Trump : Netanyahu n’a jamais voulu la paix
"Je pensais que les Israéliens auraient tout fait pour la paix", dit l'ex-président dans un nouveau livre, ajoutant que Netanyahu ne l'a jamais désirée

Dans de nouveaux extraits d’entretiens rendus publics samedi, l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, évoque de façon étonnamment franche les dirigeants d’Israël avec lesquels il a travaillé pendant son mandat, 24 heures après la révélation de propos particulièrement féroces prononcés à l’encontre de l’ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Dans les derniers extraits d’interviews qui ont été diffusés par la Douzième chaîne, Trump indique avoir le sentiment que Netanyahu « ne voulait pas la paix. Il ne l’a jamais voulue » ; il prétend avoir empêché le leader israélien d’annexer la Cisjordanie (« Je me suis mis en colère et j’ai arrêté ça ») ; il fait part de son opinion favorable sur le ministre de la Défense, Benny Gantz (« je pense qu’il voulait un accord… S’il avait gagné, je pense que les choses auraient été beaucoup plus faciles ») ; et il a aussi évoqué l’évolution de son point de vue sur le conflit israélo-palestinien (« J’avais pensé que les Palestiniens étaient impossibles et que les Israéliens étaient prêts à n’importe quoi pour faire la paix et conclure un accord. Je me suis rendu compte que ce n’était pas la réalité ».)
S’exprimant devant le journaliste Barak Ravid, cette année, dans le cadre de l’écriture d’un livre, l’ex-président commente aussi dans ces extraits ses initiatives de médiation entre Jérusalem et Ramallah et l’évolution de ses sentiments, le temps passant, en découvrant que Netanyahu ne s’intéressait pas réellement à la conclusion d’un accord.
Trump explique que lorsqu’il est arrivé au pouvoir, il a demandé à Netanyahu de faire des gestes de bonne volonté à l’égard des Palestiniens, parlant de la possibilité de geler les constructions en Cisjordanie. Il raconte s’être souvent heurté, à ce moment-là, aux hésitations du leader israélien.
« Bibi ne voulait pas trouver un accord », dit-il, utilisant le surnom donné à Netanyahu. « Et même plus récemment, quand nous leur avions montré les cartes » réalisées dans le cadre du plan de paix de son administration, la réaction de l’ancien Premier ministre avait été : « Oh, c’est bien, c’est très bien – tout était toujours formidable, mais jamais il n’a… Il ne voulait pas conclure d’accord ».
« Maintenant, je ne sais pas s’il se refusait à le faire pour des raisons politiques ou pour d’autres raisons. J’aurais aimé qu’il me dise qu’il ne souhaitait pas conclure un accord plutôt que… Parce que beaucoup de gens y ont consacré beaucoup de travail. Mais je ne pense pas que Bibi aurait jamais conclu un accord. C’est mon avis. Je pense que le général [Gantz] voulait conclure un accord ».
Trump note penser que le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, « voulait conclure un accord – plus que Netanyahu. Et je vais être honnête, j’avais eu une rencontre formidable avec lui, Abbas, c’est vrai. J’avais eu une rencontre formidable avec lui. Et nous avions passé beaucoup de temps ensemble, à parler de plein de choses. Il était presque comme un père. Je veux dire qu’il avait été tellement agréable, il n’aurait pas pu l’être davantage ».

Trump se souvient avoir dit à Netanyahu après sa réunion avec le chef de l’AP que « j’ai eu un très bon entretien avec Abbas. Nous pouvons conclure un accord, incontestablement ». Quelle a été la réponse du leader israélien ? « Eh bien, réfléchissons-y. N’allons pas trop vite, vous savez ». Après qu’il a commencé à parler, je lui ai dit : ‘Attendez une minute… Vous ne voulez pas d’un accord' ».
« Et il m’a répondu : ‘Eh bien, heu…’ Et le fait est que je ne pense pas que Bibi ait jamais eu l’intention de conclure un accord. »
تصريح مفاجئ من ترامب تجاه عباس: كان مثل الوالد!
(تسجيل صوتي خلال محادثة مع باراك رافيد، نشرتها القناة ١٢) pic.twitter.com/4FvfFhQKTx— أحمد دراوشة (@AhDarawsha) December 11, 2021
« J’avais pensé que les Palestiniens étaient impossibles et que les Israéliens étaient prêts à n’importe quoi pour trouver un accord. J’ai découvert que ce n’était pas la réalité ».
Malgré sa frustration face à Netanyahu, Trump avait reconnu Jérusalem en tant que capitale d’Israël et annoncé la relocalisation de l’ambassade américaine dans la ville sainte, entraînant la rupture des liens avec Washington du côté des Palestiniens.
« Je ne pense pas que Bibi ait jamais voulu de la paix », répète Trump. « Je pense qu’il nous a fait marcher dans un certain sens… ‘Non, non, nous le voulons, nous le voulons’… Mais je pense que Bibi n’a jamais voulu faire la paix. Jamais ».

Trump tient des propos bien plus positifs sur Benny Gantz qui, en 2020, avait conclu un accord de coalition et de partage du pouvoir avec Netanyahu et qui devait, dans ce cadre, devenir lui-même Premier ministre après une période pré-établie, succédant à Netanyahu (l’accord n’avait jamais été honoré, le gouvernement s’était effondré et un nouveau scrutin avait finalement écarté Netanyahu du pouvoir).
« Alors, Benny Gantz… Je l’apprécie vraiment beaucoup. Je pense que c’était un type formidable. Il est venu à la Maison Blanche. Il était une personnalité qui, à mon avis, aurait grandement aidé à faciliter la conclusion d’un accord avec les Palestiniens. Les Palestiniens haïssent Netanyahu. Ils le haïssent passionnément. Ils ne haïssent pas Gantz. Ils ne le haïssaient pas ».
« J’aimais beaucoup le général. En fait, j’avais dit à Jared [Kushner] et à David [Friedman] que s’il devenait notre interlocuteur, s’il l’emportait, je pensais que les choses seraient beaucoup plus faciles », dit Trump en se référant respectivement à son conseiller qui est aussi son gendre et à l’ambassadeur américain au sein de l’État juif.
Quand Trump avait annoncé son plan de paix, au mois de janvier 2020, Netanyahu avait immédiatement affirmé que l’administration américaine avait donné son feu vert à l’État juif concernant l’annexion de pans majeurs de la Cisjordanie contenant des implantations israéliennes, entraînant la jubilation de la droite israélienne et l’inquiétude des Palestiniens et de nombreux observateurs internationaux.

Mais Washington avait rapidement exprimé des réserves et le temps passant, il s’était avéré que ce feu vert présumé n’avait jamais, en définitive, été donné. Israël avait finalement abandonné ce plan d’annexion dans le cadre de ses accords de normalisation des relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis et Bahreïn, à la fin de cette année-là, des accords qui avaient été négociés par les États-Unis.
Trump, dans l’interview, dit avoir stoppé lui-même le plan d’annexion.
« Je me suis mis en colère et j’ai arrêté ça, parce que ça allait véritablement trop loin. Cela allait trop loin, vous savez – quand Netanyahu a dit : « Construisons. Prenons tout et commençons à construire.’ Nous n’étions pas satisfaits de ça ».
Trump évoque également sa popularité au sein de l’État juif – l’un des seuls pays du monde où il est resté populaire dans les sondages pendant tout son mandat.
« En Israël, je suis la personnalité la plus populaire… Qui sont les 20 % [d’Israéliens qui ne le soutiennent pas] qui se montrent si ingrats ? Ils sont malveillants ».

