Un an après la mort de Shireen Abu Akleh, Tsahal présente des excuses
Pour la première fois depuis le décès de la journaliste d’Al Jazeera, lors d'une opération de Tsahal en Cisjordanie, Daniel Hagari a dit à CNN « Nous sommes vraiment désolés »
Mercredi, un an jour pour jour après la mort de la célèbre journaliste d’Al Jazeera, Shireen Abu Akleh, le porte-parole de Tsahal a, pour la première fois, présenté des excuses pour l’incident qui avait à l’époque suscité une réprobation générale.
Selon le compte rendu officiel de Tsahal, Abu Akleh, âgée de 51 ans, porteuse au moment des faits d’un gilet revêtu de la mention « Presse » ainsi que d’un casque, a été tuée le 11 mai 2022 en couvrant des affrontements entre l’armée israélienne et des Palestiniens armés, dans le camp de réfugiés de Jénine, au nord de la Cisjordanie, dans le cadre d’une action de lutte antiterroriste.
L’armée israélienne a mené son enquête et reconnu que la balle responsable de la mort de la journaliste avait « très probablement » été tirée par une arme israélienne, tout en assurant que la journaliste n’avait pas été délibérément prise pour cible.
A l’occasion d’une interview accordée à CNN, mercredi, le porte-parole de Tsahal, Daniel Ragari, a été interrogé sur la question et a répondu : « Je pense que c’est le moment, pour moi, de dire ici que nous sommes profondément navrés de la mort de Shireen Abu Akleh. »
« C’était une journaliste très importante et appréciée », a-t-il ajouté. « Israël est une démocratie, et dans une démocratie, le journalisme et la presse libre revêtent une grande importance. Nous voulons que les journalistes se sentent en sécurité en Israël, particulièrement en temps de guerre. Quand bien même ils nous critiquent, nous voulons qu’ils se sentent en sécurité. C’est normal dans une démocratie, et nous sommes une démocratie libérale. »
La famille d’Abu Akleh a déposé plainte auprès de la CPI en septembre dernier. Le Bureau du Procureur de la Cour déterminera s’il y a lieu d’ouvrir une enquête.
"We are very sorry of the death of Shireen Abu Akleh."
IDF chief spokesman Rear Adm. Daniel Hagari to CNN's @EleniGiokos a year to the day after the well-known Al Jazeera correspondent was killed while covering an Israeli military operation in Jenin in the occupied West Bank. pic.twitter.com/JJanmI8zjN
— CNN International PR (@cnnipr) May 11, 2023
En décembre, Al Jazeera a soumis à la CPI ce qu’elle a qualifié de preuves détaillées du caractère prétendument délibéré de la mort de la journaliste palestino-américaine, mais les États-Unis ont estimé que l’affaire ne relevait pas de la compétence de la Cour.
La nièce d’Abu Akleh, Lina Abu Akleh, a déclaré lors d’une conférence de presse à La Haye au moment des faits que sa « famille ne sait toujours pas qui a tiré la balle qui a tué Shireen, qui commandait celui ou celle qui a tué ma tante. Les preuves sont extrêmement claires et nous souhaitons que la CPI agisse. »
L’avocat d’Al Jazeera, Rodney Dixon, a accusé Israël de « dissimulation complète », estimant que sa mort relevait d’une « hostilité généralisée et systématique » d’Israël envers la chaine d’information du gouvernement qatari.
Israël n’est pas membre de la CPI et conteste la compétence de la Cour. Les États-Unis ne sont pas non plus membres de la Cour, créée en 2002 comme tribunal de dernier recours pour juger les crimes de guerre.
Israël a déclaré qu’il ne coopérerait à aucune enquête étrangère sur la mort d’Abu Akleh.
En novembre, le Federal Bureau of Investigation (FBI) des États-Unis a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la mort d’Abu Akleh. Israël a déclaré qu’il ne coopérerait pas.
Ouverture d’un musée
L’Autorité palestinienne a posé jeudi la première pierre d’un musée à la mémoire d’Abu Akleh au premier anniversaire de sa mort.
A Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne, les travaux de construction du Musée Shireen Abu Akleh pour les médias ont été officiellement lancés lors d’une cérémonie en présence de sa famille, d’amis et de responsables palestiniens, selon un journaliste de l’AFP.
Le musée « transmettra l’image de la vérité et celle de la souffrance pour les générations futures », a déclaré Anton Abou Akleh, frère de la journaliste défunte, en s’adressant à l’assemblée d’environ 70 personnes.
« Toute une génération a grandi en écoutant Shireen couvrir la souffrance du peuple palestinien à cause de l’occupation » israélienne, a-t-il ajouté.
Le musée doit être bâti sur un terrain fourni par l’Autorité palestinienne et consacré à l’œuvre de la journaliste et à l’éducation aux médias.
« Shireen a commencé sa vie comme témoin et l’a finie en martyre », a déclaré le Premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh.
Avec ses reportages, « elle est entrée dans chaque foyer de Palestine, dans chaque maison arabe et peut-être aussi dans chaque maison du monde », a-t-il ajouté.
Depuis mardi, plusieurs manifestations à sa mémoire ont eu lieu à Ramallah, où la rue du bureau d’Al Jazeera où elle travaillait porte désormais son nom, et ailleurs.
A Jénine, plusieurs personnes se sont rassemblées jeudi pour un hommage sur le lieu même ou la reporter a été tuée. Des photos, bannières et graffitis à son effigie y sont visibles à côté d’une plaque commémorative.
Shireen, comme l’appellent tous les Palestiniens, « est devenue un symbole de la lutte palestinienne et son sacrifice est en tout point semblable à celui de n’importe quel combattant », a déclaré à l’AFP Thaer Daoud, venu de Qalqiliya, autre ville du nord de la Cisjordanie, pour lui rendre hommage: « chacun est témoin de son sacrifice pour la Palestine. »
L’AFP a contribué à cet article.