Tsahal n’aurait pas réagi aux signes d’activité aérienne du Hamas avant le 7 octobre – média
De hauts responsables de la sécurité auraient estimé que le groupe terroriste, intéressé par un accord de long-terme, ne passerait plus à l'action et ferait des concessions à Israël

C’est à 2 heures du matin, en cette journée du 7 octobre 2023, que les premières informations sur des activités étranges de la division aérienne du Hamas et des signes d’activation de lance-roquettes seraient parvenues au centre de commandement de l’armée de l’air israélienne.
Des appels ont été passés, les généraux ont été réveillés et, à 3 heures du matin, le chef du commandement sud de l’armée israélienne – un général – aurait parlé avec des officiers supérieurs pour évaluer la situation.
Dans un rapport rédigé peu de temps après sur la base de cette évaluation et d’autres consultations, le général de division Oded Basiuk, chef de la Direction des opérations de Tsahal, a esquissé des pistes. Le Hamas pourrait être en train de se livrer à des exercices, a-t-il écrit, ou de se préparer à réagir à une potentielle attaque israélienne.
La troisième option, a-t-il écrit, selon une information publiée par Ynet jeudi, serait que le Hamas « se prépare à une action contre Israël dans les heures à venir, y compris maritime, peut-être même à une attaque contre une plate-forme gazière, une intrusion, des enlèvements, une attaque terroriste extraordinaire, des tirs de roquettes [ou] une intrusion aérienne ».
Au festival de musique Nova, non loin du kibboutz Réïm et du quartier général du commandement sud de Tsahal, des milliers de jeunes faisaient la fête ou dormaient dans des tentes. À la fin de la journée, des centaines d’entre eux seraient morts et des dizaines d’autres auraient été enlevés à Gaza. A aucun moment, ils n’ont été prévenus.
Le jour de l’attaque, un officier supérieur aurait insisté pour que l’armée israélienne mette fin à la rave en plein-air.
« Maintenant que l’on sait que les roquettes sont prêtes à être tirées – et même s’il y a des informations contraires -, pourquoi ne pas faire immédiatement évacuer les lieux ?… Ce ne serait pas la première fête ou spectacle interrompu par le commandement Sud », aurait déclaré l’officier, selon une personne proche du milieu des enquêtes militaires suite à l’attaque du Hamas, a indiqué Ynet.
Cette mise en garde, aux premières heures du 7 octobre, adossé selon Ynet à des documents consultés par de hauts responsables du gouvernement demandant le limogeage de hautes autorités de Tsahal, est une nouvelle mise en accusation qui s’ajoute à celle des services de renseignement et au récit des mises en garde ignorées, sans oublier l’excès de confiance délétère de certains militaires et personnels de renseignement.

Selon une autre source d’informations, selon laquelle de hauts responsables militaires auraient minimisé la portée des menaces du Hamas, quelques mois avant l’attaque, l’armée se serait mise dans une dépendance excessive envers la barrière frontalière avec Gaza, prétendument infranchissable et pourtant aisément franchie par les milliers de terroristes armés qui se sont inntroduits en Israël en ce funeste jour.
Mardi, le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi, et le chef du Commandement sud, le général de division Yaron Finkelman, ont annoncé leur intention de démissionner, prenant ainsi leur part dans les échecs qui ont permis le pogrom du groupe terroriste du Hamas, le 7 octobre 2023.
Selon Ynet, qui s’appuie sur le témoignage de membres des autorités présents lors de ces échanges matinaux, le décalage entre la gravité des menaces exprimées dans l’information donnée par Basiuk et la manière dont elles ont été accueillies par les hautes autorités de Tsahal est flagrant.
Malgré les mises en garde, bien peu de mesures ont été prises, notamment par crainte d’exposer des sources de renseignement.
Selon Ynet, qui cite un document relatif aux activités de ce matin-là invitant les forces de sécurité à « se préparer avec minutie », le « chef de la Direction des opérations aurait souligné la nécessité de se garder d’une défense impétueuse ».

Un officier de haut rang cité par Ynet a indiqué que l’inquiétude suscitée par la possible exposition des sources de renseignement était le signe patent de l’inconscience de Tsahal.
« Face à un pareil danger, il fallait avant tout se protéger, pas [protéger] la source », a déclaré l’officier.
Après avoir parlé avec Finkelman et Basiuk aux alentours de 4 heures du matin, Halevi avait ordonné le déploiement de moyens au-dessus de Gaza pour recueillir davantage de renseignements, en fixant un nouveau point de situation à 8h30 le même jour, « sauf informations urgentes », indique Ynet.
À 6 h 29, le Hamas tirait un grand nombre de roquettes sur Israël de façon à couvrir l’entrée de milliers de terroristes dans le sud du pays pour y tuer 1 200 personnes et prendre 251 personnes en otage, ce qui a déclenché la guerre à Gaza.

