lorsque leurs bureaux ont été incendiés. »
Le cabinet d’avocats Chambers Ferguson Stein a été le premier en Caroline du Nord à être intégré. L’affaire Swann v. Charlotte-Mecklenburg Board of Education a été sa plus grande victoire à la Cour suprême, mais le cabinet a également eu un fort impact en abordant les affaires de défense du droit de vote, des discriminations à l’emploi et de la peine de mort, en coordination avec le NAACP Legal Defense Fund.
Les avocats du Legal Defense Fund parlent du cabinet de Stein comme du « LDF South », explique Rich Rosen, professeur émérite de droit à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill et ancien assistant juridique du cabinet, par ailleurs juif lui-même. Il a ajouté : « Ils étaient les premiers sur les litiges en matière de droits civils dans tout le pays si l’on exclut les bureaux de New York. »
La moitié environ des avocats caucasiens du cabinet étaient juifs. Rosen se souvient de sorties à la plage où les enfants des avocats blancs et afro-américains jouaient ensemble. « C’est dans cet environnement que Josh a grandi », poursuit-il.
Élevé à Charlotte et Chapel Hill, Stein est diplômé du Dartmouth College et a enseigné l’anglais et l’économie au lycée au Zimbabwe pendant deux ans. Il a obtenu des diplômes en droit et en politique publique à Harvard. Sa carrière juridique l’a finalement mené au ministère de la Justice de Caroline du Nord, où il a occupé le poste de procureur général adjoint principal pour la protection des consommateurs. Entre 2009 et 2016, il a été sénateur de l’État avant d’assumer le rôle de procureur général.
L’équipe de campagne de Stein n’a pas répondu à la demande d’interview de la JTA. Mais les gens qui le connaissent bien estiment qu’il a intériorisé les valeurs dans lesquelles il a été éduqué.
Stein a fait siennes les « valeurs de justice et d’équité du cabinet de son père, mais en les appliquant à l’intérieur même du gouvernement et non dehors, pour l’amener à faire ce qu’il faut », comme son père avant lui, analyse Leslie Winner, ancien associé – lui aussi juif – du cabinet et ex-sénateur de l’État.
Les spots et messages de campagne de Stein mettent l’accent sur ce qu’il estime être ses principaux succès. En sa qualité de membre d’une organisation de procureurs généraux, il a négocié les termes de règlements – pour des montants de plusieurs milliards de dollars – pour faire face à la crise des opioïdes au niveau national, à l’instar des 26 milliards de dollars obtenus de Johnson & Johnson et de trois distributeurs d’opioïdes sur ordonnance.
Il a travaillé avec des législateurs et des responsables de plusieurs juridictions pour exploiter près de 12 000 kits de viol laissés à l’abandon depuis des années, dans l’espoir de trouver les coupables d’affaires non résolues.
La représentante Kathy Manning, démocrate et première juive élue au Congrès de Caroline du Nord, parle de la victoire clé de Stein sur les questions environnementales.
« Nous avons eu un énorme problème avec le déversement de cendres de charbon dans cet État », dit-elle. Stein « a négocié les termes du plus important nettoyage de cendres de charbon de toute l’histoire de ce pays ». Duke Energy a accepté d’assumer les frais d’assainissement à la faveur d’un règlement, au lieu d’en répercuter les coûts – plus d’un milliard de dollars – sur ses clients, explique M. Stein.
Stein a également été « très, très ferme dans la défense de l’accès des femmes aux soins de santé reproductive », ajoute Manning. La Caroline du Nord autorise les avortements jusqu’à 12 semaines de grossesse. La position de Robinson sur la question a varié, mais il a été filmé lors d’un événement, en septembre, en train de dire qu’il voulait revenir à un délai maximal de six semaines et, idéalement, à « zéro » semaine.
Les admirateurs de Stein parlent d’un homme chaleureux, sociable, gentil et qui ne fait pas mystère de sa judéité.
« Dès qu’il le peut, il dit que sa foi lui est essentielle », confie Steve Schewel, l’ex-maire juif de Durham, au service de la campagne de Stein et qui l’entend de ce fait souvent parler.
