Un texte de l’extrême droite sur l’adhésion aux « valeurs sionistes » présenté au vote
Une résolution du cabinet qui sera présentée au vote affirme le droit des Juifs à s'implanter "sur toute la Terre d'Israël", notamment en Cisjordanie
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Une résolution du gouvernement visant à faire valoir « les valeurs sionistes » dans tous les aspects de la politique gouvernementale et, en particulier, dans les dossiers liés aux activités pro-implantations – mais aussi en lien avec les indemnités versées aux Israéliens qui font leur service militaire – devrait être présentée au vote lors de la réunion du cabinet de dimanche, malgré les critiques qui pourraient émaner de l’international et l’opposition probable de la procureure-générale au texte.
La résolution, qui a été avancée par Yitzhak Wasserlauf, ministre du Neguev, de la Galilée et de la résilience nationale appartenant au parti d’extrême-droite Otzma Yehudit, base les valeurs sionistes dont il fait la promotion sur celles qui étaient exprimées dans la Loi fondamentale : État-nation du peuple juif – une législation qui avait entraîné une forte controverse et qui avait suscité l’indignation des minorités du pays lorsqu’elle avait été adoptée en 2015.
Cette loi soutenait que seul le peuple juif avait le droit à l’auto-détermination au sein de l’État d’Israël et que « le développement des implantations juives » devait être une valeur nationale à encourager et à faire avancer sur le terrain.
La résolution proposée par Wasserlauf semble s’être expressément focalisée sur la question du développement de la présence juive en Cisjordanie et dans tout Israël, avec un texte qui établit spécifiquement qu’elle sera applicable aux agences du gouvernement impliquées dans l’allocation des terres et dans la planification des constructions, comme l’Autorité des terres israéliennes et le Conseil national de planification et de construction.
La faction Otzma Yehudit, avec à sa tête le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, s’oppose catégoriquement à l’établissement d’un État palestinien en Cisjordanie et elle défend avec ardeur l’expansion des implantations israéliennes sur le territoire. Le parti avait fait figurer dans son accord de coalition conclu avec le Likud une clause spécifique prévoyant de légaliser environ 70 implantations illégales, qui avaient été construites sans l’autorisation du gouvernement.
Il semble probable que l’un des objectifs au cœur de la résolution de Wasserlauf sera un nouvel élargissement des implantations de Cisjordanie.
Otzma Yehudit a également une vision négative de la minorité arabe d’Israël – elle représente environ 20 % de la population – et la faction promeut des politiques qui encourageraient les Arabes israéliens à émigrer.
Les clauses de la résolution de Wasserlauf qui établissent que des « avantages » non-précisés pourraient être accordés aux Israéliens qui font leur service militaire ou un service national pourraient être utilisées pour donner des prestations sociales à la population juive, dans la mesure où la grande majorité des citoyens arabes ne font pas leur service dans l’armée.
La résolution stipule néanmoins qu’elle ne dérogera pas des principes ancrés dans les Lois fondamentales quasi-constitutionnelles en Israël, même si le principe d’égalité ne figure pas de manière explicite dans ces législations.
Malgré des informations qui avaient laissé entendre, jeudi, que le vote sur la résolution pourrait être reporté, le bureau de Wasserlauf a confirmé qu’il espérait qu’il aurait bien lieu dimanche.
Le bureau du ministre s’est toutefois refusé à répondre aux questions portant sur la nature spécifique des « avantages » mentionnés dans la résolution.
« Nous déterminons… que les valeurs du sionisme, telles qu’elles sont exprimées dans la Loi Fondamentale : Israël en tant qu’État-nation du peuple juif, seront les valeurs qui orienteront et qui décideront de la formulation des politiques d’administration publique, des politiques intérieures et extérieures, de la législation et des activités du gouvernement, de toutes ses unités et de toutes ses agences… avant tout dans les domaines des implantations et dans l’octroi d’avantages à ceux qui servent dans l’armée ou dans les services de sécurité, ou dans le service civil, la priorité étant accordée à ceux qui servent dans les unités de combat », dit la résolution.
« Sans dérogation faite aux principes ancrés dans les Lois Fondamentales existantes », précise toutefois le texte.
Le texte d’explication accompagnant la résolution établit « qu’occasionnellement », les considérations prises en compte par le gouvernement et ses branches variées « ignorent les valeurs sionistes » et, en particulier, les valeurs qui affirment le droit à l’auto-détermination du peuple juif « sur la Terre d’Israël », notamment « dans les domaines des implantations, de la sécurité, de la culture et de l’immigration ».
L’utilisation du terme de « Terre d’Israël », qui concerne tout le territoire situé entre le fleuve Jourdain et la mer Méditerranée – y compris la Cisjordanie et Gaza, et pas seulement le territoire devenu aujourd’hui l’État d’Israël souverain – semble fortement indiquer que les politiques que Wasserlauf cherche à influencer dans cette résolution sont celles qui sont relatives aux implantations israéliennes en Cisjordanie.
Plusieurs journaux israéliens ont fait savoir, jeudi, qu’un haut-responsable du bureau de la procureure-générale avait rédigé un avis juridique défavorable à la résolution, affirmant que cette dernière « offre aux valeurs du sionisme un statut qui prévaut sur les autres valeurs fondamentales qui ont le même statut normatif d’un point de vue constitutionnel ».
Toutefois, le procureur-général adjoint Gil Limon, qui a rédigé cet avis juridique, a ajouté que la loi était « pratiquement déclarative ».
Cet avis juridique semble être une ébauche et le positionnement final du bureau de la procureure-générale doit encore être finalisé.
La résolution de Wasserlauf avait été condamnée avec force par l’ancienne ministre des Affaires étrangères et ancienne ministre de la Justice Tzipi Livni quand il avait annoncé son intention de la présenter au vote au cabinet, au début de l’année.
« Ce n’est pas du sionisme, c’est la continuation des insanités nationalistes et un nouveau crachat au visage des valeurs d’égalité qui figurent dans la déclaration d’Indépendance, qui établit clairement que ‘l’État d’Israël œuvrera à développer la terre pour tous ses habitants’, » avait écrit Livni sur Twitter.