Roni Alscheich : la police est un ‘punching ball’ pour les médias
Le chef de la police estime que la population considère que les forces de l'ordre sont profondément en 'crise'
Un jour après que les images de policiers en civil battant un homme arabe à Tel-Aviv aient attiré un flot de critiques, le commissaire de police Roni Alsheich a estimé lundi que les forces de l’ordre en Israël étaient devenues un « punching ball » pour les médias.
« La police est perçue par la population comme une organisation profondément en crise, une crise qui est liée à ses normes et à ses valeurs, ce qui l’a transformée en un punching ball pour les médias », a déclaré Alsheich lors d’une conférence sur la criminologie à l’université hébraïque de Jérusalem.
« Nous ne pouvons pas permettre à ce point de vue d’influencer… un officier qui ne s’attend qu’à être vilipendé », a-t-il dénoncé devant les participants présents au colloque sur « L’avenir de la police » de l’université.
« Le but est de faire la distinction entre un civil et un criminel », a ajouté Alsheich.
Ce discours a eu lieu tandis que la police poursuit son enquête sur un incident au cours duquel des policiers en civil auraient battu un homme arabe non armé dans le centre de Tel Aviv.
L’incident est le dernier scandale en date à entacher la réputation de la police, qui a été touchée ces dernières années par une série de scandales sexuels et des allégations de brutalité policière, ainsi que des accusations d’incompétence et d’utilisation excessive de la force.
Des photos et une vidéo de l’arrestation violente de l’employé de supermarché, Maysam Abu Alqian, 19 ans, ont été mises en ligne dimanche et ont immédiatement suscité l’indignation de la population et entraîné des accusations de brutalité policière.
Selon la police israélienne, Alqian, un résident de la ville bédouine de Hura dans le Neguev, a résisté à son arrestation et a attaqué les officiers quand ils lui ont demandé de présenter ses papiers d’identité.
Toutefois, des témoins ont accusé la police d’avoir battu l’homme après qu’il a refusé de montrer sa carte d’identité et a demandé aux policiers en civil qui ils étaient tout en sortant les ordures du supermarché Yuda situé dans la rue Ibn Gabirol à Tel Aviv.
Dans sa première interview accordée depuis l’incident, Alqian a contesté la version des événements de la police.
« Je rentrais d’une livraison – j’aide pour les livraisons au supermarché – et un homme m’a demandé ma carte d’identité », a-t-il déclaré à la radio militaire lundi matin.
« Je lui ai dit que je n’allais pas lui donner ma carte d’identité à moins qu’il ne me montre sa carte d’identité de la police. Il a répondu : ‘Je suis un flic et j’ai une plaque’. Il ne m’a pas dit pourquoi il m’avait arrêté, pourquoi il voulait voir [ma carte d’identité]. Je lui ai dit, ‘Tu dois m’amener quelqu’un en uniforme’ ».
L’officier – la police a affirmé plus tard que c’était un garde-frontière au repos – « a amené quelqu’un d’autre de son équipe. Il ne leur a pas fallu longtemps avant qu’ils ne commencent à me frapper », a ajouté Alqian.
Plus de policiers sont arrivés sur les lieux. « Il y en avait beaucoup, je ne les ai pas comptés. Personne ne m’a montré sa plaque. Ils ont juste commencé à me battre. Je leur ai demandé d’arrêter, j’ai essayé de me défendre, de bloquer leurs coups pour qu’ils ne m’atteignent pas au visage », a-t-il affirmé.
En vertu de la loi israélienne, les agents en civil sont tenus de présenter leur nom complet, leur rang et de présenter une pièce d’identité lorsqu’ils exercent des activités de police.
Alqian a finalement été emmené dans une voiture de police mais a dû être transporté à l’hôpital Ichilov à Tel Aviv pour soigner ses blessures à son visage, dans le cou et dans le dos. Il a été remis en liberté sous résidence surveillée par le tribunal de district de Tel Aviv dimanche soir.
Dans le sillage de l’incident, des dizaines de témoins se sont tournés vers les médias sociaux pour dénoncer ce qu’ils ont décrit comme une attaque non provoquée et vicieuse par la police sur Alqian.
Le directeur du supermarché Yuda, Kobi Cohen, a affirmé qu’il a tenté d’intervenir auprès des agents de police. Il a précisé au site d’informations Ynet que les agents avaient frappé Alqian « sans pitié jusqu’à ce qu’il soit incapable [de se mouvoir] ».
« Tout le monde est choqué par ce qui est arrivé. Et il n’y a qu’une seule raison pour cela – le gars était un Arabe », a déclaré Cohen.
« Il y a un problème en Israël avec le personnel de sécurité qui prend des libertés et agit de cette façon. Quelqu’un a besoin de faire un peu d’introspection », a soutenu Cohen sur les ondes de la radio militaire lundi matin, en rappelant un certain nombre de cas de brutalité policière contre les Israéliens d’origine éthiopienne l’an dernier.
Une porte-parole de la police israélienne a déclaré au Times of Israel qu’Alqian avait résisté à son arrestation et avait attaqué des officiers et que l’enquête sur l’incident suivait son cours.
« Il n’y a rien à ajouter », a-t-elle conclu, sans préciser ce que l’homme est soupçonné d’avoir fait. « On enquête sur les circonstances [de l’incident]. Le refus d’être arrêté et de se soumettre à une recherche est illégal ».
En décembre, la police a annoncé que ses agents seraient équipés de caméras portés sur eux dans le but d’accroître la transparence et de renforcer la confiance de la population envers les forces de l’ordre.
Plus tôt en 2015, un clip vidéo montrant un soldat éthiopien israélien, Damas Pakada, en train d’être battu par deux policiers dans la ville de Holon avait suscité l’indignation de la population et entraîné plusieurs jours de manifestations.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.