Un documentaire HBO donne la parole aux victimes, 4 ans après la tuerie de Pittsburgh
En pleine montée de l'antisémitisme, Trish Adlesic rend hommage aux survivants et aux victimes ; elle aborde un large éventail de sujets, de la foi juive aux armes à feu
JTA – Trish Adlesic rendait visite à son père à Pittsburgh le jour où un tireur est entré dans le bâtiment de la synagogue « Tree of Life » et a assassiné 11 personnes.
Presque immédiatement, la réalisatrice a commencé à filmer son environnement, dans le but de produire un documentaire sur cette tragédie, en faisant appel à un fidèle de la synagogue « Tree of Life », Eric Schuman, comme monteur et producteur. S’appuyant sur sa propre expérience en matière d’entretiens « axés sur les traumatismes », Adlesic a contacté les survivants dans l’espoir de créer « une plate-forme leur permettant de s’exprimer, de parler de leurs proches, de les honorer, de leur rendre hommage et d’essayer de trouver un moyen de nous unir ».
Le documentaire qui en résulte, « A Tree of Life » (« Un arbre de vie »), a été diffusé en avant-première sur HBO mercredi, quatre ans jour pour jour après l’attentat le plus meurtrier jamais perpétré contre la communauté juive américaine – et au cours d’une semaine où l’attention des États-Unis s’est à nouveau portée sur l’antisémitisme, suite aux commentaires du rappeur Kanye West qui ont été repris par des suprémacistes blancs.
Adlesic a déclaré à la Jewish Telegraphic Agency qu’elle espérait que le moment choisi pour la réalisation du film « ne ferait que renforcer l’urgence de la discussion et de l’intervention qui doivent avoir lieu ».
Elle a reçu le soutien de plusieurs grands noms tels que les interprètes Michael Keaton et Billy Porter et l’entrepreneur juif Mark Cuban, qui ont tous grandi à Pittsburgh, et qui se sont engagés comme producteurs. La star juive de Broadway, Idina Menzel, a écrit et interprété une chanson originale pour le documentaire.
« A Tree of Life » a été, dans une large mesure, façonné par les souhaits des survivants eux-mêmes. Dans son précédent documentaire « I Am Evidence » (« Je suis une évidence »), Trish Adlesic interrogeait des victimes de viol sur les retards dans le traitement des kits de viol. Elle a pris très au sérieux l’étude du traumatisme de ses sujets, allant jusqu’à déménager à Pittsburgh pour leur être plus facilement disponible lorsqu’ils ressentaient l’envie de parler.
Travaillant avec Audrey Glickman, survivante et membre du personnel de la Congrégation Beth Shalom (qui souffle un shofar devant le bâtiment dans la première scène du documentaire), Adlesic a permis aux sujets de façonner le fil conducteur de leurs interviews.
Elles ont abordé un large éventail de sujets liés à la fusillade, de leur propre foi juive à la législation sur les armes à feu, en passant par le récit minute par minute de l’attaque elle-même.
« Une attaque horrible et déchirante comme celle-ci suscite bien des pensées sur ce que peuvent être toutes les répercussions », a déclaré Adlesic.
Dans une démarche inhabituelle, les réalisatrices ont également permis à leurs sujets de donner leur avis sur le montage du documentaire. « Mon équipe de tournage m’a interrogée », s’est souvenu Adlesic. « On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Vous ne pouvez pas vous contenter de seulement prendre. Il faut aussi donner. Cela signifie que cela doit être fait comme ils le ressentent, et en fonction de ce qu’ils veulent que le monde sache. »
L’une des séquences les plus étranges du documentaire se déroule à environ une heure de Pittsburgh, où un couple non-juif tient une armurerie dans une ancienne synagogue restaurée – avec des vitraux et un lustre en forme d’étoile de David.
Adlesic a refusé de préciser l’emplacement exact de l’armurerie, se contentant de dire que c’était dans « une vieille ville sidérurgique » et que la boutique avait ouvert ses portes avant la fusillade de « Tree of Life ». Elle est allée interviewer le propriétaire après avoir appris l’existence de la boutique – par un Juif de Pittsburgh au lendemain de la fusillade. Elle a trouvé que l’existence même de la boutique était un bon exemple de « l’atroce insensibilité » qui sévit.
Après avoir interviewé l’un des propriétaires dans le cadre de ses recherches pour son documentaire, elle a tenté de le convaincre de la laisser payer pour retirer les symboles juifs (« Pittsburgh est connue pour ses ponts et je voulais faire une scène où je pensais que nous pourrions créer un pont avec la boutique »), mais il a refusé son offre.
Toutefois, elle espère réunir assez d’argent pour racheter le local et le transformer en musée – l’une des nombreuses façons dont les réalisatrices espèrent faire de leur documentaire un outil de lutte contre tout type de haine. Une initiative anti-haine pour les écoles est également en cours de préparation.
Adlesic a refusé de partager des informations sur ses propres origines juives, disant qu’elle se considérait comme un « intermédiaire » et qu’elle préférait que la promotion du documentaire soit axée sur les survivants. Elle avait, par le passé, dit que son père était Juif et que son grand-père avait aidé à faire venir des Juifs à New York lorsque les nazis étaient arrivés au pouvoir. Mais elle ne considère pas la fusillade de Tree of Life comme une tragédie exclusivement juive.
« Je pense que ça fait, avant tout, parti de l’Histoire juive, puis de l’histoire de Pittsburgh, et dorénavant de l’Histoire universelle », a-t-elle déclaré.
« A Tree of Life » peut être visionné en streaming sur HBO Max.