Routes en Israël : Anticiper la hausse des températures pour éviter les problèmes
En Israël, aucune route n’a fondu, contrairement au Royaume-Uni lors de la vague de chaleur, mais les autorités cherchent de nouveaux matériaux et des normes de construction vertes
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
L’été dernier, de nombreuses routes du Royaume-Uni ont fondu sous l’effet de températures record.
Lorsque le mercure a atteint 40,3 ° C, les autorités routières se sont précipitées sur les machines de sablage de surface, généralement utilisées par temps de neige.
En Israël, où les températures dans la vallée du Jourdain et le sud du désert d’Arava peuvent être encore plus élevées, l’asphalte n’a pas fondu.
Mais d’ici 80 ans, la région sera considérablement plus chaude, le Service météorologique israélien (IMS) prévoyant une augmentation des températures moyennes de l’ordre de 4°C, par rapport à la moyenne des années 1988 à 2017.
« Israël est à la base un pays plus chaud et les calculs sont forcement différents », explique Adi Gamliel, directeur du développement durable et des critères ESG à la Société nationale des routes d’Israël (Netivei Israël).
« Il y a tellement de facteurs à prendre en compte, depuis la quantité de basalte [qui empêche le dérapage] et de bitume [un liant de l’asphalte], à la taille des agrégats en passant par le nombre de couches sous la surface et la propension du sous-sol à absorber l’eau », ajoute Gamliel.
Il évoque la création de passages souterrains le long de certaines parties de la route qui serpente à travers le désert d’Arava, dans le sud d’Israël, comme un exemple d’adaptation aux conditions climatiques changeantes. Ces passages souterrains permettent de détourner l’eau des crues, dues aux pluies toujours plus intenses, et d’éviter d’avoir à dépenser de l’argent pour réparer les dégâts qu’elles occasionnent.
Gamliel recommande de ne pas se focaliser sur les températures moyennes, qui ne reflètent pas des événements météorologiques très destructeurs qui ne durent parfois que quelques jours.
En travaillant avec l’IMS, au moyen d’échantillons d’asphalte prélevés sur les routes partout en Israël, son équipe et lui devraient avoir une meilleure compréhension de ce qui doit être fait et de la priorisation des dépenses.
« Aujourd’hui, je ne peux pas vous dire à quelles températures nos routes sont exposées. C’est ce que nous allons voir », explique-t-il.
« Certaines routes, sur les hauteurs du Golan [à l’extrême nord d’Israël], par exemple, ont été posées il y a des dizaines d’années ou ont été refaites. Mais là-haut, il se pourrait que les températures ne soient pas très élevées. Dans la vallée du Jourdain, en revanche, une route plus récente pourrait faire face à des températures plus élevées et faire l’objet d’une intervention prioritaire.
Le changement climatique n’est pas le seul facteur de surveillance des routes. Les autoroutes doivent être maintenues dans le meilleur état possible pour les services d’urgence et l’armée, dans un pays potentiellement sujet à des attaques, ajoute Gamliel.
De nos jours, la livraison des achats effectués sur Internet entraine une circulation beaucoup plus intense des camions. Selon Gamliel, ils transportent souvent beaucoup plus que ce qui est autorisé. Le risque sismique doit également être intégré dans l’équation, compte tenu de la proximité d’Israël avec le rift syro-africain, très actif.
Netivei Israël étudie des matériaux qui soient à la fois plus durables et mieux à même de faire face aux phénomènes climatiques extrêmes.
Il a ainsi lancé un projet intégrant du caoutchouc broyé issus de vieux pneus dans l’asphalte sur deux routes de la région de Hadera, dans le centre d’Israël.
Gamliel explique qu’après un hiver et un été, l’asphalte additionné de caoutchouc s’avère plus élastique et résistant aux températures extrêmes que l’asphalte ordinaire. Le repavage serait en outre nécessaire à intervalles plus longs, ce qui contribuerait à réduire les coûts d’entretien.
Par ailleurs, Netivei Israël étudie comment intégrer le verre qui ne peut pas être recyclé, voire les déchets de chantier, dans la construction routière. Utiliser les déchets d’un chantier de construction tout proche plutôt que du gravier extrait et transporté depuis la Cisjordanie serait moins cher et plus durable, précise Gamliel.
En collaboration avec le Technion – Institut israélien de technologie de Haïfa, dans le nord du pays – Netivei Israël cherche des alternatives au bitume, sous-produit de l’industrie du pétrole, combustible fossile dont on sait que la production émet des gaz à effet de serre.
Ils évaluent également les initiatives prises, ailleurs dans le monde, pour peindre les routes d’une couleur plus claire afin qu’elles absorbent moins la chaleur du soleil.
Se termine en ce moment-même une enquête sur les risques environnementaux, issue de l’examen attentif des mesures prises par d’autres pays développés, comme les États-Unis, les Pays-Bas, l’Australie ou le Royaume-Uni, en matière de critères ESG.
Les critères ESG – environnement, social et gouvernance – sont supposés aider les entreprises à estimer et revendiquer leur degré de durabilité dans ces trois domaines.
Le critère « Environnement » renvoie aux politiques et opérations liées à la pollution et à l’utilisation de l’énergie, de l’eau et diverses autres ressources naturelles.
« Nous examinons tout, des émissions à la consommation d’énergie en passant par la politique d’achats, l’économie circulaire [qui implique la réutilisation de matériaux, souvent rejetés par d’autres industries], la taxation du carbone [pas encore mise en œuvre en Israël] et la taxonomie de l’UE », explique Gamliel.
Il s’agit de définir, pour la première fois, ce que signifie « être vert, durable » et d’énumérer les activités économiques susceptibles d’être qualifiés de « durables sur le plan environnemental ».
En octobre, le ministère israélien de la Protection de l’environnement a publié son premier projet de taxonomie.
Gamliel présentera l’examen ESG à la direction et au conseil d’administration de la société ce mois-ci. S’il est approuvé, il servira de base à un nouveau plan de travail.
Un rapport sur les normes de construction des routes vertes, en cours de finalisation, devrait également être présenté sous peu.
En l’absence de telles normes en Israël, la société a adopté le système d’évaluation des routes vertes du Conseil américain des transports durables pour construire la première route verte labellisée du pays, la Route 77, qui relie Tel Kashish à Ramat Yishai, dans le nord d’Israël, ouverte il y a de cela trois ans.
Depuis lors, l’équipe de Gamliel a parcouru les quelque 150 clauses de ce système de notation pour identifier ce qui manquait dans les instructions données aux entreprises israéliennes chargées de la construction des routes.
Son objectif est d’établir un nouveau document pour guider les politiques publiques.
Aux États-Unis, une enquête sociale doit être réalisée avant la construction d’une route, ce qui n’est pas le cas en Israël.
« Notre direction devra décider de questions de cet ordre. Qui serait responsable d’une telle enquête ? Faudrait-il former des personnels ? Qui en assumerait les coûts ? L’enquête serait-elle nécessaire pour tous les travaux ou seulement pour les grands projets avec un impact sur les communautés environnantes ? », questionne Gamliel.
En parallèle, son équipe et lui travaillent avec le ministère de la Protection de l’environnement pour définir une norme israélienne en matière de routes vertes.
Il y a plusieurs mois, le ministère des Transports a créé une unité chargée du changement climatique, actuellement en cours de cartographie des compétences des différents services sur la question.
Gamliel a appelé toute personne ayant des idées à prendre part aux réunions spéciales tenues pendant deux heures, tous les mercredi.
« Allez sur notre site Internet et réservez votre créneau », dit Gamliel.
« Pas besoin de connaître qui que ce soit. Les portes sont grandes ouvertes. »