Un candidat RN proche de Bardella pro-Russe et parti à la rencontre de Bashar el Assad
Pour Pierre Gentillet, la théorie du complot du "grand remplacement" n'est "pas une théorie suprémaciste" du très sulfureux Renaud Camus, mais une "analyse de la situation"
« Je vous connais bien, vous êtes sur CNews ». Sur le marché de Sancoins, des passants viennent saluer Pierre Gentillet. Ce jeune avocat et ex-chroniqueur télé porte les couleurs du Rassemblement national (RN) aux législatives dans le Cher où son « parachutage » et ses positions jugées « pro-russes » suscitent la controverse.
L’accueil est globalement favorable dans ce village tranquille de 3 000 habitants, où l’extrême droite a récolté plus de la moitié des voix aux européennes, 43,5 % pour le RN et 7 % pour Reconquête.
Et la présence passée de Me Gentillet sur CNews, la chaîne info du milliardaire ultra-conservateur Vincent Bolloré, est « un petit accélérateur », confie-t-il, sous un soleil écrasant en ce jour de marché. « Dans le milieu rural, c’est la chaîne que les gens regardent », avec ses sujets sur « l’immigration et l’insécurité » et le « ton d’une France d’avant, des années 70-80 », estime l’ancien chroniqueur.
Proche de Jordan Bardella depuis leurs études à la Sorbonne, l’avocat n’a guère hésité à se lancer dans ces législatives. À l’entendre, la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale est une aubaine, une « opportunité inouïe pour accéder aux responsabilités », dit le trentenaire à l’allure sage, veste bleue et raie sur le côté.
Gentillet a toujours milité pour faire « péter le cordon sanitaire » avec les le pénistes, reconnaît-il. Il s’y employait déjà il y a une dizaine d’années quand il était encore jeune militant du parti de droite UMP (prédécesseur de LR), avant de claquer la porte pour protester contre le retour de l’ancien président Nicolas Sarkozy, pas assez radical à son goût.
L’avocat de 33 ans a ses chances dans la troisième circonscription du Cher, où le match pourrait être très serré avec le député sortant Horizons, Loïc Kervran, membre du camp présidentiel.
« Bardella, il va trouver où l’argent ? Arrêtez de discréditer Macron ! », lance Micheline Rabreau, à la cantonade. « Les gens ne se souviennent pas de ce qu’il a fait pendant le Covid ? », s’interroge cette retraitée de la fonction publique.
En revanche Coralie, une enseignante d’une cinquantaine d’années, le soutient, car « nos territoires ont été complètement oubliés et le coût de l’essence est terrible ».
« Poutinolâtre »
Attablé au Café de la Paix, Gentillet balaie les controverses que charrie sa candidature.
C’est un « parachuté parisien », qui « ne connaît rien du territoire », dénoncent le sortant Loïc Kervran comme la candidate NFP Emma Moreira, une insoumise étudiante aux Beaux Arts de Bourges.
« J’ai grandi à Argenton-sur-Creuse » dans l’Indre voisine, rétorque Me Gentillet, qui y milite aussi contre l’installation d’un centre d’accueil de migrants, à Bélâbre.
Autre polémique : les positions pro-russes de l’avocat jusqu’à l’invasion de l’Ukraine. Proche de l’euro-député Thierry Mariani (RN), le jeune homme avait créé le « cercle Pouchkine » afin de rapprocher France et Russie et intervenait sur les médias russes Sputnik et RT, avant leur interdiction en Europe.
Dans un département qui concentre de nombreuses entreprises de l’industrie de l’armement, la CFDT du Cher s’alarme de son profil et de son éventuel accès à des informations confidentielles s’il siégeait à la commission de la Défense une fois élu. « Pour nous, c’est incompréhensible et cela pose question, c’est un Poutinolâtre », tranche Gérald Hayotte, un ancien des arsenaux.
« Injure », répond Gentillet, « je n’ai aucun lien d’intérêts » avec Moscou, simplement « une opinion jusqu’en 2020 sur des convergences », dans une « tradition gaulliste », soutient celui qui s’était aussi rendu en Syrie pour rencontrer le dictateur syrien Bashar el-Assad.
Le candidat RN préfère axer sa campagne sur le pouvoir d’achat et la lutte contre la « submersion migratoire ». À ses yeux, la théorie du complot du « grand remplacement » n’est « pas une théorie suprémaciste » du très sulfureux Renaud Camus, mais une « analyse de la situation » sur « un changement en profondeur de notre peuple ».
« Être français, c’est pas une commande à un comptoir », argue celui qui avait débuté sur CNews en ferraillant contre le pass sanitaire pendant le Covid.
À 400 kilomètres de là, un autre ex-éditorialiste de CNews est candidat RN aux législatives à Belfort : Guillaume Bigot. La chaîne de Bolloré est-elle la meilleure passerelle vers le RN ?
« Il y a beaucoup de sensibilités » chez CNews, désormais en tête des audiences des chaînes info, lâche Bigot.
« Il y a quelque chose de pavlovien à dire droite-extrême droite – Bolloré, c’est beaucoup plus compliqué que cela », affirme-t-il.