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Sarah Halimi: pas de procès pour le meurtrier, jugé pénalement irresponsable

La chambre de l'instruction a tranché entre les expertises psychiatriques contradictoires du dossier et conclu à l'abolition du discernement de Kobili Traoré au moment des faits

Sarah Halimi, défenestrée en avril 2017 à Paris. (Autorisation)
Sarah Halimi, défenestrée en avril 2017 à Paris. (Autorisation)

Le meurtrier de Sarah Halimi, une sexagénaire juive, en 2017 a été déclaré jeudi pénalement irresponsable par la cour d’appel de Paris, qui écarte donc la possibilité de le juger aux assises comme le réclamaient les proches de la victime.

La chambre de l’instruction a tranché entre les expertises psychiatriques contradictoires du dossier et conclu à l’abolition du discernement de Kobili Traoré au moment des faits.

En proie à une bouffée délirante liée à une forte consommation de cannabis, ce jeune musulman avait roué de coups sa voisine aux cris d' »Allah Akbar » avant de la défenestrer dans la cour de leur immeuble du 11e arrondissement parisien.

La cour a estimé qu’il existait « des charges suffisantes contre Kobili Traoré d’avoir (…) volontairement donné la mort » à Lucie Attal – aussi appelée Sarah Halimi – et a retenu pour ces faits la circonstance aggravante de l’antisémitisme, conformément aux réquisitions du parquet général.

Le Crif a exprimé sa consternation et son indignation.

Jeudi, la cour a donc estimé qu’il existait « des charges suffisantes contre Kobili Traoré d’avoir (…) volontairement donné la mort » à Mme Halimi, avec la circonstance aggravante de l’antisémitisme, tout en le déclarant « irresponsable pénalement en raison d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ».

Avocat des enfants de la victime, Me Szpiner a dénoncé devant la presse « une décision scandaleuse ».

« Un homme dont les experts disaient qu’il avait été atteint d’une bouffée délirante à raison d’une prise volontaire de toxique se voit donc accorder l’impunité », a-t-il déclaré.

« On vient de créer dans notre pays une jurisprudence Sarah Halimi, c’est à dire que toute personne qui sera atteinte d’une bouffée délirante parce qu’elle aura pris une substance illicite et dangereuse pour la santé se verra exonérée de responsabilité pénale », a-t-il mis en garde.

A l’inverse, l’avocat de la défense joint par l’AFP, Me Thomas Bidnic, a exprimé sa « satisfaction et soulagement ».

« N’était en cause ici ni la lutte contre ce fléau qu’est l’antisémitisme, ni la politique pénale souhaitable contre le cannabis mais uniquement la question du discernement de Kobili Traoré au moment des faits, or celui-ci était manifestement aboli », a-t-il déclaré. « La justice l’a dit, c’est normal mais, parfois, c’est la simple application de la loi qui apparaît comme subversive… Certains marchent sur la tête », a-t-il conclu.

La cour d’appel, dont la décision met fin à la détention du suspect, a en outre ordonné son hospitalisation et des mesures de sûreté pour une durée de 20 ans, comprenant l’interdiction d’entrer en contact avec les proches de la victime et de retourner sur les lieux.

Vue depuis le haut de Belleville, rue de Belleville (Crédit: LPLT)

Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017 à Paris, Kobili Traoré s’est introduit chez sa voisine de 65 ans Lucie Attal – aussi appelée Sarah Halimi – au troisième étage d’un immeuble HLM du quartier populaire de Belleville, après avoir traversé l’appartement d’une famille qui s’était barricadée dans une chambre.

Aux cris d' »Allah Akbar », entrecoupés d’insultes et de versets du coran, ce jeune musulman a rouée de coups la septuagénaire sur son balcon avant de la précipiter dans la cour.

Un débat s’était déroulé le 28 novembre. L’état psychologique du meurtrier de la sexagénaire juive Sarah Halimi, au moment des faits, était au coeur des débats devant la cour d’appel de Paris, saisie de la question de son éventuelle irresponsabilité pénale.

« Est-ce que la prise volontaire d’une substance illicite, dangereuse pour la santé, vous permet d’être exonéré de votre responsabilité pénale ? », avait ironisé Me Francis Szpiner, avocat des enfants de la sexagénaire.

William Atal, frère de Sarah Halimi qui a été tuée en avril lors d’une attaque apparemment antisémite aux abords de la synagogue centrale dans la banlieue de Créteil, près de Paris, le 17 juin 2017 (Crédit : Raoul Wootliff/Times of Israel)

Sa consoeur, Muriel Ouaknine-Melki, qui représente le frère de Mme Halimi, a pour sa part noté qu’en prétendant que sa victime s’était suicidée au moment de l’arrivée de la police, le suspect avait mis en avant « des éléments de stratégie qui sont la preuve qu’il a en conscience enfreint la loi ».

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