Subventions des crèches : passe d’armes entre le bureau de la procureure générale et Yossi Fuchs
L'adjoint de la procureure générale accuse le secrétaire du cabinet d'avoir agi « sans autorité » en ordonnant au comptable général du Trésor de soumettre les dispositions du projet de loi à l'approbation du gouvernement
Un adjoint de la procureure générale, Gali Baharav-Miara, a adressé une lettre virulente critiquant la conduite du secrétaire du cabinet, Yossi Fuchs, dans le cadre des efforts déployés pour faire adopter une loi garantissant des subventions pour les crèches aux familles des ultra-orthodoxes qui se soustraient à l’appel sous les drapeaux.
La lettre de Gil Limon accuse Fuchs d’avoir agi « sans autorité » en ordonnant au comptable général du Trésor, Yali Rothenberg, de soumettre les dispositions du projet de loi à l’approbation du gouvernement, tout en le menaçant de sanctions administratives potentielles s’il ne s’exécutait pas.
Limon estime que cet ordre va à l’encontre des instructions de la procureure générale, et ajoute que Fuchs n’a pas l’autorité nécessaire pour donner des instructions au comptable général sur la manière d’agir, en particulier lorsque l’ordre va à l’encontre de la loi.
« Plus que tout, vous n’avez pas le droit de menacer un fonctionnaire qui cherche à exercer ses fonctions loyalement et à agir conformément à la
loi », a écrit Limon. « Vous devez vous rétracter. »
Fuchs a réagi en accusant le bureau de la procureure générale de se placer au-dessus du gouvernement et de mener le pays à « l’anarchie totale ».
« En droit israélien, il n’existe pas d’instruction du procureur général de ne pas appliquer une décision du cabinet », écrit Fuchs. « Le conseil juridique agit contre la loi, sans autorité, et menace dans chaque lettre qu’il publie comme s’il était au-dessus du gouvernement, une sorte d’autorité exécutive à laquelle tout le monde est subordonné. »
« Votre comportement oppositionnel à l’égard du gouvernement depuis sa création s’étend progressivement vers une crise constitutionnelle et une anarchie totale. »
Le projet de loi en question, présenté la semaine dernière, vise à garantir que les enfants des hommes ultra-orthodoxes – ou haredim – qui sont tenus d’effectuer leur service militaire, mais qui ne l’ont pas fait, continueront à bénéficier des subventions de l’État pour la garde de leurs enfants. L’adoption de ce projet de loi est l’une des principales exigences politiques des partis haredim de la coalition, Shas et Yahadout HaTorah.
Le projet de loi est largement controversé, ses détracteurs affirmant qu’il continuerait à encourager les hommes ultra-orthodoxes à ne pas effectuer leur service militaire, alors même que Tsahal est confronté à une grave pénurie d’effectifs en raison des pertes subies au cours du conflit multi-fronts qui dure depuis un an contre les groupes terroristes palestinien du Hamas et chiite libanais du Hezbollah.
Après avoir été approuvé dimanche par la commission des Lois, le texte va maintenant être soumis au vote de la Knesset en lecture préliminaire, probablement, a indiqué le député Yisrael Eichler (Yahadout HaTorah), qui est à l’origine de la mesure.
Le bureau de la procureure générale a indiqué toutefois que le projet de loi se heurtait à un obstacle juridique, puisqu’il cherchait à surmonter l’expiration en 2023 de la loi autorisant des exemptions générales de service militaire pour les ultra-orthodoxes étudiant en yeshiva, et une décision de la Haute Cour en juin selon laquelle ils doivent, en conséquence, s’enrôler dans l’armée.
Cet arrêt a également établi que le soutien financier à ces étudiants devait cesser, en l’absence d’une loi autorisant ces hommes à ne pas s’enrôler.
Il s’agit toutefois d’un projet de loi d’initiative parlementaire, ce qui signifie qu’il n’a pas besoin de l’approbation du bureau de la procureure générale pour être soumis à la Knesset.
Auparavant, la loi permettait aux familles dont la mère travaillait et dont le père étudiait à temps plein en yeshiva – au lieu de faire son service militaire – de bénéficier de ces subventions, qui représentent des milliers de shekels par mois pour les familles ultra-orthodoxes, qui ont souvent un grand nombre d’enfants.
De 2002 à 2018, la subvention pour la garde d’enfants était accordée aux mères qui travaillaient et dont le revenu était inférieur à un certain seuil, afin d’encourager l’emploi des femmes.
En 2021, le ministre des Finances de l’époque, Avigdor Liberman, avait modifié la loi de manière à ce que la mère et le père soient tous deux dans l’obligation de travailler pour obtenir ces subventions, afin d’exclure les familles dont le père étudie en yeshiva. Le gouvernement actuel a toutefois veillé à ce qu’un homme étudiant la Torah à plein temps puisse être considéré comme « employé » au regard des critères d’attribution de l’allocation.
Les subventions pour les crèches constituent un élément essentiel de l’économie domestique de nombreuses familles ultra-orthodoxes, raison pour laquelle les partis haredim ont exercé une forte pression sur le gouvernement pour qu’il les rétablisse.