« Laisser Gaza tranquille et se concentrer sur ce qui est vraiment nécessaire »
Selon une information donnée mercredi par la chaîne N12, fondée sur quatre témoignages de personnes impliquées dans les questions de sécurité liées à Gaza entre mars et septembre 2023, les hautes autorités de la défense israélienne auraient, des mois durant, sous-estimé le risque d’une telle attaque, persuadées que le Hamas s’occupait avant tout du maintien de l’ordre, préférant se concentrer sur les menaces venues du Liban et d’Iran.
Le 21 mars 2023, le ministre de la Défense de l’époque, Yoav Gallant, s’est rendu au quartier général de la division israélienne de Gaza, où Basiuk, le chef de la direction des opérations, lui aurait dit qu’« une opération dans la bande de Gaza ne serait pas dans l’intérêt d’Israël ».
Le colonel Ami Biton, en charge de la brigade nord de cette division à cette époque, aurait également assuré à Gallant que si les terroristes du Hamas franchissaient la barrière frontalière, l’armée israélienne serait à même de les repousser « absolument partout, au moyen d’hélicoptères d’attaque, drones, chars et véhicules blindés ».
Selon cette même source, Gallant en aurait conclu que « le Hamas, avec ses roquettes, était faible. »
La réunion suivante, évoquée par le reportage de la chaîne N12, aurait eu lieu le 14 juin 2023 dans le bureau de Gallant, dans les locaux du ministère de la Défense. L’ordre du jour prévoyait la validation d’une série de gestes de bonne volonté envers la bande de Gaza, à savoir la modernisation du poste-frontière de Rafah avec l’Égypte, la construction d’un port et l’augmentation du nombre de visas accordés aux travailleurs ayant une activité en Israël.

Selon la chaîne N12, les autorités de la sécurité présents ont validé avec enthousiasme ces mesures.
Le chef du Mossad, David Barnea, s’en serait personnellement réjoui, estimant qu’elles étaient de nature à accorder à Israël un certain répit dans les affrontements avec Gaza. En effet, des combats avaient éclaté en mai contre le Jihad islamique palestinien, dans le cadre de l’opération militaire israélienne baptisée Bouclier et flèche. Le Hamas n’avait pas pris part aux combats, ce qui avait conforté le sentiment qu’il ne cherchait pas le conflit.
Selon la chaîne N12, Barnea aurait insisté pour qu’Israël fasse des gestes envers la bande de Gaza, tant il était persuadé qu’ils permettraient à Israël « de laisser Gaza tranquille et de se concentrer sur le plus important – l’Iran ».
Le chef de l’armée israélienne, Halevi, aurait lui aussi été en faveur de ces gestes, de nature, selon lui, à convaincre le Hamas de moins attaquer Israël.
« Ils nous attaquent en effet moins, mais si on leur accorde des faveurs, nous en obtiendrons plus », aurait dit Halevi, toujours selon la chaîne N12.
Le général de brigade Amit Saar, chef du service de collecte du renseignement militaire, aurait soutenu Halevi en disant « Ces douze derniers mois, nous avons vu que le Hamas ne montrait aucun signe de violence à Gaza ».
« Ils aspirant au calme, ils ont besoin de calme », aurait ajouté Saar, toujours selon la chaîne N12.
Gallant se serait une fois de plus réjoui qu’Israël ait obtenu que Gaza ne soit plus une source d’attaque et aurait ajouté que le Hamas cherchait des alternatives au Liban ou en Cisjordanie.
Le 12 septembre, Halevi avait indiqué que les communautés de la région – celles qui allaient être ravagées le 7 octobre – étaient à l’abri d’une attaque du Hamas.
Lors d’un déplacement à la frontière avec Gaza, il a vanté les mérites de la barrière de haute technologie construite par Israël entre ses communautés et la bande de Gaza, ajoutant que « l’opération Bouclier et flèche était un succès de nature à dissuader le Hamas ».
Dix jours seulement avant le pogrom commis par le Hamas [le 7 octobre], les hautes autorités de sécurité demeuraient persuadées que le groupe terroriste cherchait l’apaisement.
Lors d’une réunion organisée, le 27 septembre, par le Premier ministre Benjamin Netanyahu en ses bureaux, Gallant aurait dit : « Le Hamas nous fait comprendre qu’il souhaite un accord de longue durée – plusieurs années – avec Israël ».

Le général de division Aharon Haliva, alors chef de la Direction du renseignement militaire, aurait également dit lors de cette réunion que « sincèrement, Sinwar souhaite toujours un accord » – allusion à Yahya Sinwar, chef du Hamas et cerveau du 7 octobre, assassiné depuis.
Lorsque quelqu’un – on ignore qui – a objecté que la dissuasion israélienne vis-à-vis du Hamas n’était pas totale, Gallant aurait répondu : « Ce n’est pas vrai – nous aurions pu mener d’autres combats à Gaza, mais nous serions arrivés au même résultat. »
La chaîne N12 a indiqué que l’armée israélienne avait refusé de commenter ces informations.
Gallant, qui a été démis de ses fonctions en novembre dernier et a par la suite quitté la Knesset, a déclaré que les propos rapportés « brossaient un tableau partiel et tendancieux » et qu’il n’avait jamais eu connaissance de renseignements faisant état de projets d’attaque du Hamas.
L’ex-ministre de la Défense a réitéré sa demande de mise en place d’une commission d’enquête d’État sur les circonstances de l’attaque du Hamas. La coalition de Netanyahu a, ce mercredi, voté contre et fait avorter une proposition de loi destinée à forcer le gouvernement à installer une telle commission.