« Je dirais que son judaïsme influence fortement ses valeurs », ajoute Schewel. « Le judaïsme est une religion pour laquelle la justice est au tout premier plan. »
Stein n’a pas fait d’Israël une pièce maîtresse de sa campagne. Tout au long de l’année écoulée depuis le début de la guerre à Gaza, lorsque le Hamas a attaqué Israël le 7 octobre dernier, il s’est aligné sur les positions de l’administration Biden, soutenant le droit d’Israël à l’autodéfense et la solution à deux États, tout en se disant préoccupé des victimes palestiniennes et en défendant le droit des manifestants pro-palestiniens à s’exprimer de manière non violente.
Avec sa femme Anna et leurs trois enfants, Stein est membre depuis des années de la synagogue Beth Or, synagogue réformée qui accueille près de 500 familles à Raleigh.
La rabbin Lucy Dinner dit que les Stein sont de « tous les dîners religieux de l’école, tous les événements pour les parents et toutes les fêtes des enfants ». (Quand Anna Stein a mis à jour son profil Facebook pour évoquer son mariage, il y a de cela 18 ans, Dinner a commenté avec humour : « Venez à la synagogue : nous mettrons une houppa et nous vous donnerons un verre à briser. ») La famille a pris part à un voyage de la congrégation dans un village guatémaltèque pour favoriser la scolarisation des enfants.
« Dans notre congrégation, nous enseignons à nos familles et à nos enfants que nous ne sommes pas seulement responsables de cette communauté juive qui prend soin les uns des autres, qui pratique le culte et étudie ensemble, mais que nous devons aussi faire vivre ces valeurs ailleurs dans le monde », explique Dinner.
Stein a parlé à des personnes âgées et à d’autres groupes de la synagogue et s’implique – par exemple comme lecteur – lors des Grandes Fêtes, poursuit-elle.
Stein a de nombreux amis à la synagogue Beth Meyer, la synagogue conservatrice de Raleigh, assure son rabbin, Eric Solomon, qui, comme Dinner, dit parler pour lui-même et non au nom de sa congrégation.
Stein a donné des conférences à la synagogue, allumé la menorah pour Hanoukka et participé à de nombreux événements de la Fédération juive. « Il fait partie de la communauté à tous points de vue », explique Solomon. Stein a même entraîné le fils de Solomon dans une équipe de football JCC.
Pour les Démocrates de Caroline du Nord, avoir Stein comme gouverneur leur permettrait de détenir un des leviers du pouvoir.
L’actuel gouverneur, le Démocrate Roy Cooper, est un dirigeant populaire au mandat limité qui a figuré pendant un certain temps sur la shortlist des possibles colistiers de Kamala Harris. Il a été un rempart contre une vague conservatrice au sein de l’État : la Caroline du Nord a en effet attiré l’attention – sans parler des poursuites judiciaires – à cause du gerrymandering, et les Républicains détiennent actuellement une super-majorité à la législature de l’État, ce qui ne sera plus forcément le cas après novembre.
Une victoire démesurée des Démocrates dans l’État en novembre pourrait être un obstacle majeur pour Trump et ses partisans. Les sondages montrent que la course présidentielle est à égalité et les analystes disent que la victoire de la Caroline du Nord est indispensable si Trump entend gagner l’élection.
Le regain d’enthousiasme des électeurs Démocrates pour la course au poste de gouverneur ou la faible participation des Républicains pourraient faire pencher la balance. Stein s’est récemment épanché sur les soutiens dont il dispose au sein du camp Républicain.
Un nouveau spot publicitaire Démocrate liant Robinson à Trump a déjà été lancée.
Trump, pour sa part, a d’ores et déjà pris ses distances avec Robinson, qu’il qualifiait autrefois de « Martin Luther King sous stéroïdes ». Bien que Robinson soit apparu fréquemment lors des rassemblements de Trump dans cet État, il aurait été retiré de la liste des invités de celui qui était prévu samedi.
La Republican Jewish Coalition se tient à distance de cet État. La Caroline du Nord n’est en effet pas sur la liste des États dans lesquels le groupe ira « frapper aux portes chaque dimanche » jusqu’au jour des élections, même si les sondages montrent qu’il est le plus dans l’impasse.
Les Juifs de Caroline du Nord pouvaient bien voir en la victoire de Stein une étape importante, et ce, pour d’autres raisons que les seules implications politiques nationales.
« Je souhaite que le fait de soutenir et d’élire Josh Stein soit le signe de l’acceptation de la communauté juive de Caroline du Nord », espère la maire d’Asheville, Esther Manheimer, elle aussi juive.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel