Sans le nommer, Lapid a voulu désigner Netanyahu comme ennemi national d’Israël
Dans son premier discours, le Premier ministre de transition a fustigé l'extrémisme qui "s'écoule comme le ferait la lave" de la sphère politique jusque dans les rues du pays
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Yair Lapid n’est plus idéologiquement lié aux contraintes doctrinales imposées par une coalition de huit partis très diversifiés et disparates. Ce partenariat s’est écroulé, la Knesset a été dissoute jeudi et des élections sont prévues en date du 1er novembre.
Et pourtant, dans son tout premier discours à la nation en tant que Premier ministre par intérim, Lapid a a fait, samedi soir, une allocution que peu de membres de son alliance extraordinaire de factions de droite, du centre et de gauche ont pu trouver problématique. Et c’était bien là son objectif.
Dans ce qui a été la toute première salve de sa campagne de quatre mois au cours de laquelle il compte bien persuader les Israéliens de l’élire au poste hérité de Naftali Bennett, Lapid s’est présenté comme le Premier ministre d’un Israël aux objectifs et aux valeurs partagées, d’un Israël plus fort, plus sûr et plus heureux, avec un pays en mesure de prendre en charge ses querelles internes de manière saine – d’un Israël dont les citoyens sont finalement beaucoup plus unis que ne le sont les politiciens.
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Il a utilisé cette prise de parole pour se présenter personnellement à un électorat dont certaines parties, a-t-il reconnu, « ne soutiennent pas et ne soutiendront pas » son gouvernement par intérim.
Il a rappelé à celles et ceux qui le regardaient qu’il est un fils de survivant de la Shoah et qu’il est en conséquence profondément conscient – au vu des horreurs et des trahisons commises pendant la Seconde guerre mondiale – de l’impératif, pour une nation juive ressuscitée, d’être capable d’assurer elle-même sa défense, ce que quelles que soient les circonstances.
Leader laïc, il s’est relié à la foi ainsi qu’à la nation juive grâce à des citations de la Bible et à des moments de l’Histoire.
Il a fait part de sa bonne volonté en matière de recherche du consensus en se référant aux deux photos qui se trouvent dans son bureau de la Knesset, les photos des deux plus grands Premiers ministre israéliens venus tous deux des côtés opposés de l’échiquier politique : David Ben-Gurion et Menachem Begin.
Il a souligné de manière répétée son engagement en faveur de la démocratie israélienne et du caractère juif du pays, notamment dans une affirmation presque utopique : « nous avons tous les mêmes objectifs : un Israël Juif, démocratique, libéral, grand, fort, avancé et prospère ».
Et qu’a signifié cet Israël « grand » ? L’inclusion d’un territoire dont Israël ne serait pas souverain pour le moment ? Pas le temps d’entrer dans le détail. Il s’agissait, après tout, de son tout premier discours en tant que Premier ministre.
Lapid s’est exprimé avec le ton qu’on lui connaît, calme, sérieux ; mais il a semblé plus énergique à la fin de cette courte allocution (elle a duré moins de dix minutes) quand il a évoqué l’extrémisme qui « s’écoule comme le ferait la lave » depuis la sphère politique israélienne jusque dans les rues du pays.
Pendant la quasi-totalité du discours, Lapid a cherché à se différencier de celui qui sera son adversaire lors du scrutin du 1er novembre, Benjamin Netanyahu. Il a commencé en remerciant Bennett pour une transition du pouvoir ordonnée et apaisée – en contraste saisissant avec l’incapacité affichée par Netanyahu d’honorer l’accord de rotation au poste de chef du gouvernement qu’il avait conclu avec Benny Gantz, ainsi que la rencontre peu plaisante entre Netanyahu et son successeur à sa fonction, Naftali Bennett, lors de la prise de pouvoir de ce dernier, au mois de juin dernier, qui avait duré moins de trente minutes. Mais les passages sur les violences et sur les vices de la politique nationale ont été autant de flèches furieuses et convaincantes qui ont incontestablement pris pour cible le leader du Likud.
« La grande question que doit se poser Israël est finalement de comprendre pourquoi, dans une période où l’accord national est aussi large sur tous les sujets d’importance, les niveaux de haine et d’anxiété sont aussi élevés ? Pourquoi les clivages sont-ils aujourd’hui plus menaçants que jamais ? », a-t-il interrogé.
La politique israélienne est devenue de plus en plus extrémiste et conflictuelle, et elle « traîne la société israélienne dans son sillage », a-t-il répondu. « Nous devons mettre un terme à cela. C’est le défi que nous devons relever », a-t-il ajouté.
Lapid a choisi de ne pas mentionner Netanyahu une seule fois, ni à ce moment du discours ni à n’importe quel autre moment de son allocution – car c’est lui qui devra être vaincu, mais sans être nommé.
Selon Lapid, le Premier ministre resté le plus longtemps à son poste de toute l’Histoire d’Israël, le chef de l’opposition qui aura fait exploser sa coalition forgée avec minutie, n’est pas seulement l’ennemi politique personnel du Premier ministre de transition. Il est aussi l’ennemi national, l’homme qui par sa rage et son goût pour la discorde fait obstacle à un Israël qui serait à la fois en sécurité et en recherche de paix, à un Israël prospère économiquement mais n’oubliant pas les plus faibles, à un Israël diversifié idéologiquement mais pourtant suffisamment mature pour appréhender ses querelles internes.
Lapid a ouvert sa campagne, samedi, avec une attaque qui, si elle a été courtoise, n’en a pas moins été écrasante contre le Premier ministre israélien resté le plus longtemps au pouvoir. Nul doute que Netanyahu saura riposter – en affichant une moindre civilité.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel