Refonte judiciaire : Levin tient des propos polémiques sur les Arabes israéliens
Le ministre de la Justice aurait déclaré que la Haute-cour devait intégrer des juges qui "comprennent" pourquoi les Juifs ne veulent pas vivre avec les Arabes

Le ministre de la Justice Yariv Levin, artisan du projet de refonte controversé du système judiciaire israélien, aurait déclaré dimanche au cabinet que la Cour suprême devait intégrer des magistrats qui « comprennent » pourquoi les Juifs israéliens ne « sont pas prêts à vivre avec les Arabes » dans les localités mixtes.
« Les Arabes achètent des appartements dans des communautés juives de Galilée et cela amène les Juifs à quitter ces villes parce qu’ils ne sont pas prêts à vivre avec des Arabes. Nous devons garantir que la Cour suprême intègre des juges qui comprennent cela », a dit Levin, selon la chaîne publique Kan.
Ces propos présumés voulaient être un argument en faveur d’une législation entrant dans le cadre du plan de refonte du système de la justice israélien qui placerait les nominations judiciaires sous le contrôle des politiques et qui affaiblirait de manière considérable les pouvoirs de la Haute-cour de Justice.
Ils ont aussi été tenus alors que le cabinet discutait d’une résolution avancée par le parti Otzma Yehudit d’extrême-droite qui introduirait « les valeurs sionistes » dans les politiques mises en œuvre par le gouvernement, une initiative qui, semble-t-il, octroierait aux Juifs un traitement préférentiel en matière de planification et de construction de logements.
La discussion sur la résolution – à laquelle s’oppose le Bureau de la procureure-générale – a été finalement ajournée, même s’il est difficile de dire pour combien de temps.
L’initiative de réforme radicale du système judiciaire israélien a été mise en pause fin mars, dans un contexte de mouvement de protestation sans précédent et de grève nationale. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait indiqué, à ce moment-là, que le plan était suspendu pour permettre des négociations avec l’opposition – des pourparlers qui se déroulent actuellement sous les auspices du président Isaac Herzog – avec pour objectif de trouver un compromis le plus large possible sur les propositions.
Mais plusieurs mois de débat n’ont pas permis d’avancée et les pressions se sont renforcées au sein de la coalition en faveur d’une reprise du processus législatif.

Netanyahu a indiqué, la semaine dernière, suite à l’adoption du budget de l’État, que, « bien sûr », la réforme judiciaire était revenue à l’ordre du jour gouvernemental. Il a ajouté dans la même journée que « bien entendu, nous continuerons à livrer des efforts de manière à trouver un accord de consensus large, autant que ce sera possible, sur la question de la refonte du système de la justice ».
Au cœur de ce projet de réforme se trouve une législation qui accorderait à une coalition au pouvoir un contrôle extensif sur la majorité des nominations des juges en Israël, en lui accordant le poids le plus important au sein de la Commission de sélection judiciaire.
Le texte est prêt à être adoptée, inscrit à l’ordre du jour du Parlement, ce qui signifie qu’il peut être présenté au vote presque sans préavis en séance plénière de la Knesset.
Une telle action entraînerait presque certainement, malgré tout, une reprise du mouvement d’opposition et de ses activités intenses.
Le parti Yesh Atid et d’autres sources issues de l’opposition – qui ont été cités par les médias israéliens ce week-end – ont fait savoir qu’ils demanderaient qu’une membre de l’opposition, la députée Karine Elharrar, élue sous l’étiquette Yesh Atid, soit désignée pour devenir l’une des deux parlementaires siégeant à la Commission de sélection judiciaire qui devrait être rapidement formée, affirmant qu’ils quitteraient les pourparlers de compromis le cas échéant.

Il est devenu habituel, au fil des années, de sélectionner un député issu de la coalition et un député appartenant à l’opposition pour servir dans le panel – même si ce n’est pas une obligation et que la coalition pourrait choisir deux membres de la majorité. Au début du mois, le secrétaire du gouvernement, Yossi Fuchs, avait menacé de sélectionner deux législateurs de la coalition si aucun accord n’était trouvé dans les discussions de compromis entre le gouvernement et l’opposition.
Selon un reportage qui a été diffusé dimanche par la Douzième chaîne, la coalition ne devrait pas néanmoins choisir deux de ses députés et elle devrait se contenter de n’en nommer qu’un, conformément à la coutume.
Une majorité simple est nécessaire pour désigner un juge qui siègera dans une juridiction inférieure et une majorité de sept membres sur neuf est obligatoire pour élire un magistrat à la Cour suprême, ce qui signifie que ni la coalition, ni l’opposition, ni les représentants du système judiciaire n’auront une majorité au sein du panel et que le gouvernement, comme les délégués du système de la justice, bénéficieront d’un droit de veto dans la sélection d’un juge à la Cour suprême – ce qui implique que le prochain chef de l’Association israélienne du barreau tiendra un rôle déterminant dans le processus.
La Knesset doit choisir ses deux représentants d’ici le 15 juin. Le panel comprend également trois juges de la Cour suprême en exercice, deux membres de l’association du barreau, le ministre de la Justice et un autre ministre.

L’opposition réclame aussi une convocation rapide de la commission après sélection des membres du parlement – d’ici la fin du mois de juin – fixant de facto une échéance aux négociations de compromis. L’opposition affirme que réunir enfin le panel est nécessaire pour pouvoir nommer des juges titulaires à des dizaines de postes actuellement vacants dans des tribunaux variés de tout le territoire.
Même si la commission sera, en pratique, en capacité de se réunir après l’élection des députés à bulletin secret, c’est Levin qui sera en mesure de convoquer le panel et de nommer les juges – ce qu’il ne fera probablement pas avant d’avoir légiféré sur les changements survenant dans la composition de la commission, avec pour objectif de renforcer le contrôle de cette dernière par le gouvernement.
Les critiques expliquent que le projet de réforme du système judiciaire israélien ôtera à la Haute-cour de justice sa capacité à agir comme contre-pouvoir face au Parlement, nuisant dangereusement à la démocratie israélienne. De leur côté, ses partisans assurent que la refonte est nécessaire pour brider un système judiciaire qui, selon eux, a outrepassé l’autorité qui est la sienne.