Tariq Ramadan, star déchue de l’islam frériste d’Europe
Longtemps considéré comme une « énorme influence » sur les musulmans d'Europe, l'islamologue est désavoué depuis sa condamnation pour viol et contrainte sexuelle
L’islamologue Tariq Ramadan, condamné en appel à trois ans de prison pour viol à Genève dont un an ferme, est un intellectuel suisse spécialiste de l’islam, contesté et à l’influence déclinante, régulièrement accusé de dissimuler des conceptions radicales derrière une façade avenante.
Âgé de 62 ans, ce petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans, dont le Hamas est entre autres issu, docteur de l’université de Genève pour une thèse consacrée à son grand-père, a connu dans les années 2000 son heure de gloire.
Régulièrement invité par plusieurs universités en Europe, au Maroc, au Qatar ou au Japon, il attirait à ses conférences des foules d’étudiants s’arrachant ses cours.
En 2004, consécration, le magazine américain Time le classe parmi ses 100 personnalités de l’année pour son « énorme influence » sur les musulmans d’Europe.
Considéré comme brillant, Tariq Ramadan suscite aussi pendant 25 ans des débats.
Souvent taxé d’antisémitisme – ce qu’il récuse au nom du droit à la critique de l’Etat d’Israël – il a aussi été accusé, notamment dans les sphères laïques, de faire le lit du communautarisme, de pousser les jeunes filles à se voiler et de masquer son fondamentalisme religieux sous un discours moderniste.
En France, il croise le fer lors de débats avec ses plus virulents adversaires comme le polémiste devenu en 2022 candidat à la présidentielle Eric Zemmour ou l’essayiste Caroline Fourest.
Cheveux gris ras, tenues soignées, il réfute alors ces critiques, affirmant inciter les jeunes musulmans à s’impliquer dans la société dans laquelle ils vivent, assurant que le port du voile relève de la liberté individuelle, prônant une lecture « contextualisante » des textes fondateurs de l’islam, condamnant la violence.
En 2016, le prédicateur annonce son intention de demander la nationalité française et de devenir franco-suisse, afin de « donner un exemple concret et positif d’adhésion aux valeurs de la République ». Le Premier ministre d’alors, Manuel Valls, n’accède pas à sa requête.
« Changement de visage »
Fin 2017, tout bascule : de premières plaintes en France le visent. Le théologien est lâché progressivement par ses soutiens – y compris au Qatar. Il se met en congé de sa chaire de professeur d’études islamiques contemporaines à Oxford (Royaume-Uni), tenue pendant près de douze ans.
« L’affaire Ramadan » éclate.
Au cœur du discrédit, les mensonges de l’islamologue sur sa double vie et ses aveux en 2018 sur des relations sexuelles hors mariage, qui décrédibilisent aux yeux de certains imams et responsables associatifs cet homme marié depuis plus de 35 ans à une Française convertie, père de quatre enfants.
En 2018, une plaignante suisse porte plainte pour « viol et contrainte sexuelle » pour des faits remontant à 2008 à Genève, ce qui lui vaut son première procès. Acquitté en première instance en 2023, il a été condamné en appel pour viol et contrainte sexuelle à une peine de prison de trois ans, dont un an ferme, selon un arrêt daté du 28 août rendu public mardi.
La plaignante, une certaine « Brigitte », a déclaré devant les juges qu’il l’avait soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d’insultes dans la chambre de l’hôtel genevois où il séjournait, la nuit du 28 octobre 2008.
Dans le dossier français, la cour d’appel de Paris a décidé en juin 2024 de le renvoyer en procès pour des viols sur trois femmes, commis entre 2009 et 2016 ; sa défense a formé un pourvoi. Tariq Ramadan a déjà passé plus de neuf mois en détention provisoire en 2018, avant de ressortir libre en novembre de la même année.
Dans cette affaire les enquêteurs français avaient mis progressivement au jour un « mode opératoire » débutant par des discussions privées qui prenaient vite un tour intime, avant qu’un rendez-vous soit programmé.
De nombreuses femmes ont décrit un basculement soudain de Tariq Ramadan dans l’ultra-violence. « Il n’y a pas eu un geste, une pratique, un acte sexuel qui n’ait pas été discuté au préalable », a assuré M. Ramadan.
Le prédicateur est aujourd’hui « en retraite anticipée » en raison de ses problèmes de santé – il a dit être atteint d’une sclérose en plaques et de dépression.