Sharansky : « Nous sauvons les Juifs d’Ukraine, d’Iran, de Tunisie… »
Le président de l'Agence Juive évoque, tour à tour, les sujets qui fâchent, de la loi sur la conscription universelle à la controverse autour des « Femmes du Mur »
SYDNEY, Australie – Familles après familles, les Juifs sont sauvés de pays comme l’Iran, l’Ukraine et le Yémen, a déclaré jeudi le président de l’Agence juive pour Israël Natan Sharansky.
L’objectif de l’Agence juive est « d’atteindre chaque Juif de par le monde et de renforcer ses liens avec Israël et la tradition juive », affirme l’ancien ministre.
S’exprimant face à une foule venue nombreuse pour l’occasion, à la synagogue centrale de Sydney, Sharansky a évoqué la plupart des questions qui préoccupent actuellement le monde juif, de l’Ukraine aux femmes du mur, sans omettre la guerre civile en Syrie.
« Familles après familles, nous sauvons des vies, non seulement en Ukraine mais également au Yémen, au Maroc, en Tunisie ou en Iran – mais aussi dans d’autres coins problématiques », a lancé Sharansky face à une salle bondée.
« Ça se passe partout, tout le temps, et il est préférable de ne pas divulguer les détails. »
La situation des milliers de Juifs ukrainiens a soulevé de nombreuses interrogations dans le public. « Nous constatons une augmentation du nombre de candidats à l’alyah en provenance d’Ukraine », confirme le directeur de l’Agence juive. « Mais la question est de savoir ce qui se passera dans deux, trois ou cinq mois, quand la situation deviendra claire ».
Tout en réaffirmant l’engagement d’Israël aux côtés des Juifs persécutés, Sharansky rejette l’idée selon laquelle l’antisémitisme serait bénéfique pour Israël. « Nous devons le combattre, sur le plan moral et pratique », a-t-il déclaré. Mais il souhaiterait que les Juifs choisissent de vivre en Israël par choix, et non par contrainte.
« Chaque Juif doit se sentir comme partie intégrante de notre histoire et se sentir connecté à Israël », a-t-il affirmé. « C’est cette connexion qui devrait donner aux Juifs l’envie de faire partie de cette histoire, pas l’antisémitisme. »
Le potentiel candidat à la présidentielle israélienne a prévu plusieurs conférences en Australie. Sa visite de travail durera dix jours.
Sharansky s’est rendu célèbre pour sa dissidence et son combat contre l’ex-Union soviétique qui l’ont conduit à une incarcération dans un Goulag.
Face à la foule, il promet de s’élever contre tous ceux qui violent les droits de l’Homme partout dans le monde. « Chaque dictature prendra fin, car c’est la volonté du peuple, et qu’il agira en ce sens », assure-t-il en évoquant la crise politique en Égypte et la guerre civile sanglante en Syrie.
« L’armée juive des étudiants et des femmes au foyer a remporté la bataille face au KGB », a déclaré Sharansky à un auditoire conquis.
« Toute personne doit se battre pour ce en quoi elle croit et le peuple juif doit continuer à afficher sa conviction que chaque personne dans le monde a besoin de liberté. »
Tout en saluant les individus qui soutiennent la démocratie, « Sharansky a ouvertement critiqué la gestion des tensions au Moyen Orient par les gouvernements occidentaux.
« Quand nous étions derrière le rideau de fer, et luttions contre les Soviétiques pour la liberté, le monde libre se tenait à nos côtés. Nous savions que les Etats-Unis et d’autres pays nous soutenaient ».
« Aujourd’hui, les dissidents en Egypte et en Iran se sentent abandonnés … ils sentent que le monde n’est pas à leurs côtés, mais plutôt du côté d’autres dictateurs du Moyen Orient ».
Sharansky s’est également prononcé sur des questions d’ordre national, affirmant « qu’il existe des solutions, de bonnes solutions » aux différents problèmes qui agitent la société israélienne.
Interrogé sur son sentiment concernant la loi sur la conscription des ultra-orthodoxes et de l’adoption de sanctions pénales en cas de refus, Sharansky répond : « Le temps du changement est arrivé » et les ultra-orthodoxes doivent accepter d’endosser davantage de responsabilités, via un service militaire ou national, a-t-il déclaré.
Le débat ne devrait pas se poser sur la question de l’égalité, mais plutôt sur la responsabilité partagée, explique-t-il. « Le sujet n’est pas une question de besoin pour l’armée, mais de sentir que tout le monde participe à notre société … la question de la responsabilité partagée est la bonne voie ». Il a mis en garde cependant contre l’adoption des sanctions pénales qui pourraient s’avérer nocives.
Interrogé sur la controverse autour des « Femmes du mur », il a surpris son assistance en affirmant qu’un accord pourrait être conclu « dans quelques semaines. En tant que chef de l’Agence juive, Sharansky est chargé de trouver un compromis pour régler le différend qu’il qualifie de « mauvais pour nous tous ».
« Les deux parties s’opposent [à l’accord], parce que les deux vont devoir faire de sérieux compromis », a déclaré Sharansky.
S’il refuse de divulguer les détails, Sharansky a toutefois confié que l’accord permettrait autant aux orthodoxes qu’aux non-orthodoxes « de se sentir chez eux » dans ce qu’il appelle « le lieu juif le plus visible » au monde.
« Dans l’affaire des « Femmes du mur », le plus dur était de convaincre les femmes que les rabbins n’étaient pas l’incarnation du mal et vice versa », a déclaré Sharansky.
L’objectif étant de « leur faire comprendre qu’un camp ne cherchait pas à nuire à l’autre ». « Nous avons dû les persuader que les deux parties cherchaient à agir au mieux, en fonction de ses propres croyances, pour le monde juif. »
« Les problèmes deviennent alors beaucoup plus faciles à régler. »