Trump s’était régulièrement entretenu avec Ravid au mois d’avril et au mois de juillet pour le nouveau livre – qui paraîtra en hébreu – du journaliste, « La paix de Trump », qui est consacré aux accords d’Abraham, les accords de normalisation conclus entre Israël et des États arabes qui ont été négociés par l’administration Trump.
Des extraits de ces interviews ont aussi été rendus publics dans l’édition de vendredi du Yedioth Ahronoth et par la Douzième chaîne avant la sortie de l’ouvrage dans les librairies.
Dans des extraits diffusés vendredi, Trump s’en prend avec férocité au Premier ministre Benjamin Netanyahu en évoquant les félicitations adressées par ce dernier à Joe Biden lors de la victoire du Démocrate à la Maison Blanche, l’année dernière.
« Il a été très rapide. Plus rapide que la plupart des autres. Je ne lui ai plus parlé depuis. Qu’il aille se faire voir [Fuck him, en anglais] », déclare Trump.
« Personne n’a jamais fait autant pour Bibi. J’aimais bien Bibi et c’est encore le cas aujourd’hui », explique Trump, utilisant le surnom donné à Netanyahu. « J’ai fait plus pour lui pour que n’importe qui d’autre avec lequel j’ai été amené à traiter ».
« Mais j’apprécie aussi la loyauté. Et le premier à féliciter Biden, ça a été Bibi. Et non seulement il l’a félicité mais il l’a fait en vidéo. C’était en vidéo », s’exclame-t-il.
Netanyahu avait pourtant tardé à féliciter Biden au mois de novembre de l’année dernière, ne le faisant que de longues heures après un grand nombre d’autres dirigeants du monde entier.
Trump indique également que sa décision de retirer les États-Unis de l’accord sur le nucléaire signé avec l’Iran en 2015, le JCPOA – l’administration américaine actuelle tente également de le réintégrer – avait été motivée « par mes relations avec Israël », plutôt que par les liens qui l’unissaient personnellement à Netanyahu.

Et il a affirmé que s’il ne l’avait pas fait, « je pense que peut-être Israël serait détruit aujourd’hui ».
« Aujourd’hui, Biden revient dans cet accord parce qu’il n’a pas d’idées. Les Israéliens ont combattu cet accord et Obama n’avait pas voulu les écouter. Ma décision de me retirer de l’accord, c’était à cause de mes relations avec Israël – pas de mes relations avec Bibi. C’était mon sentiment à l’égard d’Israël ».
Trump affirme aussi avoir sauvé Netanyahu au cours du scrutin d’avril 2019 au sein de l’État juif, en reconnaissant la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan. Cette élection avait été la première de quatre votes non-concluants qui avaient placé Israël dans l’impasse politique pendant deux ans. Netanyahu a finalement été écarté du pouvoir par la coalition actuellement à la tête du pays.
« Prenez le Golan par exemple », déclare Trump. « C’était une affaire énorme. On a pu dire que c’était un cadeau de dix milliards de dollars. Je l’ai fait juste avant les élections, ce qui l’a beaucoup aidé… Sans moi, il aurait perdu les élections. Il ne décollait pas à ce moment-là. Il a décollé dans les sondages après ce que j’ai fait, beaucoup. Il a pris 10 ou 15 points dans les sondages après ce que j’ai fait pour le plateau du Golan ».
Les déclarations de Trump dans cette interview viennent confirmer des informations rendues publiques par un journaliste américain, Michael Wolff, qui avait écrit dans son récit de la présidence de Trump que ce dernier avait considéré comme « une ultime trahison » les félicitations adressées par Netanyahu à Biden.
Trump, furieux, aurait ainsi confié à ses conseillers que l’ex-Premier ministre israélien avait félicité Biden « avant que l’encre ne sèche sur le papier ». Le livre écrit par Wolff, Landslide: The Final Days of the Trump Presidency, est sorti au mois de juillet.

Trump avait refusé de reconnaître sa défaite à la présidence américaine, lançant des accusations infondées de fraude électorale et jurant de saisir les tribunaux – une réaction qui avait amené ses partisans à prendre d’assaut le bâtiment du Capitole américain pour tenter de stopper la certification de la victoire du Démocrate.
Cette colère de Trump aurait éclaté en dépit du fait que Netanyahu a finalement été l’un des derniers dirigeants du monde à féliciter Biden et la vice-présidente américaine Kamala Harris.
En réponse à ces propos, le bureau de Netanyahu a fait savoir, vendredi, qu’il « appréciait véritablement » le soutien apporté par Trump à Israël mais qu’il « appréciait également l’importance de l’alliance forte entre Israël et les États-Unis » et qu’il avait donc été « important » pour l’ancien Premier ministre « de féliciter le nouveau président ».